« Loyers Covid » : seul le principe de bonne foi doit être examiné (exclusion de la force majeure, de l’article 1722 du Code civil et de l’imprévision)

L’évènement épidémique n’est pas un cas de force majeure et il n’exonère pas en tout état de cause un débiteur de son obligation au paiement d’une somme d’argent. La fermeture des commerces ne peut être assimilée à une destruction de la chose louée (C. civ. art. 1722) et elle ne rend pas l’exécution excessivement onéreuse (C. civ., art. 1195) pour le locataire. Seul doit donc être examiné le principe de bonne foi. Le locataire échouant à apporter la preuve de sa bonne doit être condamné au paiement. Tels sont les enseignements d’une ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris (T. com. Paris, 11-12-2020, aff. n° 2020035120).

 


   FAITS :

  • Bail dérogatoire de 36 mois à effet au 1er avril 2019
  • Activité de « confection, import/export et vente de produits textiles »
  • Loyer payable mensuellement
  • Locataire cesser de régler son loyer à compter du 1er avril 2020

 

DEMANDE DU BAILLEUR ET ARGUMENTS DU LOCATAIRE

 

Le bailleur assigne en référé le locataire en paiement devant le tribunal de commerce

 

Le locataire a invoqué pour s’opposer à cette demande :

  • Un manquement du bailleur à son obligation de délivrance en raison d’un cas de force majeure
  • La disparition temporaire de la chose louée
  • La nécessité de « revoir » le bail sur le fondement de la théorie de l'imprévision
  • A titre subsidiaire, l’octroi de délais

RÉPONSE DU PRÉSIDENT TRIBUNAL DE COMMERCE

 

Le tribunal de commerce relève que :

  • Si l'obligation de paiement qui pèse sur le preneur est certes rendue plus difficile par un évènement aussi contraignant que la Covid 19, celui-ci advient après d'autres épidémies récentes ; de plus, il a été largement annoncé mondialement avant même la mise en œuvre de la réglementation sanitaire française concernant la fermeture temporaire des commerces non essentiels ; en cela, ce phénomène ne peut être qualifié d’imprévisible et donc assimilé à un cas de force majeure
  • Le droit positif n'a jamais reconnu que le cas de force majeure puisse exonérer un débiteur de son obligation de paiement d'une somme d'argent
  • Même si l'accès du lieu loué a été temporairement interdit au public, les mesures sanitaires n'ont pas fait cesser sa mise à disposition par le bailleur ni la possibilité pour le locataire d'en jouir puisqu'il pouvait toujours y accéder physiquement. L4assimilation du cas d'espèce à la perte de la chose louée visée par l’article 1722 du Code civil est inopérante
  • La demande de révision du loyer sur le fondement de l'imprévision prévue par l’article 1195 du Code civil ne peut être accueillie puisque le montant du loyer contractuellement convenu est resté le même pendant les événements et n'est donc pas devenu « excessivement onéreux »

Seul doit être examiné le principe de bonne foi :

  1. Le chiffre d’affaires réalisé par le locataire pendant le premier confinement a été six fois supérieur au coût du loyer
  2. Le bailleur a proposé dès juin un étalement des loyers pour la période du 14 mars au 10 mai 2020, proposition restée sans suite
  3. Le locataire est resté taisant sur la mise en œuvre d’une éventuelle assurance perte d’exploitation et l’obtention d’un prêt garanti par l’Etat (PEG) auquel elle était éligible
  4. Le locataire a persisté à ne pas régler les loyers malgré la reprise générale de l’activité économique
  5. La proposition d’échelonnement du locataire (étalement sur vingt-quatre mois alors que la durée du bail restant à courir est de seize mois) est irréaliste ;

Le locataire échoue à démontrer sa bonne foi et un trouble manifestement illicite est constaté qu’il convient de faire cesser.

 

Le locataire est condamné à régler l’arriéré, outre 10 % au titre de la clause pénale.

 

Julien PRIGENT

MUTELET-PRIGENT ET ASSOCIES

Avocats à Paris


Écrire commentaire

Commentaires: 0