L’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, d’application immédiate, y compris aux procédures en cours, paralyse l’action en constatation d’acquisition d’une clause résolutoire pour non-paiement des loyers pendant la période au cours de laquelle l'activité du locataire est affectée par une mesure de police (TJ Paris, ord. référé, 21 janvier 2021, RG n° 20/55750).
FORMATION DU BAIL COMMERCIAL ET PRESCRIPTION
La nullité d’un bail commercial (pour erreur sur la qualité substantielle du bien loué, le bailleur ayant largement sous-évalué le montant des charges) peut être soulevée par voie d’exception pendant le délai de prescription quinquennale nonobstant l'exécution partielle du contrat (Cass. civ. 3, 03-12-2020, n° 19-23.397, F-D) (voir Cass. civ. 1, 04-05-2012, n° 10-25.558, F-P+B+I : « la règle selon laquelle l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui n'a pas encore été exécuté ne s'applique qu'à compter de l'expiration du délai de prescription de l'action »).
OBLIGATION DES PARTIES : EXPLOITATION ET DELIVRANCE
La résiliation judiciaire d'un bail commercial pour défaut d'exploitation des locaux ne peut être prononcée si aucune stipulation expresse du bail ne fait obligation au preneur d'exploiter son fonds de commerce dans les lieux loués (Cass. civ. 3, 03-12-2020, n° 19-20.613, F-D) (voir, précédemment en ce sens Cass. civ. 3, 10-06-2009, n° 07-18.618, publié ; Cass. civ. 3, 10-06-2009, n° 08-14.422, publié).
En présence de désordres structurels sur le plancher partie commune, le syndicat des copropriétaires, sur le fondement de l’article 14 de loi du 10 juillet 1965, mais également le bailleur, sur le fondement de son obligation de délivrance (même si les désordres ne lui sont pas directement imputables), doivent réparer les préjudices subis par le locataire placé dans l’impossibilité de poursuivre l'exploitation du fonds de commerce (Cass. civ. 3, 03-12-2020, n° 19-12.871, F-D).
INDEMNITE D’EVICTION
En retenant que l'indemnité d’éviction doit notamment comprendre la valeur vénale du fonds de commerce défini selon les usages de la profession sans prévoir de plafond, de sorte que le montant de l'indemnité d’éviction pourrait dépasser la valeur vénale de l'immeuble, l’article L. 145-14 du Code de commerce est susceptible de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur (renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel) (Cass. QPC, 10 décembre 2020, n° 20-40.059, FS-P+I)
REMISE DES CLES A L’ENTREE ET A LA SORTIE
La demande du bailleur en paiement d’une indemnité pour l’occupation des locaux postérieurement au congé du preneur ne peut être rejetée au motif que le bailleur n’a pas réclamé les clés (Cass. civ. 3, 03-12-2020, n° 19-22.443, F-D).
Il incombe au bailleur de prouver qu’il a remis au locataire la clé de la nouvelle serrure permettant à d'accéder aux lieux loués, même si le locataire n’a pas mis en demeure le bailleur de remplir son obligation de mise à disposition du local (Cass. civ. 3, 03-12-2020, n° 19-18.816, F-D).
Julien PRIGENT
MUTELET-PRIGENT ET ASSOCIES
Avocats à Paris
L’évènement épidémique n’est pas un cas de force majeure et il n’exonère pas en tout état de cause un débiteur de son obligation au paiement d’une somme d’argent. La fermeture des commerces ne peut être assimilée à une destruction de la chose louée (C. civ. art. 1722) et elle ne rend pas l’exécution excessivement onéreuse (C. civ., art. 1195) pour le locataire. Seul doit donc être examiné le principe de bonne foi. Le locataire échouant à apporter la preuve de sa bonne doit être condamné au paiement. Tels sont les enseignements d’une ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris (T. com. Paris, 11-12-2020, aff. n° 2020035120).
La fermeture totale d’un commerce dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire et du confinement est susceptible de revêtir le caractère de la force majeure, si bien qu'il existe une contestation sérieuse quant à l'exigibilité des loyers (CA Paris, 1, 3, 09-12-2020, n° 20/05041).
La discussion des parties, sur (1) un manquement du bailleur à ses obligations de délivrance et de jouissance paisible ou (2) sur la force majeure, en raison de la crise sanitaire, qui justifierait la dispense des obligations du preneur, relève du juge du fond.
L'existence et la persistance d'un trouble manifestement illicite n’est pas établie, pas plus que l'existence d'un dommage imminent, en présence d’un centre commercial qui a rouvert le 29 mai 2020.
Il n'y a donc pas lieu à référé sur la demande du locataire de suspension du paiement des loyers.
Au regard des contestations soulevées par le locataire, tenant à l'exception d'inexécution ou à la force majeure, il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, de trancher l'obligation de paiement du loyer du preneur pendant la période d'état d'urgence sanitaire (TJ Versailles, ordonnance de référé du 9 octobre 2020, RG n° 20/00558).
Une nouvelle décision de première instance au fond a été rendue sur la question de l'exigibilité des loyers pendant la période de fermeture d'un commerce en raison de la crise sanitaire (T. com. Lyon, 17-11-2020, aff. n° 2020J00420). Elle rejette l'exception d'inexécution et la force majeure, cette dernière, notamment en raison du fait que le locataire ne démontre pas une insuffisance de trésorerie qui l’empêcherait d’exécuter son obligation de débiteur, à savoir le paiement du loyer.
L'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 (relative au paiement des loyers, des factures d'eau,
de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de covid-19) comporte des dispositions relatives aux
conséquences du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux. Une première analyse de ces dispositions est proposée (article en
cours de publication dans la revue Lexbase).
La rédaction d’un bail commercial portant sur un lot de copropriété nécessite une
vigilance particulière afin de prendre en compte les contraintes et les spécificités de l’immeuble en copropriété (Annale
des loyers, janvier-février 2020, p. 49, compte-rendu de l’intervention au colloque "Le bail commercial à l’épreuve de la copropriété," organisé par les éditions EDILAIX à Aix-en-Provence, le 21 septembre 2019).
L'article L. 112-1 du Code monétaire et financier, qui répute non écrite la
clause d’indexation d'un bail prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision, s'applique dès la première indexation.
Seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée, et non la clause dans son ensemble, est réputée non écrite (Cass. civ. 3, 06-02-2020, n° 18-24.599, FS-P+B+I).
En cas de vente des locaux donnés à bail, le bailleur originaire n'est pas
déchargé à l'égard du preneur des conséquences dommageables de l'inexécution de ses obligations par une clause contenue dans l'acte de vente subrogeant l'acquéreur dans les droits et obligations
du vendeur-bailleur (Cass. civ. 3, 23-01-2020, n° 18-19.589,
F-D, Rejet)
Le preneur à bail d'un terrain nu sur lequel sont édifiées des constructions ne
peut bénéficier du droit au renouvellement du bail que confère le statut des baux commerciaux que s'il remplit les conditions exigées au premier alinéa de l'article L. 145-1, I, du Code de
commerce tenant à son immatriculation et à l'exploitation d'un fonds (Cass. civ. 3, 23 janvier 2020, n° 19-11.215,
FS-P+B+I).
Publication dans la Revue des loyers de janvier 2020 de mon intervention au colloque ACE 2019 sur le bail commercial et le réputé non écrit (Bail commercial et réputé non écrit, Rev. Loyers 2020/1003, n° 3312).