
L'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 n'a pas pour effet de suspendre l'exigibilité du loyer dû par un preneur à bail commercial.
La force majeure ne peut fonder une demande de suspension des loyers car il s’agit d’une obligation de somme d’argent.
Le contexte sanitaire ne peut générer en lui-même générer un manquement par le bailleur à son obligation de délivrance du bien loué.
L'exception d'inexécution doit être étudiée à la lumière de l'obligation pour les parties de négocier de bonne foi les modalités d'exécution de leur contrat en présence des circonstances précitées.
Tant le demande de suspension des loyers que celle de leur paiement sont sérieusement contestables, dès lors qu’il faut procéder à une appréciation concrète des situations respectives des contractants et de leurs échanges pendant la période considérée (TJ Paris, ord. de reféré, 26-10-2020, n° 20/53713).
Dans le cadre d'une instance introduite par un locataire exploitant une parapharmacie, aux fins de solliciter l'autorisation de suspendre le paiement des loyers "pendant la période d'état d'urgence sanitaire et jusqu'à la levée dudit état d'urgence", le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a retenu que :
- Les mesure d'urgence
L'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période "a pour effet d'interdire l'exercice par le créancier un certain nombre de voies d'exécution forcée pour recouvrer les loyers échus entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, mais n'a pas pour effet de suspendre l'exigibilité du loyer dû par un preneur à bail commercial dans les conditions prévues au contrat, qui peut donc être spontanément payé ou réglé par compensation".
- L'exécution de bonne foi
"Selon l'article 1134 devenu 1104 du Code civil, les contrats doivent être exécutés de bonne foi, ce dont il résulte que les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d'exécution de leurs obligations respectives".
- La force majeure
"S'agissant d'une obligation de somme d'argent, le moyen tiré de la force majeure, ou de la théorie des risques, soulevé par la société demanderesse pour solliciter la suspension de ses loyers pendant la période juridiquement protégée est inopérant".
- L'exception d'inexécution
"Le contexte sanitaire ne saurait en lui-même générer un manquement par le bailleur à son obligation de délivrance du bien loué. Ces circonstances ne lui étant pas imputables.
L'exception d'inexécution, soulevée par la preneuse, de ses obligations issues du bail, doit être étudiée à la lumière de l'obligation pour les parties de négocier de bonne foi les modalités
d'exécution de leur contrat en présence des circonstances précitées".
-
La demande de suspension des loyers
"L'analyse de cette question suppose une appréciation concrète des situations respectives des contractants et de leurs échanges pendant la période considérée.
La société preneuse à bail fait état d'arguments portant sur l'accès des locaux pendant la période et l'attitude de son bailleur au cours de cette période. La défenderesse conteste ces arguments. Une telle analyse relève du juge du fond.
Tant la demande que les obligations qui la fondent sont donc, en l'état, sérieusement contestables. Aucun dommage imminent ni trouble manifestement illicite n'est non plus démontré".
Concernant la demande de paiement formée par le bailleur :
"Le locataire démontre que son secteur d'activité, la parapharmacie, a été fortement perturbé économiquement par le confinement décidé par les pouvoirs publics et les restriction des déplacements de sa clientèle.
Il justifie par des échanges de courriers s'être rapprochée de son bailleur pour avoir essayé de trouver une solution amiable.
La demande en paiement est dés lors sérieusement contestable au titre de cette période qui correspond au 2ème trimestre 2020.
Il est dit n'y avoir lieu à référé sur la demande portant sur cette période".
Julien PRIGENT
MUTELET-PRIGENT & ASSOCIES
Avocats à la cour d’appel de Paris
Écrire commentaire