
Il est fréquent que le contrat de bail contienne une clause prévoyant la résiliation de plein droit en cas de non-paiement du loyer ou
d'inexécution par le preneur de l'une de ses obligations. La clause résolutoire, depuis l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 (JO
11 févr.) portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, est désormais envisagée par le Code civil. Cette étude porte sur la clause résolutoire
dans les baux commerciaux (1).
I. Principes généraux
a) La notion de clause résolutoire
Il est fréquent que le contrat de bail contienne une clause prévoyant la résiliation de plein droit en cas de non-paiement du loyer ou d'inexécution par le preneur de l'une de ses obligations. La clause résolutoire, depuis l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 (JO 11 févr.) portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, est désormais envisagée par le Code civil.
L'article 1224 du Code civil dispose que « la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice ». L'article 1225 de ce code précise que « la clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat » et que « la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire ». Néanmoins, l'article L. 145-41 du Code de commerce et la jurisprudence relative aux clauses résolutoires en matière de bail commercial comportaient déjà des exigences analogues.
À l'inverse des clauses de résiliation de plein droit, fondées sur la survenance d'un événement non imputable au preneur, la clause résolutoire en cas d'inexécution par le preneur de ses obligations a pour effet d'entraîner la cessation définitive du bail pour l'avenir.
La résiliation du bail à la suite de la mise en jeu de la clause résolutoire doit être distinguée de la résiliation judiciaire qui peut toujours être judiciairement prononcée, même en l'absence de toute clause en ce sens (C. civ., art. 1184, ancien et C. civ., art. 1224 à 1230, nouv.). La résiliation judiciaire n'a pas le caractère d'automaticité attaché à la clause résolutoire. Lorsque l'infraction sanctionnée par cette dernière est avérée, et que les conditions de sa mise en œuvre ont été respectées, le juge ne peut en principe que constater l'acquisition de cette clause et la résiliation subséquente du bail (Cass. 3e civ., 9 nov. 2004, no 03-11.139, AJDI 2005, p. 382, note Denizot C.) sauf à suspendre les effets de cette résiliation en accordant des délais (voir nos 480-34 et s.). En revanche, la résiliation judiciaire doit être prononcée par le juge qui dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier si le manquement invoqué à l'appui d'une demande de résiliation est suffisamment grave pour la justifier. Il faut veiller, lorsque la résiliation d'un bail est poursuivie en justice, à bien distinguer ces deux types de résiliation (Cass. 3e civ., 30 mai 2007, no 06-15.848).
La clause résolutoire se caractérise par son automaticité : elle doit sanctionner l'inexécution d'une obligation à l'issue d'un délai déterminé par une résiliation de plein droit. Toutefois, le fait qu'une telle clause réserve au bailleur la faculté d'en poursuivre la constatation « si bon lui semble » ne lui ôte pas ce caractère d'automaticité (Cass. 3e civ., 21 févr. 2006, no 05-15.776, Administrer 2006, no 388, p. 41, obs. Lipman-Boccara D.).
b) Le sort de la clause résolutoire postérieurement au terme contractuel du bail
La clause résolutoire est susceptible d'être mise en œuvre pendant la durée contractuelle du bail, ainsi qu'au cours de la tacite prolongation, mais également lorsque le bail a pris fin par l'effet d'un congé avec refus de renouvellement.
Une jurisprudence constante estime, en effet, que le bailleur est fondé à solliciter l'acquisition de la clause résolutoire, pendant la période de maintien dans les lieux du preneur, après un refus de renouvellement, ce maintien dans les lieux étant réputé s'effectuer aux clauses et conditions du bail expiré, en application des articles L. 145-28 et suivants du Code de commerce (Cass. 3e civ., 21 nov. 1969, no 67-14.593, D. 1970, somm., p. 135 ; Cass. 3e civ., 9 avr. 1970, no 68-14.192, Bull. civ. III, no 232, Rev. loyers 1970, p. 359 ; Cass. 3e civ., 9 déc. 1980, no 79-14.235, Bull. civ. III, no 191, Gaz. Pal. 1981, 1, jur., p. 410, note Brault Ph.-H. ; Cass. 3e civ., 1er mars 1995, no 93-10.172, Bull. civ. III, no 66, Administrer 1995, no 269, p. 27, note Barbier J.-D.), à tout le moins si la clause résolutoire sanctionne le défaut de paiement des indemnités d'occupation (Cass. 3e civ., 27 nov. 2012, no 11-19.422, AJDI 2013, p. 121).
La clause résolutoire sanctionnant le seul défaut de paiement des loyers, elle ne peut en revanche être mise en œuvre pour un défaut de paiement de l'indemnité d'occupation (Cass. 3e civ., 9 déc. 1980, no 79-14.235, précité ; CA Aix-en-Provence, 11e ch. B, 6 avr. 2017, no 16/00818, Rev. loyers 2017/977, no 26).
« La demande de constatation d'acquisition de la clause résolutoire, prévue en cas de défaut de paiement des loyers, n'est pas fondée en cas de non-paiement de l'indemnité d'occupation qui est distincte du loyer auquel elle se substitue dès l'expiration du bail » (Cass. 3e civ., 24 févr. 1999, no 97-11.554, Bull. civ. III, no 47, Loyers et copr. 1999, comm. no 184).
c) La mise en œuvre de la clause résolutoire – Généralités
L'article L. 145-41 du Code de commerce exige la notification préalable d'un commandement qui rappelle au locataire qu'il a un délai de un mois pour s'exécuter. Il peut, en outre, saisir le juge pour demander des délais afin de réparer l'infraction commise, et ce tant que la résiliation du bail n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée.
Le juge peut, en accordant des délais, suspendre les effets de la clause résolutoire.
Il s'agit d'un texte d'ordre public, toute disposition contraire étant sanctionnée par la nullité, en application de l'article L. 145-15 du Code de commerce.
Ainsi, la clause résolutoire d'un bail commercial qui stipule que le locataire dispose d'un délai de huit ou quinze jours pour s'exécuter est nulle (Cass. 3e civ., 8 déc. 2010, no 09-16.939, Bull. civ. III, no 215, Rev. loyers 2011/913, no 1254, note Lebel Ch. ; CA Paris, ch. 16, sect. A, 28 sept. 2005, no RG : 05/09136, SA Le Verdi c/ SCI Helder, Loyers et copr. 2006, comm. no 37 ; CA Paris, ch. 16, sect. A, 15 oct. 2008, no RG : 07/10624, S.A.R.L. Soleil de Tokyo c/ Mme Laperriere, AJDI 2009, p. 302, Loyers et copr. 2008, comm. no 252, note Chavance E. ; voir également, CA Lyon, 19 juill. 2016, no 14/05465, Gaz. Pal. 15 nov. 2016, p. 77).
Une demande de nullité d'une clause résolutoire stipulant un délai de trente jours ne peut être rejetée alors que la clause résolutoire qui ne stipule pas un délai d'au moins un mois a pour effet de faire échec aux dispositions de l'article L. 145-41 du Code de commerce (Cass. 3e civ., 11 déc. 2013, no 12-22.616, Loyers et copr. 2014, comm. no 48, note Chavance E.).
La nullité d'une telle clause prive de tout effet les commandements, peu important leur validité, et de fondement la demande de résiliation par l'effet de cette clause (CA Paris, ch. 16, sect. B, 18 déc. 2008, no 07/21640, S.A.R.L. Le Garden c/ S.A.S. Holding Vendome, AJDI 2009, p. 362).
L'action tendant à voir juger nulle la clause résolutoire qui stipulerait un délai inférieur à un mois est soumise au délai de prescription biennale de l'article L. 145-60 du Code de commerce qui court à compter de la signature du bail (CA Paris, pôle 5, ch. 3, 10 févr. 2016, no 13/23690, Loyers et copr. 2016, comm. no 148, note Brault Ph.-H. ; CA Lyon, 19 juill. 2016, no 14/05465, précité). La signature d'un avenant, qui ne constitue pas un nouveau bail mais se limite à constater l'accord du bailleur sur la substitution d'un preneur, n'ouvre pas un nouveau délai de prescription de l'action en nullité de la clause résolutoire, tirée de sa contrariété à l'article L. 145-41 du Code de commerce, qui a commencé à courir le jour de la signature du bail (Cass. 3e civ., 6 juin 2019, no 18-13.665, AJDI 2019, p. 624).
Le preneur peut toutefois invoquer cette nullité à titre d'exception sans pouvoir se voir opposer la prescription biennale de l'article L. 145-60 du Code de commerce, l'exception étant perpétuelle (CA Paris, ch. 16, sect. A, 28 sept. 2005, SA Le Verdi c/ SCI Helder, précité ; CA Paris, ch. 16, sect. A, 15 oct. 2008, no 07/10624, précité ; CA Lyon, 19 juill. 2016, no 14/05465, précité).
Il peut être noté que depuis la loi no 2014-626 du 18 juin 2014 (JO 19 juin) relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi Pinel, les clauses contraires aux dispositions d'ordre public du statut des baux commerciaux sont sanctionnées par le réputé non-écrit (C. com., art. L. 145-15) et non plus par la nullité, l'objectif du législateur étant de rendre imprescriptibles les actions tendant à sanctionner les clauses irrégulières. Ces nouvelles dispositions ne sont pas applicables aux instances en cours lors de l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014 précitée (voir à propos de l'action en nullité d'une clause résolutoire prévoyant un délai de quinze jours, CA Paris, pôle 5, ch. 3, 10 févr. 2016, no 13/23690, Loyers et copr. 2016, comm. no 148, note Brault Ph.-H.).
Il a été jugé en revanche que la clause résolutoire qui ne comporte aucun délai n'est pas nulle, « dans la mesure où elle ne stipule pas un délai inférieur à un mois et qu'aucune disposition législative n'impose que le contrat de bail doive expressément stipuler ce délai » (CA Aix-en-Provence, 14 nov. 2013, no 12/15991, Rev. loyers 2013/942, no 1698).
Il a également été jugé que le délai de un mois était un délai minimum et qu'une clause résolutoire prévoyant un délai supérieur à un mois était valable (CA Grenoble, ch. com., 4 févr. 2016, no 15/04629, Loyers et copr. 2016, comm. no 92, note Chavance E.).
Pour un modèle d'assignation en constatation d'acquisition de la clause résolutoire, voir no 480-110.
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II. Historique de l'article L. 145-41 du Code de commerce
Selon l'article L. 145-41 du Code de commerce :
« Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges, saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du Code civil (C. civ., art. 1244-1 à 1244-3, anciens) peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ».
a) Avant la loi du 31 décembre 1989
Le texte n'était applicable qu'au seul défaut de paiement du loyer, à l'exclusion de tout autre manquement du preneur à ses obligations contractuelles.
En conséquence, la clause résolutoire ne pouvait être suspendue en cas d'infraction à une clause du bail, autre qu'un défaut de paiement du loyer.
L'ancien article 25 du décret no 53-690 du 30 septembre 1953 (JO 1er oct.) (C. com., art. L. 145-41) avait donc été jugé inapplicable au défaut de paiement des charges (Cass. 3e civ., 4 nov. 1971, no 71-10.168, Bull. civ. III, no 534, Rev. loyers 1972, p. 43 ; Cass. 3e civ., 5 déc. 1984, no 83-16.450, Rev. loyers 1985, p. 184) ou de l'impôt foncier (CA Paris, 7 janv. 1986, Sté Socenco et MM. Frechou et Rey ès-qualités c/ Sté Prisunic, Loyers et copr. 1986, comm. no 105).
Il était également inapplicable en présence d'infractions aux clauses du bail, autres que celles relatives au paiement du loyer telles que cession irrégulière (Cass. 3e civ., 7 févr. 1984, no 82-11.948, Bull. civ. III, no 30, Rev. loyers 1984, p. 205), inexploitation (Cass. 3e civ., 6 juill. 1976, no 75-12.377, Bull. civ. III, no 295, Rev. loyers 1976, p. 454) ou non-exécution de travaux (Cass. 3e civ., 4 oct. 1973, nos 72-13.164 et 72-13.165, Rev. loyers 1973, p. 516 ; CA Paris, 22 janv. 1959, Montel c/ Thirouard, Rev. loyers 1959, p. 241 ; Cass. com., 5 oct. 1965, no 64-12.031, Rev. loyers 1966, p. 37 ; CA Paris, 4 déc. 1973, Creuzet c/ Sté Tractaubat, Rev. loyers 1974, p. 221).
b) Postérieurement à la loi du 31 décembre 1989
La loi no 89-1008 du 31 décembre 1989 (JO 2 janv. 1990) a modifié l'article 25 du décret no 53-960 du 30 septembre 1953 désormais codifié à l'article L. 145-41 du Code de commerce en supprimant dans l'alinéa premier de cet article les mots « à défaut de paiement de loyer aux échéances convenues » et « de payer » et les mots « pour défaut de paiement du loyer au terme convenu » au second alinéa.
Ainsi, tous les manquements aux baux, et notamment le défaut de paiement des charges et la non-exécution de travaux, pourront dorénavant faire l'objet d'une demande de suspension de la clause résolutoire par application de l'article L. 145-41 du code précité.
Ces nouvelles dispositions ont été jugées applicables aux baux et procédures en cours :
— « La loi no89-1008 du 31décembre 1989, dont l'article7 modifie l'article25 du décret du 30septembre 1953, a supprimé la condition exclusive du défaut de paiement du loyer en ce qui concerne la faculté d'accorder des délais donnée au juge saisi d'une demande d'acquisition d'une clause résolutoire pour non-paiement des loyers, charges et accessoires.
Cette loi s'applique aux baux et aux instances en cours et il convient d'en faire bénéficier un locataire de bonne foi » (CA Paris, ch. 14, sect. B, 5 avr. 1990, SCI Sécurité Pierre c/ SA Colombo Baligan Micheraud, D. 1990, I.R., p. 117) ;
— « Ayant relevé qu'un preneur avait demandé l'application des nouvelles dispositions de l'article 25 du décret du 30 septembre 1953, et exactement retenu, sans avoir à tenir compte de la date du commandement comme point de départ du délai, que ce texte donne au juge le pouvoir d'accorder des délais pour suspendre les effets de la clause résolutoire, quel que soit le motif invoqué comme manquement du preneur à ses obligations, une cour d'appel a souverainement apprécié l'opportunité d'accueillir la demande de ce locataire dont elle constatait la bonne foi (...) » (Cass. 3e civ., 27 oct. 1993, no 91-19.563, Bull. civ. III, no 128, Loyers et copr. 1994, comm. no 157, Gaz. Pal. 20 au 22 mars 1994, p. 52) ;
— « Les juges, saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues par l'article 1244 du Code civil, peuvent, en accordant des délais, suspendre la résiliation et les effets d'une clause de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée.
C'est donc à tort qu'une cour d'appel a constaté la résiliation d'un bail commercial, au motif que le texte modificatif de l'article 25 n'avait pas d'effet rétroactif, alors que les dispositions de l'article 25 du décret du 30 septembre 1953, modifiées par l'article 7 de la loi no 89-1008 du 31 décembre 1989étaient applicables aux baux et aux instances en cours à la date de publication de cette loi » (Cass. 3e civ., 4 oct. 1994, no 93-11.329, Rev. loyers 1995, p. 212).
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III. Champ d'application de l'article L. 145-41 du Code de commerce
La location doit être soumise au statut des baux commerciaux régi par les articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce.
L'article L. 145-41 du Code de commerce ne s'applique pas :
— au bail à construction :
« L'article 25 du décret du 30 septembre 1953, relatif aux clauses résolutoires, n'est pas applicable en matière de bail à construction » (Cass. 3e civ., 11 mai 1988, no 86-19.563, Bull. civ. III, no 89, D. 1988, I.R., p. 146) ;
— au contrat de location-gérance :
« L'article premier du décret du 30 septembre 1953 laisse en dehors de ses prévisions les contrats portant location d'un fonds de commerce.
Lorsqu'une société a..., par un seul et même acte, 1o donné en location un fonds de commerce ; 2o sous-loué au locataire du fonds la partie de l'immeuble où ce fonds est exploité, et ce moyennant un prix global, mais avec ventilation du loyer afférent, d'une part, au local et, d'autre part, au fonds de commerce, et que cet acte comportait une clause stipulant qu'au cas de non-paiement d'un seul terme de loyer à son échéance, le bail et la sous-location seraient résiliés de plein droit quinze jours après une lettre recommandée demeurée sans effet, encourt la cassation l'arrêt qui a déclaré que "le locataire doit être considéré comme de bonne foi et qu'il a qualité pour obtenir des délais de grâce en application des dispositions de l'article 25 du décret du 30 septembre 1953" » (Cass. com., 20 oct. 1959, no 57-10.429, Rev. loyers 1960, p. 361) ;
— au contrat de crédit-bail immobilier :
« Si l'article 1244-1 du Code civil autorise un débiteur à demander au juges des référés des délais de paiement, aucun texte en revanche ne permet au bénéficiaire d'un contrat de crédit-bail immobilier de solliciter de tels délais et la suspension subséquente des effets de la clause résolutoire dudit contrat » (CA Lyon, 2 mai 2017, no 16/08247, Rev. loyers 2017/978, no 2628 ; CA Paris, ch. 14, sect. C, 5 janv. 1996, Sté Fin. pour Financement Bureaux et Usines (SOFIBUS) c/ Stés Ducros Services Rapides et Cofimat, Loyers et copr. 1996, comm. no 120).
Par ailleurs, contrairement à la solution retenue en matière de bail commercial, fondée sur les dispositions de l'article L. 145-41 du Code de commerce, l'article L. 622-21 du Code de commerce ne fait pas obstacle à l'action aux fins de constat de la résolution d'un contrat de crédit-bail immobilier par application d'une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du crédit-preneur, sans qu'une intervention judiciaire préalable soit nécessaire (Cass. com., 18 nov. 2014, no 13-23.997, Loyers et copr. 2015, comm. no 16, note H.-B. Ph., AJDI 2015, p. 357, note de la Vaissière F. ; sur l'effet d'une procédure collective sur l'acquisition de la clause résolutoire d'un bail commercial, voir no 480-48) ;
— au bail dérogatoire visé à l'article L. 145-5 du Code de commerce (CA Versailles, 29 nov. 2011, no 10/09025, AJDI 2013, p. 41).
L'article L. 145-41 du Code de commerce est en revanche applicable au bail commercial qui s'est opéré à l'issue d'un bail dérogatoire lorsque le preneur a été laissé en possession des lieux en application de l'article L. 145-5 du Code de commerce. Le preneur peut donc solliciter, en application de l'article L. 145-41 du Code de commerce, la suspension des effets de la clause résolutoire (CA Douai, ch. 2, sect. 2, 28 sept. 2017, no 17/00904, Loyers et copr. 2018, comm. no 67, note Brault Ph.-H.).
Par ailleurs, l'article L. 145-41 du Code de commerce concerne exclusivement la résiliation pour manquement à une obligation contractuelle : en présence d'une clause prévoyant la résiliation de plein droit du bail en cas de destruction des locaux par cas fortuit, la résiliation du bail doit être constatée si les locaux ont été détruits, sans qu'il soit nécessaire que le bailleur fasse délivrer préalablement un commandement visant la clause résolutoire (Cass. 3e civ., 14 oct. 2009, no 08-14.926, Bull. civ. III, no 222, Rev. loyers 2009/902, no 1083, note Quément C., AJDI 2010, p. 307, note Rouquet Y., Loyers et copr. 2010, comm. no 44, note Chavance E.).
IV. La mise en œuvre de la clause résolutoire : conditions de fond
a) Une infraction du locataire à une clause expresse du bail
L'infraction, dont l'existence doit être établie par le bailleur (Cass. 3e civ., 5 janv. 2010, no 08-21.882, RJDA 2010, no 221), doit porter sur les obligations contractuelles du preneur résultant d'une stipulation expresse du bail (Cass. 3e civ., 15 sept. 2010, no 09-10.339, Bull. civ. III, no 157, Rev. loyers 2010/911, no 1230, note Lebel Ch.).
À défaut, la clause résolutoire ne peut être invoquée.
La Cour de cassation a ainsi refusé à un bailleur le droit de se prévaloir de la clause résolutoire d'un bail en raison du défaut d'exploitation, alors que ce dernier n'imposait au preneur que l'obligation de jouir des locaux en bon père de famille et de les tenir constamment garnis. Aucune clause du bail n'imposait, en effet, de manière expresse au locataire l'obligation d'exploiter son fonds de commerce dans les lieux loués (Cass. 3e civ., 19 mai 2004, no 02-20.243, AJDI 2005, p. 208, obs. Dumont M.-P. ; en ce sens, voir également, CA Paris, ch. 16, sect. A, 7 mai 2008, no 06/01427, M. Norbert Martial Georges Lebrun c/ M. Camilo Rodrigues Alves, AJDI 2008, no 291 ; Cass. 3e civ., 12 juin 2001, no 99-19.814 ; Cass. 3e civ., 8 janv. 1985, no 83-15.132, Bull. civ. III, no 6 ; CA Paris, 23 juill. 1993, Sté Fontaine Investissements c/ Sté Lola, Loyers et copr. 1994, comm. no 22 ; Contra : CA Orléans, ch. éco. fin, 31 mai 2007, no 06/3044, RJDA 2008, no 382, qui affirme que l'obligation d'exploiter les lieux est sous-entendue, les locaux étant à usage de commerce et qu'ils devaient être constamment garnis).
De la même manière, la clause résolutoire ne pourra sanctionner :
— le non-paiement d'une pénalité de 10 % des sommes dues qui était prévue en cas d'engagement de procédures, ce terme impliquant une action en justice (Cass. 3e civ., 12 juill. 2018, no 17-21.154, AJDI 2018, p. 707) ;
— l'absence d'exploitation personnelle du fonds de commerce dans les lieux loués par le preneur alors que le bail ne visait que « l'obligation d'exploiter les lieux » (Cass. 3e civ., 9 nov. 2017, no 16-22.232, Loyers et copr. 2018, comm. no 21, note Chavance E.) ;
— une sous-location non autorisée par le bailleur si le bail n'interdit pas expressément les sous-locations (Cass. 3e civ., 11 juin 1986, no 84-15.512, Bull. civ. III, no 92) ;
— le non-respect de la destination des lieux si la clause résolutoire vise « le défaut de paiement des loyers, de ses accessoires ainsi que le manquement à des conditions énumérées au bail », et que parmi ces conditions, ne figure pas le respect de la destination des lieux (qui n'est mentionnée que dans la désignation des locaux), la clause résolutoire ne pourra pas sanctionner la violation de cette destination (Cass. 3e civ., 6 mars 2013, no 12-12.200, AJDI 2013, p. 676, note Planckeel F.) ;
— la violation d'une clause d'un autre bail conclu entre les mêmes parties (Cass. 3e civ., 15 sept. 2010, no 09-10.339, Bull. civ. III, no 157, Rev. loyers 2010/911, no 1230, note Lebel Ch.) ;
— la non-production de documents et justificatifs liés à des travaux du locataire autorisés par une décision d'assemblée générale de copropriétaires à certaines conditions, même si une clause du bail prévoit que le preneur doit se conformer à toute décision prise par l'assemblée générale de copropriétaires, « sans constater que le locataire n'avait pas respecté la décision de l'assemblée générale, seule obligation expressément stipulée par le bail sans constater que le locataire n'avait pas respecté la décision de l'assemblée générale, seule obligation expressément stipulée par le bail » (Cass. 3e civ., 17 sept. 2013, no 12-21.724, AJDI 2014, p. 447, note Hallard R.).
Sur l'infraction à la clause du bail relative à la destination des lieux présentant un caractère insuffisamment précis :
« Considérant que le bail commercial convenu le 5 mai 1984 entre les consorts X... et M. Y... destine les lieux loués, situés 5, rue Cambon à Paris 1er, à l'exercice du commerce de restaurant et de bar de luxe...
Considérant, d'autre part, que l'exercice d'une activité de pizzeria dans les lieux loués, même non exclusive d'une restauration plus traditionnelle, telle que celle dont il est fait état dans le constat de l'huissier, ainsi que la vente de "hot-dogs", croque-monsieur et "cheese burgers" sont incompatibles avec l'exploitation du commerce de restaurant et de bar de luxe correspondant à la clause de destination du bail du 5 mai 1984.
Considérant, enfin, que c'est à bon droit que le premier juge a estimé qu'un établissement dit "de luxe" ne pouvait raisonnablement être joint à une activité de restaurant bon marché de sorte que le commerce exercé par les consorts Y... ne satisfait pas aux dispositions du bail.
Considérant cependant que la bonne foi des appelants, qui ont pu se méprendre sur la portée de la clause de destination du bail eu égard au caractère insuffisamment précis de la notion de luxe, justifie la suspension des effets de la clause résolutoire pendant un délai d'un an à compter du présent arrêt, conformément à l'article 25 du décret du 30 septembre 1953, afin de leur permettre de se conformer à ladite clause et, ce faisant, de déférer à la sommation du 1er octobre 1991 » (CA Paris, ch. 1, sect. D, 10 nov. 1992, no 92/12983, Cazes c/ Miailhe, Loyers et copr. 1993, comm. no 139).
Voir également, CA Paris, 23 juill. 1993, Sté Fontaine Investissements c/ Sté Lola, Loyers et copr. 1994, comm. no 22.
La clause résolutoire peut être mise en œuvre à l'égard du cessionnaire d'un bail pour des manquements contractuels imputables au cédant, la cession opérant une substitution du cessionnaire au cédant (Cass. 3e civ., 30 janv. 2002, no 00-16.284, Bull. civ. III, no 22, Rev. Lamy dr. aff. 2002, no 48, p. 3064 ; CA Paris, ch. 16, sect. B, 22 mars 2002, no 2001/02921, Épx Talbi c/ Habib, Administrer 2002, no 346, p. 15).
b) Une infraction expressément sanctionnée par la clause résolutoire
Le principe de l'interprétation stricte de la clause résolutoire impose non seulement, pour qu'elle puisse être invoquée, que l'obligation inexécutée soit expressément stipulée au bail, mais également que le manquement à cette obligation soit expressément sanctionné par une clause résolutoire (CA Nîmes, 12 janv. 2017, no 15/04597, AJDI 2019, p. 352 ; CA Versailles, 13 oct. 2016, no 15/08051, AJDI 2017, p. 271). L'article 1225 du Code civil, issu de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 (JO 11 févr.) portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations consacre cette exigence en disposant que « la clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat ».
Il suffit toutefois a priori que la clause résolutoire prévoit son application en cas d'inexécution d'une seule des conditions stipulées au bail pour qu'elle puisse sanctionner la violation de toute obligation prévue au bail (Cass. 3e civ., 29 sept. 2009, no 08-14.609, Rev. loyers 2009/902, no 1089, AJDI 2010, p. 305 : à propos de la violation de la clause de destination).
Ainsi, « c'est à tort que [le locataire] prétend que la clause résolutoire, qui vise uniquement « l'inexécution d'une des conditions du bail » ne pourrait jouer au motif que la stipulation relative au droit de passage figurant dans le paragraphe relatif à la désignation du bail et non dans celui relatif aux charges et conditions, alors qu'il s'agit bien d'une obligation que le preneur doit respecter et qu'en tout état de cause, le bail stipule au sein du paragraphe « charges et conditions » qu'il doit jouir des lieux loués en bon père de famille « suivant leur destination » » (CA Poitiers, 19 déc. 2017, no 16/04430, AJDI 2018, p. 196).
Toutefois, il a été jugé que si la clause résolutoire visait le « défaut de paiement d'un seul terme de loyer à son échéance ou d'exécution d'une seule des conditions du présent bail », le non-paiement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, qui ne se confond pas avec le loyer, ne pouvait être sanctionné par la clause résolutoire dès lors que la stipulation relative au remboursement de la quote-part des prestations et fournitures individuelles incombant aux locaux loués n'était pas mentionnée dans le paragraphe « charges et conditions », mais dans un paragraphe distinct intitulé « loyer » (CA Nîmes, 12 janv. 2017, no 15/04597, AJDI 2019, p. 352).
En présence d'une clause résolutoire visant le seul non-paiement du loyer et/ou de ses accessoires, le bailleur devra être débouté de sa demande de constat d'acquisition de la clause résolutoire :
— pour le défaut de paiement d'une indemnité d'occupation, même si le locataire se maintient dans les lieux dans l'attente du paiement d'une indemnité d'éviction aux clauses et conditions du bail expiré, l'indemnité d'occupation ne pouvant s'assimiler au loyer (Cass. 3e civ., 9 déc. 1980, no 79-14.235, Bull. civ. III, no 191 ; Cass. 3e civ., 24 févr. 1999, no 97-11.554, Bull. civ. III, no 47) ;
— pour l'absence de règlement des frais du commandement, ces derniers ne pouvant s'analyser en un accessoire du loyer (Cass. 3e civ., 24 mai 2000, no 98-18.049, Bull. civ. III, no 110) ;
— pour le non-paiement des intérêts attachés aux loyers par le commandement sauf si ce manquement est précisément sanctionné par la clause résolutoire (Cass. 3e civ., 13 déc. 2006, no 06-12.323, Bull. civ. III, no 248, Rev. loyers 2007/875, no 497, note Prigent J., Loyers et copr. 2007, comm. no 28, note Brault Ph.-H.) ;
— pour l'absence de règlement du rappel de loyers dû à la suite d'une décision judiciaire (CA Paris, pôle 5, ch. 3, 17 avr. 2013, no 11/10282, Loyers et copr. 2013, comm. no 181, note Chavance E. ; CA Paris, ch. 14, sect. A, 12 déc. 2007, no 07/13306, Société des Restaurants du Faubourg c/ 4 rue du Faubourg-Montmartre, AJDI 2008, p. 381 ; Cass. 3e civ., 11 juill. 1990, no 88-19.994, Loyers et copr. 1991, comm. no 475 ; CA Paris, 27 oct. 1992, Sté Brématex c/ Morval, D. 1993, I.R., p. 35), à moins que cette hypothèse soit expressément visée dans la clause (Cass. 3e civ., 29 avr. 1985, no 83-13.775, Bull. civ. III, no 71), ou pour l'absence de paiement du complément de dépôt de garantie consécutif à la fixation judiciaire du loyer (CA Paris, ch. 14, sect. B, 25 janv. 2002, SNC Le Home Fleuri c/ SA Kerdam, AJDI 2002, p. 377) ;
— pour « le défaut de consignation d'une partie des loyers entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations tel qu'autorisée par une décision de justice, cette inexécution ne pouvant s'analyser en un manquement de la locataire aux obligations contractuelles contenues dans le bail et en particulier à la clause relative au paiement du loyer » (CA Versailles, 13 oct. 2016, no 15/08051, AJDI 2017, p. 271) ;
— en raison du fait que les loyers ont été séquestrés par le locataire sur le compte CARPA de son conseil et non sur le compte séquestre du bâtonnier comme il y avait été autorisé par décision de justice (CA Poitiers, 31 janv. 2017, no 16/02298, AJDI 2017, p. 354).
De la même manière, une clause résolutoire qui ne vise que le défaut de règlement des loyers ne saurait être mise en œuvre au titre de charges impayées (CA Aix-en-Provence, 23 avr. 1991, Mafis c/ SCI Barquint, Loyers et copr. 1992, comm. no 344).
De manière critiquable, il a même pu être jugé « que la rédaction de la clause résolutoire, qui doit être interprétée strictement, ne permet pas de l'interpréter comme comprenant de façon certaine des sommes dues au titre de l'indexation des loyers qui n'avaient pas été réclamées » (CA Paris, pôle 4, ch. 3, 5 févr. 2015, no 13/08581, Loyers et copr. 2016, comm. no 69, note Brault Ph.-H.).
En revanche, l'acquisition de la clause résolutoire pour non-règlement dans le délai imparti d'un arriéré de loyer dont le montant a été judiciairement fixé doit être constatée, dès lors que la clause résolutoire du bail sanctionne le défaut de paiement du loyer qu'il soit fixé par la convention ou, après renouvellement du bail, par un juge (CA Paris, ch. 16, sect. B, 7 févr. 2008, no 07/02060, Bonvalet c/ Guillon, AJDI 2008, p. 762).
Il est nécessaire pour le bailleur d'invoquer la clause résolutoire de bonne foi, en application des dispositions de l'ancien article 1134 du Code civil et du nouvel article 1104 du même code (Cass. 3e civ., 9 oct. 1984, no 83-11.921, Gaz. Pal. 1985, 1, pan., p. 20, note Dupichot ; Cass. 3e civ., 7 nov. 1990, no 89-14.561, Bull. civ. III, no 218, Gaz. Pal. 1991, 1, jur., p. 261 ; CA Nîmes, 11 mars 1993, SCI du Petit Rocher c/ SARL La Guinguette du Petit Rocher, Loyers et copr. 1994, comm. no 23 ; CA Paris, 16e ch., sect. A, 19 nov. 1996, Bentata c/ El Anboubi, Administrer 1997, no 285, p. 28 ; Cass. 3e civ., 4 mars 2009, no 08-11.090, Rev. loyers 2009/897, no 984 ; Cass. 3e civ., 10 nov. 2010, no 09-15.937, Bull. civ. III, no 199, Rev. loyers 2010/912, no 1245, note Quément C. ; Cass. 3e civ., 25 nov. 2009, no 08-21.384, Bull. civ. III, no 262 ; Cass. 3e civ., 1er févr. 2018, no 16-28.684, Loyers et copr. 2018, comm. no 93, note Brault Ph.-H.).
Les juges du fond doivent rechercher, lorsque cela leur est demandé, si la clause résolutoire a été mise en œuvre de bonne foi par le bailleur (Cass. 3e civ., 1er févr. 2018, no 16-28.684, Loyers et copr. 2018, comm. no 93, note Brault Ph.-H. ; Cass. 3e civ., 8 sept. 2016, no 13-28.063, AJDI 2016, p. 768 ; Cass. 3e civ., 12 mai 2016, no 14-29.834, Gaz. Pal. 5 juill. 2016, p. 77 ; Cass. 3e civ., 25 oct. 2018, no 17-17.384, AJDI 2019, p. 359).
C'est au moment de la délivrance du commandement que s'apprécie la bonne foi du bailleur (Cass. 3e civ., 2 déc. 1998, no 97-11.109, Bull. civ. III, no 231 ; Cass. 3e civ., 22 oct. 2015, no 14-17.645, AJDI 2016, p. 41).
Motifs pouvant caractériser la mauvaise foi du bailleur :
— le bailleur savait les locataires absents (Cass. 3e civ., 15 déc. 1976, no 75-15.377, Bull. civ. III, no 46) ;
— le bailleur ne pouvait ignorer les activités du fonds exploité dans les lieux loués en sus du contrat (Cass. 3e civ., 29 janv. 2002, no 00-18.210) ;
— le bailleur n'ignorait pas l'état d'insalubrité des lieux qui rendait impossible leur exploitation normale (Cass. 3e civ., 11 févr. 2004, no 02-20.184) ;
— il enjoint au preneur de déposer un conduit permettant l'évacuation des fumées d'une chaudière alors que ce dernier n'avait pas d'autre choix technique pour chauffer les locaux loués (CA Paris, ch. 16, sect. A, 21 mars 2007, no 06/01585, Paintendre c/ Basile, AJDI 2007, p. 838) ;
— le bailleur reproche au preneur l'inexploitation des locaux loués au-delà du délai accordé pour effectuer des travaux de remise en état, les locaux étant dans un tel état de délabrement que le bailleur ne pouvait ignorer que le délai accordé serait insuffisant (CA Paris, ch. 14, sect. B, 23 mars 2007, no 06/15360, ANCA c/ SCI du 3 rue des Alouettes 94320 Thiais, AJDI 2007, p. 838) ;
— le bailleur délivre un commandement visant la clause résolutoire pour non autorisation aux travaux alors qu'il n'était pas opposé au principe même de ces travaux dont seules l'interrogeaient les modalités de mise à exécution (CA Paris, ch. 16, sect. A, 14 mai 2008, no 07/08130, SCI de l'immeuble c/ Société Nespresso France, AJDI 2009, p. 29) ;
— la clause résolutoire mise en œuvre par le bailleur dans le but de se soustraire aux travaux lui incombant et réclamés par le preneur avant la délivrance de la mise en demeure (Cass. 3e civ., 1er févr. 2018, no 16-28.684, Loyers et copr. 2018, comm. no 93, note Brault Ph.-H.) ;
— le bailleur qui délivre un commandement visant la clause résolutoire dans le seul but d'obtenir la restitution du local d'habitation loué accessoirement aux locaux commerciaux (Cass. 3e civ., 15 sept. 2009, no 08-17.472, Rev. loyers 2009/901, no 1061, Loyers et copr. 2009, comm. no 258, note Chavance E.) ;
— le bailleur qui délivre un commandement visant la clause résolutoire alors qu'il a connaissance des erreurs relatives au calcul de la taxe foncière (Cass. 3e civ., 25 nov. 2009, no 08-21.384, Bull. civ. III, no 262) ;
— « pour être valable, un commandement doit être de bonne foi, c'est à dire préciser la nature des sommes réclamées et pour quelles échéances ces sommes sont dues, sauf au bailleur à manquer à son obligation d'information loyale et complète de son locataire (...) c'est donc à juste titre que le tribunal a jugé, au vu de ces distorsions, que [le bailleur] s'est révélé défaillant dans l'établissement d'une comptabilité juste et a rendu impossible pour le preneur » (CA Paris, pôle 5, ch. 3, 10 févr. 2016, no 14/01728, Loyers et copr. 2016, comm. no 98, note Chavance E.) ;
— « Ayant retenu que, si le loyer résultant du jeu d'une clause d'échelle mobile est immédiatement exigible dès la variation de l'indice retenu, il ressortait des termes du bail que l'application de la clause d'indexation devait être mise en œuvre à l'initiative du bailleur et relevé que, le 26 novembre 2005, le bailleur avait demandé la révision du loyer, que, le 9 janvier 2006, le locataire lui avait demandé copie de cette demande et que, huit jours plus tard, le bailleur lui avait délivré le commandement de payer les rappels du loyer indexé, la cour d'appel a pu en déduire que le bailleur avait mis en œuvre la clause résolutoire de mauvaise foi » (Cass. 3e civ., 8 juin 2017, no 13-25.439, AJDI 2017, p. 774).
Le fait pour le preneur d'avertir le bailleur de la nécessité de mettre en jeu la garantie du paiement des loyers souscrite auprès d'une banque a été considéré comme ne l'exonérant pas du paiement des loyers (Cass. 3e civ., 18 sept. 2007, no 06-15.334, AJDI 2008, p. 199, note Saint-Didier C.). Même dans cette hypothèse, le bailleur devrait, en conséquence et bien que cet arrêt n'ait pas abordé ce point, pouvoir délivrer un commandement visant la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers, sans être de mauvaise foi.
Décisions ne retenant pas la mauvaise foi du bailleur :
— ne caractérisent pas la mauvaise du bailleur le fait que le commandement ait été délivré sans les justificatifs, produits seulement en appel, et le fait que la créance de régularisation de charges soit établie pour partie seulement (Cass. 3e civ., 22 oct. 2015, no 14-17.645, AJDI 2016, p. 41) ;
— « il apparaît que le bailleur a fait délivrer son commandement alors qu'il avait été assigné par le locataire pour obtenir la révision du loyer, contractuellement fixé à 59 960,22 euros, en se fondant sur les conclusions d'un rapport rédigé par un expert à la demande du locataire, dont il ressortait que la valeur locative annuelle était de 19.200 euros ; cependant, cette concomitance ne prouve pas à elle-seule la mauvaise foi du bailleur, qui s'est contenté de signifier à son locataire un commandement lorsque trois échéances mensuelles, postérieures à la mise en œuvre de la procédure de révision, sont restées impayées » (CA Paris, pôle 1, ch. 2, 15 sept. 2016, no 15/03736, Rev. loyers 2016/970, no 2417).
Les juges du fond doivent rechercher, si le preneur le demande, si la clause résolutoire n'a pas été mise en œuvre de mauvaise foi :
— lorsque « le bailleur s'était durablement abstenu de procéder à la régularisation des charges et d'en réclamer paiement au locataire » (Cass. 3e civ., 5 nov. 2015, no 14-11.024, Gaz. Pal, 1er mars 2016, no 9, note Barbier J.-D., AJDI 2016, p. 272, note Hallard R.) ;
— lorsque le preneur invoque le fait que la clause résolutoire avait été mise en œuvre pour faire cesser une exploitation concurrente d'un commerce que le bailleur possédait (Cass. 3e civ., 10 nov. 2010, no 09-15.937, précité) ;
— lorsque le preneur prétend qu'il ne pouvait être remédié à l'infraction compte-tenu des délais que requéraient la nature et l'importance des travaux prescrits (Cass. 3e civ., 27 oct. 2010, no 09-69.820) ;
— pour non-respect par le preneur des horaires d'ouverture alors que ce dernier invoquait le fait que le centre commercial dans lequel étaient situés les locaux loués avait été laissé à l'abandon par le bailleur (Cass. 3e civ., 23 juin 2015, no 14-12.606, Gaz. Pal., 14 au 18 août 2015, nos 226 à 230, p. 32, note Barbier J.-D., AJDI 2015, p. 839, note Castela C.). Concernant le preneur, « en cas d'inexécution de son engagement par le débiteur, sa bonne foi est sans incidence sur l'acquisition de la clause résolutoire » (Cass. 3e civ., 12 déc. 2006, no 05-20.403). Elle pourra toutefois être prise en compte pour la suspension des effets de la clause résolutoire et l'octroi de délais ;
— en vue de sanctionner des travaux irréguliers, « sans rechercher, comme il le (leur) était demandé, si la subordination de l'accord du bailleur pour la réalisation de travaux à une augmentation de loyer n'avait pas pour effet d'éluder les dispositions d'ordre public relatives au renouvellement du bail commercial et à la fixation du prix du loyer renouvelé » (Cass. 3e civ., 25 févr. 2016, no 14-25.087, Loyers et copr. 2016, comm. no 121, note Chavance E., AJDI 2016, p. 509, note Lipman-W. Boccara D.).
L'inexécution par l'une des parties de certains de ses engagements n'affranchit pas nécessairement l'autre partie de toutes ses obligations, car il doit être apprécié d'après les circonstances si cette inexécution est suffisamment grave pour entraîner pareil résultat. En d'autres termes, il doit être apprécié si les vices et manquements du bailleur à son obligation de délivrance peuvent constituer un manquement suffisamment grave pour affranchir ce dernier de son obligation de payer les loyers imposée par l'article 1728 du Code civil parce qu'ils l'auraient empêché de jouir des lieux loués (CA Paris, pôle 5, ch. 3, 9 déc. 2016, no 14/21812, AJDI 2018, p. 199).
Un locataire est fondé à soulever une exception d'inexécution pour refuser de régler ses loyers en présence d'une impossibilité totale d'exploiter les locaux loués imputable au bailleur (voir par exemple, Cass. 3e civ., 21 déc. 1987, no 86-13.861, Bull. civ. III, no 212 ; Cass. 3e civ., 21 févr. 2019, no 18-10.453, AJDI 2019, p. 288). Dans cette hypothèse, le constat de l'acquisition de la clause résolutoire pour non-paiement des loyers ne pourra être prononcé (voir par exemple, CA Paris, pôle 1, ch. 8, 4 déc. 2015, no 14/24387, Rev. loyers 2016/963, no 2234). Toutefois, en présence d'impayés antérieurs et postérieurs à la période d'indisponibilité du local, le constat de l'acquisition de la clause résolutoire pourra être prononcé (CA Aix-en-Provence, 1re ch. C, 9 nov. 2017, no 16/18755, Rev. loyers 2017/982, no 2728).
Il incombe au preneur, qui oppose au bailleur une exception d'inexécution, de rapporter la preuve que l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de jouir des lieux loués est imputable au bailleur (Cass. 3e civ., 22 mars 2018, no 17-17.194, AJDI 2018, p. 435).
L'absence de transmission par le bailleur de quittances de loyers ne peut constituer une exception d'inexécution justifiant que le locataire ne règle pas ses loyers (CA Paris, pôle 1, ch. 8, 14 sept. 2018, no 17/12972, Rev. loyers 2018/990, no 2953).
Le manquement du bailleur à ses obligations peut aussi conduire à considérer qu'il est de mauvaise foi s'il délivre un commandement de régler les loyers au visa de la clause résolutoire (Cass. 3e civ., 1er déc. 2016, no 15-25.884, AJDI 2017, p 117).
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V. La mise en œuvre de la clause résolutoire : conditions de forme
a) La nécessité d'un commandement notifié par huissier de justice
Il faut, mais il suffit, que le bailleur délivre un commandement.
La Cour de cassation a, en effet, précisé que même si les loyers sont quérables et non portables « Le locataire, auquel un commandement de payer aurait été délivré, ne pouvait arguer d'une éventuelle absence de réclamation antérieure du bailleur pour échapper à son obligation éventuelle de s'acquitter effectivement du paiement des loyers » (Cass. 3e civ., 24 nov. 2004, no 03-15.807, Bull. civ. III, no 208, Rev. loyers 2005/853, no 42, obs. Quément C., Loyers et copr. 2005, comm. no 61, obs. Vial-Pédroletti B.).
La délivrance d'un commandement préalable s'impose même dans le cadre d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire : « l'article L. 622-14 du Code de commerce ne dérogent pas aux dispositions de l'article L. 145-41 du même code prévoyant, en cas de clause résolutoire, la délivrance préalable d'un commandement » (Cass. com., 28 juin 2011, no 10-19.331, Rev. loyers 2011/920, no 1333, note Lebel Ch. : à propos des loyers et charges postérieurs au jugement d'ouverture).
— infraction à caractère irréversible :
La notification d'un commandement s'impose même s'il s'agit d'une infraction à caractère irréversible :
- « Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. A donc violé l'article 25, alinéa premier, du décret du 30 septembre 1953 la cour d'appel qui, pour constater la résiliation de plein droit d'un bail commercial à la suite de la cession par les locataires de leur fonds de commerce, faute de notification au bailleur du projet de cession, a retenu qu'une mise en demeure n'était pas obligatoire, la cession ne pouvant être régularisée, dès lors que le bail avait été cédé et que les locataires n'exploitaient plus le fonds » (Cass. 3e civ., 30 mai 1996, no 93-17.201, Bull. civ. III, no 127, Gaz. Pal. 1997, 1, pan., p. 67, Administrer 1996, no 283, p. 24),
- « La cour d'appel qui, pour accueillir la demande du bailleur en constatation de la résiliation du bail fondée sur l'irrégularité de la cession, le bailleur n'ayant pas été appelé à concourir à l'acte et cette dernière ne lui ayant pas été notifiée, retient qu'un commandement était inutile, les infractions ayant un caractère irréversible, alors que toute clause insérée dans un bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux, a violé l'article 25 du décret » (Cass. 3e civ., 19 févr. 1997, no 95-10.874, Loyers et copr. 1997, comm. no 143).
En ce sens également, voir Cass. 3e civ., 19 avr. 2005, no 03-21.202, Rev. loyers 2005/859, no 173.
En cas d'omission d'appeler le bailleur à concourir à l'acte de sous-location, voir Cass. 3e civ., 27 oct. 1993, no 91-19.563, Bull. civ. III, no 128, RJDA 1993, no 12, no 1006 ; Cass. 3e civ., 27 mars 2002, no 00-20.865, RJDA 2002, no 600, p. 507.
— nécessité d'un acte d'huissier de justice :
L'article L. 145-41 du Code de commerce dispose que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois aprèsun commandement demeuré infructueux ».
La question s'est posée de savoir si le terme « commandement » impliquait qu'il soit notifié par un acte extrajudiciaire, soit par huissier de justice.
La Cour de cassation a répondu par l'affirmative : « la mise en œuvre d'une clause de résiliation de plein droit d'un bail commercial ne peut résulter que d'un acte extrajudiciaire » (Cass. 3e civ., 21 déc. 2017, no 16-10.583, en cours de publication au Bulletin, Rev. loyers 2018/985, no 2806, note Prigent J., Loyers et copr. 2018, comm. no 37, note Chavance E. ; voir également, CA Paris, pôle 5, ch. 3, 23 oct. 2013, no 11/20070 et, à propos de la résolution d'un contrat de rente viagère, Cass. 1re civ., 15 juin 1994, no 92-14.907, Bull. civ. I, no 217, D. 1995, jur., p. 152). Il peut être rappelé que la troisième chambre civile de la Cour de cassation avait antérieurement admis, dans un arrêt inédit, la possibilité de faire jouer la clause résolutoire en matière de baux commerciaux, par une simple lettre recommandée, et ce en vertu de l'article 1139 du Code civil qui, depuis la loi no 91-650 du 9 juillet 1991 (JO 14 juill.) et dans sa rédaction alors applicable, prévoyait que le débiteur est « constitué en demeure, soit par une sommation ou par un acte équivalent, telle une lettre missive, lorsqu'il ressort de ses termes une interpellation suffisante » (Cass. 3e civ., 23 mars 2002, no 00-17.391, AJDI 2002, p. 377). Il peut être noté que ce texte, abrogé par l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 (JO 11 févr.) portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, a été remplacé par l'article 1344 du Code civil qui dispose que « le débiteur est mis en demeure de payer soit par une sommation ou un acte portant interpellation suffisante, soit, si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de l'obligation ».
Le commandement de payer peut figurer dans le même acte que l'assignation demandant au juge des référés de constater l'acquisition de la clause résolutoire, dès lors que la date d'audience est postérieure au délai de un mois :
« Un commandement de payer avec assignation devant le juge des référés du tribunal d'instance, qui est à la fois un commandement de payer rappelant la clause résolutoire et une citation devant le tribunal d'instance saisi en référé pour le cas où les sommes dues ne seraient pas payées dans le délai d'un mois, ne viole pas les dispositions de l'article 25 du décret du 30 septembre 1953, dès lors que la débitrice bénéficiait du délai d'un mois prévu par cet article et que l'audience prévue pour constater les effets de la clause était fixée plus de deux mois après la délivrance de l'acte » (CA Lyon, 28 févr. 1991, Paillasseur c/ Court, Rev. loyers 1992, p. 38).
Il a pu être jugé par ailleurs que la qualification de l'acte est indifférente :
« Satisfait aux exigences de l'article 25 du décret du 30 septembre 1953 et entraîne la résiliation du bail, l'acte d'huissier qualifié de "sommation" et non de "commandement", terme employé par le texte susvisé, par lequel le propriétaire a notifié au locataire son intention de se prévaloir de la clause résolutoire contractuelle à défaut de paiement du loyer à l'expiration du délai légal, lequel était expressément mentionné à la sommation.
En effet, le seul usage du terme impropre de "sommation", c'est-à-dire de mise en demeure ne comportant pas en principe la menace d'une voie d'exécution indépendante du recours au juge, au lieu du terme "commandement", variété de sommation impliquant une telle menace, telle que saisie, clause résolutoire... ne saurait priver d'effet un tel acte, par lequel le propriétaire a clairement manifesté la volonté de se prévaloir de la clause résolutoire.
Au demeurant, l'irrégularité invoquée ne pourrait l'être que comme nullité de l'acte pour vice de forme, une telle nullité ne pouvant être retenue en application desarticles 649, 112 et 114 du nouveau Code de procédure civile, dès lors qu'il ne s'agit pas de l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public, et que, même dans ce cas, la nullité ne serait encourue qu'à charge de prouver le grief causé par l'irrégularité, cette preuve n'étant pas offerte par le locataire » (TI Le Mans, 30 sept. 1983, SA Clinique Delagnière c/ SAI Clinique nouvelle Delagnière, Gaz. Pal. 1984, 1, som., p. 112).
1. Expression de la volonté du bailleur de se prévaloir de la clause résolutoire
L'article 1225 du Code civil, issu de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, dispose que « la mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire ». La jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de ce texte imposait déjà que le bailleur exprime dans le commandement son intention de se prévaloir de la clause résolutoire.
L'acte notifié au preneur doit faire apparaître en effet clairement qu'à défaut de cessation de l'infraction dans le délai imparti au commandement, le bailleur se prévaudra de la clause résolutoire. La gravité de la sanction impose en effet, pour que le commandement soit valable, que le locataire soit informé « des conséquences radicales » attachées à la non-exécution des obligations visées à l'acte (CA Paris, ch. 16, sect. A, 7 mai 2008, no 06/01427, M. Norbert Martial Georges Lebrun c/ M. Camilo Rodrigues Alves, AJDI 2008, no 291).
Le commandement visant la clause résolutoire peut également valablement, dans le même acte, contenir la mise en demeure prévue à l'article L. 145-17 du Code de commerce, mise en demeure préalable nécessaire dans le cadre du congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime (CA Paris, pôle 5, ch. 3, 16 sept. 2009, no 08/10240, S.A.R.L. Privictoire c/ société civile immobilière du Château).
À peine de nullité, le commandement doit être délivré sur le fondement du bail en cours et non du bail expiré (CA Douai, 18 janv. 2018, no 16/03900, AJDI 208, p. 354).
3. La mention du délai de un mois
Aux termes de l'article L. 145-41 du Code de commerce, le commandement doit, à peine de nullité, mentionner le délai de un mois à l'expiration duquel seulement la clause résolutoire pourra produire effet.
Le commandement doit impérativement rappeler ce délai.
À défaut, il encourt la nullité :
— « s'il n'est pas de la compétence du juge des référés de prononcer la nullité d'un commandement de payer délivré avec rappel d'une clause résolutoire insérée dans un bail, il est toutefois en son pouvoir d'apprécier si les conditions de prise d'effet de ce commandement se trouvent ou non réunies.
En l'état du commandement de payer délivré à un locataire avec rappel de la clause résolutoire sans qu'il ait été imparti à celui-ci un délai quelconque pour s'acquitter des causes dudit commandement, la cour ne peut que constater que le délai d'un mois prévu par la loi pour l'acquisition de la clause résolutoire n'a pu commencer à courir et que l'instance tendant à la suspension des effets de cette clause s'avère sans objet » (CA Versailles, 6 oct. 1982, Ouizille c/ SCI Résidence de la Porte-Jaune, Rev. loyers 1983, p. 321) ;
— « ayant retenu que l'article 25 du décret du 30 septembre 1953, en sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1989, prescrit, à peine de nullité, la mention dans le commandement visant la clause résolutoire du délai d'un mois, une cour d'appel, qui a constaté que l'acte du 24 avril 1990 ne mentionnait pas ce délai, en a exactement déduit que cet acte n'avait pu entraîner la résiliation de plein droit du bail » (Cass. 3e civ., 6 mars 1996, no 93-17.520, Bull. civ. III, no 61, Rev. loyers 1997, p. 41) ;
— « le commandement qui n'impartit pas délai de un mois pour s'exécuter visé à l'article L. 145-41 du Code de commerce est inefficace pour mettre en œuvre la clause résolutoire » (CA Paris, ch. 16, sect. A, 19 déc. 2007, no 06/18522, Barillet c/ L'Auto Détente-Midas, AJDI 2008, p. 582) ;
— « la constatation de la résiliation d'un bail par application de la clause résolutoire suppose la délivrance d'un commandement mentionnant un délai d'un mois permettant au locataire de mettre fin aux manquements invoqués par cet acte.
Justifie dès lors sa décision de débouter le bailleur de sa demande en constatation de la résiliation d'un bail, la cour d'appel qui retient la délivrance de commandement aux fins de régularisation immédiate et sans délai » (Cass. 3e civ., 14 déc. 1994, no 93-12.191, Bull. civ. III, no 206, Loyers et copr. 1995, comm. no 70).
Il s'agit d'une nullité d'ordre public :
« L'article 25 du décret du 30 septembre 1953 prévoit que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit à défaut de paiement du loyer aux échéances convenues ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux, le commandement devant à peine de nullité mentionner ce délai. Le texte du décret est d'ordre public et il est évident qu'en l'espèce, le commandement de payer portait comme délai visant l'intervention de la clause résolutoire, celui de huit jours. La nullité d'ordre public étant expressément visée par l'article 25, l'opposition formée par les preneurs fondée sur la nullité du commandement est recevable » (CA Nîmes, 9 janv. 1989, Loyers et copr. 1989, comm. no 434).
Cette nullité ne peut être soulevée pour la première fois en cause d'appel, le locataire ayant conclu au fond en première instance (Cass. 3e civ., 14 déc. 1994, no 92-21.263, Bull. civ. III, no 215, Loyers et copr. 1995, comm. no 69).
La mention de deux délais différents dans le commandement peut entraîner sa nullité dès lors qu'elle est de nature à créer une confusion dans l'esprit du locataire destinataire de cet acte, l'empêchant de prendre la mesure exacte des injonctions qui lui étaient faites et d'y apporter la réponse appropriée dans le délai requis (Cass. 3e civ., 29 juin 2010, no 09-10.394, Loyers et copr. 2010, comm. no 226, note Chavance E. ; CA Paris, pôle 5, ch. 3, 15 janv. 2014, no 12/07149, Rev. loyers 2014/944, no 1746 ; Cass. 3e civ., 17 mars 2016, no 14-29.923, Loyers et copr. 2016, comm. no 126, note Brault Ph.-H., AJDI 2016, p. 368).
Demande de paiement immédiat :
— Irrégularité du commandement : « les mentions du commandement de payer, en ce qu'elles font injonction de paiement immédiat avec une référence à la résiliation de plein droit du bail avant de rappeler les termes de l'article L. 145-41 du code de commerce et la clause stipulée au bail, selon lesquels une telle résiliation ne peut intervenir qu'après l'expiration d'un délai d'un mois suivant un commandement de payer, sont de nature à créer, dans l'esprit du locataire, une confusion l'empêchant de prendre la mesure exacte des injonctions faites et d'y apporter la réponse appropriée dans un délai requis » (CA Paris, pôle 1, ch. 2, 16 févr. 2017, no 15/12869, AJDI 2017, p. 515 ; voir également, en ce sens, CA Douai, 18 janv. 2018, no 16/03900, AJDI 2018, p. 354) ;
— Absence d'irrégularité du commandement : « il ne ressort pas de la lecture du commandement litigieux que celui-ci a pu faire naître une confusion dans l'esprit de son destinataire. Ainsi, la mention exigeant un paiement immédiatement et sans délai signifiait au locataire qu'il était sommé de s'acquitter de sa dette le plus rapidement possible, celle-ci étant exigible, et qu'il s'exposait à défaut à faire l'objet d'une saisie conservatoire de ses biens. Et la citation des dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce ainsi que la copie en annexe de la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail lui rappelaient la sanction encourue en cas de défaut de paiement des loyers et charges réclamés dans cet acte dans le mois de sa signification » (CA Paris, pôle 1, ch. 2, 22 mars 2018, no 17/13319, AJDI 2018, p. 154).
Autres délais visés :
« Dans un contexte de confusion et des discussions en résultant fatalement - la dualité de délais tour à tour mentionnés : "vingt-quatre heures puis un mois" ne pouvant que laisser la partie interpellée dans le doute sur ce qu'elle avait exactement à faire dans un temps de rigueur, situation ne répondant pas aux exigences strictes énoncées, à peine de nullité, par l'article 25 précité - la cour peut être amenée à estimer que la clause résolutoire n'a pas été invoquée de bonne foi par le bailleur, contrairement aux dispositions de l'article 1134 du Code civil s'imposant en toutes matières conventionnelles y compris les clauses résolutoires » (CA Paris, ch. 16, 30 janv. 1981, Merlin c/ SCI Montespan, D. 1981, I.R., p. 393).
« Le libellé de la sommation est ambigu en ce qu'il prévoit deux délais distincts, et contrairement aux affirmations de la bailleresse, il n'apparaît pas clairement que le délai d'un mois visé à la clause résolutoire viendrait se surajouter à celui de huit jours visé au commandement, alors que le rappel de la clause résolutoire mentionne expressément que le délai court à compter de la sommation. La locataire pouvait légitimement comprendre que le délai imparti de huit jours se substituait au délai d'un mois prévu au titre de la clause résolutoire, cette dernière n'ayant d'autre finalité que de rappeler la faculté offerte au bailleur à l'expiration dudit délai. Le délai de huit jours mentionné dans la sommation est en contradiction avec celui prévu par le législateur, et cette irrégularité restreint le temps imparti pour régulariser et porte une atteinte certaine aux intérêts du preneur. Par suite, la sommation irrégulièrement délivrée est entachée de nullité » (CA Papeete, ch. civ., 25 janv. 2007, CI Yersin c/ Chan, Gaz. Pal. 25 et 26 juill. 2007, p. 35, note Brault Ch.-E.).
La mention de deux délais n'entraînera pas nécessairement la nullité du commandement : « considérant que le commandement délivré n'est pas nul pour avoir mentionné deux délais différents, dès lors qu'il a bien été précisé que le délai d'un mois était le délai permettant de se prévaloir de la résiliation du bail, l'autre délai permettant l'exercice de voie d'exécution » (CA Paris, pôle 4, ch. 3, 5 févr. 2015, no 13/08581, Loyers et copr. 2016, comm. no 69, note Brault Ph.-H. ; CA Paris, pôle 1, ch. 2, 22 mars 2018, no 17/13319, précité).
La reproduction, dans le commandement, de la clause résolutoire mentionnant le délai de un mois est suffisante :
— « Le commandement de payer mentionne l'identité du bailleur et reproduit la clause résolutoire insérée dans le bail en mentionnant le délai d'un mois pour s'acquitter des loyers et exécuter les autres obligations à la charge du preneur ; cet acte répond donc aux exigences de l'article 25 du décret du 30 septembre 1953, ce dernier n'imposant pas la reproduction de ce texte particulier dans un commandement et le preneur ne pouvant, par ailleurs, se méprendre, en l'état de la clause résolutoire mentionnée, sur le délai d'un mois dont il disposait pour s'acquitter des loyers et charges, même si cet acte précise que faute d'avoir satisfait à ce dernier et à l'expiration du délai d'un jour franc, le débiteur sera contraint par toutes voies et moyens de droit, le fait que ce commandement fasse également état des droits revenant à l'huissier et de son coût ne saurait entacher cet acte de nullité, le preneur étant informé exactement des loyers et charges dont il lui était demandé paiement dans le délai d'un mois » (CA Montpellier, 1re ch., 19 mars 1992, Jeanjean c/ Fiches, Loyers et copr. 1993, comm. no 62) ;
— « L'article 25 du décret du 30 septembre 1953 (C. com., art. L 145-41) n'imposant aucune forme pour la rédaction des mentions qu'il prévoit, l'arrêt, après avoir relevé que le commandement faisait sommation aux [preneurs] de s'exécuter et retenu que la clause résolutoire reproduite dans ce commandement mentionnait qu'au cas d'inexécution d'une des obligations mises à la charge du preneur, le bail serait résilié de plein droit un mois après une mise en demeure non suivie d'effet, a pu en déduire que les prescriptions légales avaient été respectées » (Cass. 3e civ., 12 oct. 1982, no 80-16.280, Bull. civ. III, no 197).
Par ailleurs, il n'est pas nécessaire de reproduire dans le commandement ou la sommation le texte de la clause résolutoire.
4. L'absence de nécessité de reproduire l'intégralité de la clause résolutoire
Aucune disposition légale ne prévoit que le commandement de payer doit reproduire l'intégralité de la clause résolutoire (CA Aix-en-Provence, 20 oct. 2016, no 15/13484, AJDI 2017, p. 198).
5. L'indication claire et précise des infractions reprochées, des délais pour y remédier et de la sanction encourue
À peine de nullité, la rédaction du commandement doit être suffisamment précise et sans équivoque, pour ne laisser au preneur aucun doute sur ses obligations et lui permettre de remédier aux infractions incriminées dans le délai qui lui est imparti. Ainsi, est nul le commandement délivré dans le cadre d'un bail commercial qui vise la loi du 6 juillet 1989 relative aux baux d'habitation, cette référence, sans rapport avec les baux commerciaux, étant de nature à tromper le preneur sur les causes et la portée du commandement (Cass. 3e civ., 3 oct. 2007, no 06-16.361, Bull. civ. III, no 161, Rev. loyers 2007/882, no 640, note Canu V., Loyers et copr. 2007, comm. no 245, note Brault Ph.-H., RJDA 2011, no 1096). En l'espèce, le commandement visait en outre deux délais (un délai de huit jours à peine de saisie-vente et un délai de deux mois autorisant le bailleur à se prévaloir de la clause résolutoire insérée au bail), ce qui constituait une source de confusion pour son destinataire.
Le plus souvent, l'imprécision porte sur l'infraction reprochée au preneur :
— infraction à la clause de destination :
« Aux termes de l'article 25 du décret du 30 septembre 1953, modifié par la loi du 31 décembre 1989, applicable aux baux en cours, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux.
Le locataire ne peut être fautif de ne pas avoir déféré à une injonction si l'acte visant la clause résolutoire ne précise pas très exactement les faits reprochés, de manière que le preneur puisse remédier aux manquements qui lui sont imputés.
Tel est le cas lorsque le commandement délivré au preneur se borne à lui rappeler qu'il doit respecter la destination du local commercial, en l'occurrence l'activité de la photographie à l'exclusion de toute autre, et qu'il doit également remettre en état les lieux loués, le tout sans aucune précision ni quant à la nature du manquement à l'obligation de respecter la destination, ni quant à la nature des travaux de transformation effectués sans autorisation, un tel commandement, rédigé en termes vagues, ne permettant pas au preneur de savoir très exactement ce qui lui est reproché et ce qu'il doit faire pour déférer à l'injonction.
Il en résulte que le commandement n'a pu faire courir le délai légal, et qu'en l'absence d'autre commandement, seule l'assignation introductive d'instance a pu faire courir le délai » (CA Paris, ch. 6, sect. B, 3 déc. 1992, Fau c/ SNC 32, rue Moret à Paris, Administrer 1993, no 248, p. 38).
Voir également, Cass. 3e civ., 13 déc. 1989, no 88-13.890, Loyers et copr. 1990, comm. no 221.
— payement des loyers et charges :
Sur la mention du délai pour régler, voir supra « 2. La mention du délai de un mois ».
- « [le commandement de payer visant la clause résolutoire], susceptible d'entraîner la résiliation de plein droit du bail commercial si à l'expiration du délai d'un mois il est resté infructueux, ne peut être valable que s'il renseigne suffisamment par lui-même son destinataire sur la nature et le montant de la dette dont le recouvrement est poursuivi ; Or attendu que contrairement à ce que soutient le bailleur, l'objet du commandement litigieux n'était pas du tout clairement identifié ; Qu'en effet, ni la nature de la somme principale réclamée, ni le quantum de celle-ci, ni la période de temps visée, n'étaient précisément et exactement mentionnés » (CA Angers, 28 févr. 2017, no 14/02953, AJDI 2017, p. 438),
- « Pour être valable, un commandement doit être de bonne foi, c'est à dire préciser la nature des sommes réclamées et pour quelles échéances ces sommes sont dues, sauf au bailleur à manquer à son obligation d'information loyale et complète de son locataire » (CA Paris, pôle 5 ch. 3, 10 févr. 2016, no 14/01728, Loyers et copr. 2016, comm. no 98, note Chavance E.),
- « Le décompte annexé à ce commandement de payer est composé de deux colonnes de tableurs, intitulées l'une « règlements », l'autre « solde dû » qui ne permettent d'identifier ni le montant, ni les dates, ni même l'objet (loyers, charges ou taxes foncières) des sommes principales réclamées ; c'est en conséquence, également à bon droit et sans erreur d'appréciation, que le premier juge a déclaré nul ce commandement de payer, totalement inexploitable » (CA Aix-en-Provence, 20 oct. 2016, no 15/13484, AJDI 2017, p. 198),
- « En l'absence d'énumération dans le commandement des retards de paiement de loyer allégués, aucune infraction aux clauses du bail n'est caractérisée » (Cass. 3e civ., 4 juin 2013, no 12-17.016, AJDI 2014, p. 195, note Planckeel F.),
- « Le décompte, outre qu'il mentionne un total erroné, qui devrait être de 11 247 €, ne comporte pas de distinction entre les loyers et charges, ne mentionne aucune date des loyers et charges exigibles et n'énonce, ni ne date, aucun paiement fait par le preneur, alors qu'à la seule lecture des sommes indiquées, il en a été manifestement fait, entre le 31 décembre 2007 et le 30 décembre 2008 ; le montant des sommes ainsi réclamées au preneur prive ce dernier de la possibilité de vérifier le bien-fondé de la demande du bailleur et de connaître l'étendue de ses obligations ; que c'est, donc, à juste titre, que l'appelante soutient que ce commandement est irrégulier, sans qu'il y ait lieu à examen de son autre moyen tendant à le voir déclarer nul ; la procédure tendant à l'expulsion du preneur, fondée sur un tel acte, est elle-même irrégulière » (CA Paris, pôle 1, ch. 2, 18 nov. 2009, no 09/09605, Mme Marine et a. c/ S.C.I. 29 Avenue Victor Hugo, AJDI 2010, p. 212),
- « Que le commandement de payer, qui doit se suffire à lui-même, doit être suffisamment précis quant aux manquements de nature à justifier la mise en œuvre de la clause résolutoire ; (…) ;
Que s'agissant des loyers et charges impayés le commandement, qui ne comporte aucun décompte détaillé de la somme réclamée, ne fait pas référence aux dates des impayés de sorte que le preneur ne pouvait vérifier s'il s'agissait de loyers et charges effectivement échus ; que le bailleur ne peut soutenir que le preneur était parfaitement informé de la période concernée par l'arriéré visé dans le commandement puisqu'il ne payait pas ses loyers et charges depuis plusieurs mois alors qu'il ressort des décomptes produits que plusieurs sommes avaient été réglées antérieurement au commandement de payer ; qu'il ne peut être retenu que le preneur n'a pu se méprendre sur les sommes réclamées au titre des loyers et des charges compte tenu du décompte du 8 octobre 2011 portant sur la période du 1er juillet 2009 au terme du 1er trimestre 2011 inclus, alors que, comme le soutient le preneur, le bailleur ne justifie ni de l'envoi ni de la réception de ce décompte (…) ;
Qu'en conséquence, s'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés, au regard des dispositions des articles 808 et809 du Code de procédure civile, d'annuler le commandement de payer susvisé, la Cour estime, compte tenu des éléments relevés ci-dessus qui ne permettaient pas au preneur de déterminer avec suffisamment de précision les sommes réclamées par le bailleur, qu'il ne peut être considéré que celui-ci a produit ses effets » (CA Paris, pôle 1, ch. 2, 3 oct. 2012, no 11/18708, AJDI 2013, p. 612).
En revanche, a été jugé suffisamment précis le commandement d'avoir à régler une somme déterminée au titre des loyers et charges, sans que soient précisées les dates d'échéances des postes la composant (Cass. com., 7 nov. 2006, no 03-21.200, RJDA 2007, no 133) ou le décompte des loyers impayés (Cass. 3e civ., 20 mars 1996, no 94-10.957). Par précaution, il sera préférable néanmoins de décrire précisément au commandement les échéances impayées et de ventiler leur montant (loyer et charges).
Les justificatifs de la régularisation des charges n'ont pas à être joints au commandement visant la clause résolutoire d'avoir à régler les sommes dues au titre de cette régularisation (Cass. 3e civ., 22 oct. 2015, no 14-17.645, AJDI 2016, p. 41).
L'acquisition de la clause résolutoire ne peut être constatée pour le non-respect par le locataire des conditions de paiement stipulées au bail qui prévoyait un règlement par prélèvement automatique, sans rechercher si le commandement visait les modalités de paiement (Cass. 3e civ., 25 nov. 1992, no 91-10.641, Rev. loyers 1993, p. 17).
— commandement délivré pour un montant supérieur aux sommes dues :
Un commandement de payer visant des sommes supérieures au montant de la créance demeure valable à concurrence des sommes dues (Cass. 3e civ., 5 mars 2013, no 12-11.985, AJDI 2014, p. 30, note Blatter J.-P. ; Cass. 3e civ., 5 févr. 1992, no 90-18.557, Gaz. Pal. 1992, 1, jur., p. 368, note Barbier J.-D. ; Cass. 3e civ., 31 mai 2011, no 10-17.846 ; Cass. 3e civ., 27 oct. 1993, no 91-19.563, Bull. civ. III, no 128, Gaz. Pal. 1994, 1, pan., p. 52 ; Cass. 3e civ., 22 oct. 2015, no 14-17.645, AJDI 2016, p. 41). Si les causes du commandement incluaient des loyers dus au titre des locaux d'habitation, le juge doit rechercher la part exacte que représentaient, après imputation des versements omis dans le décompte joint, les loyers dus au titre du seul bail commercial (Cass. 3e civ., 30 juin 2010, no 09-16.244, Bull. civ. III, no 135, AJDI 2011, p. 287, note Damas N.) ;
— inexécution par le preneur de travaux lui incombant :
En présence d'un bail mettant à la charge du preneur en cours de bail les travaux d'entretien à l'exception des grosses réparations décrites à l'article 606 du Code civil, doit être annulé le commandement « qui ne précise pas les travaux en fonction de leur nature et des lieux sans ventilation entre ceux relevant de l'entretien et de la remise en état […] cette imprécision étant de nature à créer, dans l'esprit du preneur, une confusion l'empêchant de prendre la mesure exacte des injonctions qui lui avaient été délivrées et d'y satisfaire dans le délai requis » (Cass. 3e civ., 30 mars 2017, no 16-11.970, Loyers et copr. 2017, comm. no 167, note Brault Ph.-H., AJDI 2017, p. 441).
— travaux exécutés par le preneur :
L'imprécision du commandement est fréquemment sanctionnée lorsque le bailleur sollicite la remise en état des locaux, après l'exécution par le preneur de travaux sans autorisation, en infraction avec les stipulations contractuelles, voir : CA Versailles, ch. 12, sect. no 1, 14 févr. 2002, Gaudin c/ Astruc, RJDA 2002, no 739, p. 619 ; CA Paris, ch. 16, sect. B, 22 mars 2002, Épx Talbi c/ Habib, Administrer 2002, no 346, p. 15.
Il a été jugé par ailleurs :
- que « la mention erronée du commandement tenant au paiement du loyer, relevait manifestement d'une erreur matérielle dans la mesure où le commandement décrit précisément la cause du manquement reproché et fait clairement sommation au preneur de rétablir les lieux dans leur état d'origine suite à la pose de climatiseurs et la construction d'un mur, de sorte que le locataire qui n'a pu se méprendre sur le fondement du commandement, ne justifie d'aucun grief sérieux » pouvant justifier la nullité du commandement (CA Bordeaux, 13 mars 2017, no 16/01681, AJDI 2017, p. 677),
- « la sommation ne visant la clause résolutoire ainsi que le délai d'un mois qu'en ce qui concerne le paiement de sommes, au demeurant non dues ou réclamées aux termes dudit acte, alors que la sommation au titre de l'exécution d'obligations en nature ne comporte pas de délai de régularisation et ne vise pas la clause résolutoire dont les bailleurs entendent se prévaloir, non plus que les articles du bail énonçant les obligations contractuelles dont les bailleurs entendaient se prévaloir, elle n'a pas permis au preneur de prendre la mesure exacte de l'injonction de faire énoncée et elle ne peut dès lors valoir commandement à fin de résiliation de plein droit du bail conclu, au sens de l'article L. 145-41 du Code de commerce ; il en résulte que les bailleurs ne peuvent qu'être déboutés de leur demande à fin de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire » (CA Aix-en-Provence, 16 mars 2017, no 16/01419, AJDI 2017, p. 677. Pourvoi rejeté : Cass. 3e civ., 14 juin 2018, no 17-18.873, AJDI 2018, p. 594).
L'auteur du commandement doit naturellement être le bailleur. Un tiers pourra également procéder à la délivrance du commandement à la condition d'être dûment mandaté. Il a ainsi été jugé que le commandement délivré par un mandataire « à la requête » du bailleur était nul en raison de la nullité absolue dont était entaché son mandat qui ne comportait pas de limitation de durée (Cass. 3e civ., 18 oct. 2005, no 02-16.046, Bull. civ. III, no 363, Rev. loyers 2006/863, no 264, p. 16, note Prigent J., Loyers et copr. 2006, comm. no 26, obs. Vial-Pédroletti B.). Cette nullité peut être invoquée par toute personne qui y a un intérêt, y compris le locataire qui reçoit le commandement (voir également, CA Paris, ch. 16, sect. B., 28 sept. 2006, no 05/19616, Iara c/ Millot, AJDI 2007, no 326). Lorsque le bailleur est une personne morale, le commandement devra être délivré par son représentant légal. Le commandement délivré au nom d'une société qui n'a pas le pouvoir de représenter le bailleur, personne morale, est entaché d'une nullité de fond insusceptible de régularisation (Cass. 3e civ., 29 oct. 2008, no 07-14.242, Bull. civ. III, no 165, AJDI 2009, p. 618, note Dumont-Lefrand M.-P., RJDA 2009, no 5). Si le représentant légal du bailleur personne morale est décédé au moment de la délivrance du commandement, il sera également entaché d'une nullité de fond insusceptible de régularisation (Cass. 3e civ., 4 janv. 2006, no 03-14.115, AJDI 2006, p. 195 ; Cass. 2e civ., 21 mars 2013, no 12-17.107, Bull. civ. II, no 58, AJDI 2013, p. 511, note Rouquette-Térouanne C.).
7. Le destinataire du commandement
Le commandement doit être délivré au preneur ou à chacun des copreneurs en présence de plusieurs locataires. Si le preneur est une personne morale, le commandement, et la procédure subséquente en constat d'acquisition de la clause résolutoire, ne peuvent valablement être dirigés à l'encontre du représentant légal de la personne morale, mais seulement à l'encontre de cette dernière représentée par le premier (CA Paris, ch. 16, sect. B, 29 févr. 2008, no 07/15605, S.C.I. Minosa, AJDI 2008, p. 481).
Si le bail a été consenti non pas au nom et pour le compte d'une société en formation, mais aux noms de personnes physiques avec une simple faculté de substitution, la reprise de cet engagement par la société n'est pas opposable au bailleur qui peut valablement délivrer le commandement visant la clause résolutoire aux personnes physiques (Cass. com., 15 mai 2012, no 11-16.069, Rev. des sociétés 2012, p. 434, note Prévost S.). Inversement, la signification d'un commandement de payer à la société titulaire du bail, encore en cours d'immatriculation à la date de cette signification, n'est pas de nature à le rendre nul pour défaut de personnalité morale de la société dès lors que la société, par la reprise du bail, est réputée avoir eu, rétroactivement à la date du commandement de payer, la personnalité morale conférée par l'immatriculation (CA Paris, pôle 1, ch. 3, 14 févr. 2018, no 17/14229, AJDI 2018, p. 357).
L'erreur matérielle sur la dénomination du bailleur qui ne fait pas obstacle à son identification est une irrégularité de forme qui, en l'absence de grief, ne peut entraîner la nullité du commandement (Cass. 3e civ., 24 juin 2008, no 07-14.349, Rev. loyers 2008/890, no 822 ; voir également, CA Paris, pôle 5, ch. 3, 17 avr. 2013, no 10/15502, Rev. loyers 2013/938, no 1612 : commandement délivré au nom de l'enseigne du preneur et non au nom de sa dénomination sociale). Le commandement de payer délivré au lieu où le preneur avait son établissement lequel correspondait au lieu de son siège social tel que figurant au K-bis, la signification faite selon les modalités de l'article 656 du Code de procédure civile est régulière (Cass. 2e civ., 11 mars 2010, no 09-65.498, Bull. civ. II, no 52, Loyers et copr. 2010, comm. no 138, note Chavance E.). Aucun texte n'imposant la signification à personne d'un commandement délivré en vertu d'une clause résolutoire, ce dernier produit effet même s'il a été signifié au domicile élu dans le bail (Cass. 3e civ., 16 févr. 1977, no 76-10.508, Bull. civ. III, no 77). Lorsque le bail prévoit, pour la signification de tous actes extrajudiciaires ou de poursuite, l'élection de domicile du preneur dans les lieux loués, et que ceux-ci constituent le siège social de la société locataire, l'huissier de justice n'a l'obligation de tenter la signification qu'au lieu de ce siège social (Cass. 3e civ., 16 mai 1990, no 88-18.931, Bull. civ. III, no 121).
En revanche, est nulle la signification à domicile élu dans les lieux loués à une adresse différente du siège social de la société locataire, dès lors que l'huissier n'a fait aucune diligence pour signifier à la personne de l'un de ses représentants (Cass. 3e civ., 4 mai 1994, no 92-13.039, Bull. civ. III, no 88). A fortiori, est irrégulier le commandement délivré à l'adresse des lieux loués alors que le bail prévoit expressément que pour son exécution, le bailleur et le preneur élisent domicile en leur siège respectif (CA Paris, pôle 5, ch. 3, 15 janv. 2014, no 12/07149, Rev. loyers 2014/944, no 1746).
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VI. L'acquisition de la clause résolutoire
La clause résolutoire ne sera acquise que si l'infraction visée au commandement s'est poursuivie au-delà du délai de un mois.
La demande du bailleur tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire est donc irrecevable s'il la forme avant l'expiration de ce délai, « l'intérêt à agir s'appréciant à la date de la demande introductive de l'instance, soit en l'espèce l'assignation » (CA Lyon, 30 mai 2017, no 16/08609, AJDI 2017, p. 845 : rendu en matière de référé).
La Cour de cassation rappelle, au visa de l'ancien article 1315 du Code civil (C. civ., art. 1353, nouv.), qu'il appartient au bailleur d'établir la persistance de l'infraction aux clauses du bail après l'expiration de la mise en demeure (Cass. 3e civ., 13 nov. 1997, no 95-16.419, Bull. civ. III, no 201, Rev. Lamy dr. aff. 1998, no 1, no 10 ;Cass. 3e civ., 15 déc. 2016, no 15-23.831, AJDI 2017, p. 117).
La justification par le preneur de l'absence de persistance de l'infraction peut en revanche intervenir postérieurement au délai de un mois (Cass. 3e civ., 4 mars 2009, no 08-14.557, Bull. civ. III, no 53, Rev. loyers 897/2009, no 975, note Vaissié M.-O., RJDA 2009, no 414 ; Cass. 3e civ., 4 juin 2013, no 12-17.016, AJDI 2014, p. 195, note Planckeel F.), à moins que l'obligation enfreinte par le preneur et sanctionnée soit celle d'apporter une justification, par exemple celle d'être assuré, dans le mois du commandement (Cass. 3e civ., 24 juin 2009, no 08-13.718 ; Cass. 3e civ., 23 juin 2009, no 08-13.890, AJDI 2009, p. 859, note de la Vaissière F.).
Il a été jugé, s'agissant du non-paiement de loyers, que la réception par le bailleur d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans le délai de un mois du commandement, à laquelle étaient joints, selon le locataire, des chèques, valait preuve du règlement des sommes visées au commandement dans ce délai (CA Dijon, 7 mai 2015, no 14/01725, AJDI 2015, p. 766).
Également en matière de clause résolutoire pour défaut de règlement des sommes dues en vertu du bail, et en cas de paiement par l'intermédiaire des conseils des parties, le bailleur ne sera réputé avoir reçu paiement qu'à compter du règlement de sa créance sur le sous-compte de son propre avocat ouvert à la caisse de règlement pécuniaire (Cass. 3e civ., 26 mai 2009, no 08-15.772, Bull. civ. III, no 119, Loyers et copr. 2009, comm. no 174, note Chavance E., RJDA 2009, no 706).
Dès lors que le manquement invoqué s'est poursuivi à l'expiration du délai d'un mois, le juge est tenu de constater l'acquisition de la clause résolutoire, quelle que soit la gravité de l'infraction alléguée (Cass. 3e civ., 20 juill. 1989, no 88-13.856, Bull. civ. III, no 172, Loyers et copr. 1989, no 477 ; Cass. 3e civ., 9 nov. 2004, no 03-11.139, AJDI 2005, p. 382, note Denizot C. ; CA Paris, ch. 14, sect. A, 4 oct. 2006, no 06/01923, Baleynaud c/ ODHLM 93, AJDI 2006, p. 906 ; Cass. 3e civ., 20 oct. 2016, no 15-18.051, Loyers et copr. 2016, comm. no 257, note Chavance E. ; Cass. 3e civ., 5 oct. 2017, no 15-25.018, AJDI 2017, p. 777, Loyers et copr. 2018, comm. no 20, note Chavance E.) même si le preneur est de bonne foi (Cass. 3e civ., 12 déc. 2006, no 05-20.403), et même si l'infraction n'était pas régularisable (Cass. 3e civ., 23 juin 2009, no 08-16.761, Loyers et copr. 2009, comm. no 290, note Chavance E., AJDI 2009, p. 859, note de la Vaissière F.), sauf le pouvoir reconnu au juge de suspendre les effets de la clause de résiliation en octroyant des délais au preneur pour exécuter ses obligations (C. com., art. L. 145-41). Il a même été jugé que l'acquisition de la clause résolutoire devait être constatée pour défaut de règlement des causes du commandement dans le délai de un mois alors qu'il était soutenu que le bailleur avait refusé d'encaisser les chèques émis par le gérant de la société locataire (Cass. 3e civ., 11 déc. 2012, no 11-25.943, AJDI 2013, p. 121).
La clause résolutoire ne sera acquise qu'à la condition qu'il y ait coïncidence parfaite entre l'obligation visée au commandement et celle dont le manquement a persisté après la délivrance dudit commandement. Ainsi, l'acquisition de la clause résolutoire ne pourra être constatée, au motif qu'il est établi :
— que la boutique était vide et fermée un mois après la délivrance du commandement, alors que ce dernier portait sommation d'avoir à respecter la destination contractuelle des lieux (Cass. 3e civ., 3 nov. 2005, no 04-16.256, Rev. loyers 2006/864, no 296, AJDI 2006, p. 122, obs. Denizot C.) ;
— que l'activité de « nettoyage à sec » est exercée dans les lieux loués plus d'un mois après la délivrance du commandement alors que ce dernier visait l'infraction aux clauses du bail constituée par une activité de « service de pressing, blanchisserie et retouche » (Cass. 3e civ., 10 juill. 2007, no 06-17.830).
La résiliation du bail intervient à l'expiration du délai de un mois imparti par le commandement.
Le cas échéant, le juge devra rechercher si le locataire ne s'était pas conformé aux décisions judiciaires qui lui avaient accordé des délais pour s'acquitter de sa dette, en suspendant les effets de la clause résolutoire (Cass. 3e civ., 9 janv. 1991, no 90-10.127, Bull. civ. III, no 16).
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VII. L'indemnité d'occupation due par le locataire
Sauf suspension de ses effets, en cas d'acquisition de la clause résolutoire, le preneur devient occupant sans droit ni titre à compter de la résiliation du bail (soit à l'expiration du délai imparti au commandement). Il est débiteur à compter de cette date d'une indemnité d'occupation et non de loyers (Cass. 3e civ., 27 sept. 2011, no 10-24.857, Loyers et copr. 2012, comm. no 18, note Brault Ph.-H. ; Cass. 3e civ., 29 sept. 2010, no 09-13.922, Bull. civ. III, no 175, Rev. loyers 2010/911, no 1231, note Raclet B., AJDI 2010, p. 880).
Lorsqu'il condamne le locataire à régler une indemnité d'occupation, le juge peut ajouter au montant de l'indemnité qu'il fixe le montant des charges justifiées (Cass. 3e civ., 8 mars 2018, no 17-14.041, AJDI 2018, p. 348).
N'est pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), le versement d'une indemnité accordée par décision juridictionnelle qui a pour seul objet de réparer le préjudice subi par le bailleur du fait du locataire qui s'est maintenu dans les lieux loués après la résiliation du bail (CE, 30 mai 2018, no 402447, Loyers et copr. 2018, alerte no 45, note Cruvelier E.).
Si le montant de l'indemnité d'occupation due à la suite de la résiliation est fixé par le bail, le juge des référés ne peut que constater l'application d'une telle clause et fixer le montant de l'indemnité d'occupation en fonction de cette dernière (CA Paris, ch. 14, sect. A, 29 oct. 2008, no 08/10287, Melle Duret c/ Mme Isautier, AJDI 2009, p. 298). La Cour d'appel de Paris a également considéré que le juge des référés n'avait pas le pouvoir d'accorder la somme provisionnelle réclamée au titre d'une clause pénale prévue en cas d'absence de libération des lieux dès lors qu'elle est critiquée en son quantum par le preneur, seul le juge du fond pouvant la modérer ou l'écarter (CA Paris, pôle 1, ch. 3, 11 oct. 2016, no 15/21678, Rev. loyers 2016/971, no 2445).
Le juge des référés, en raison de la limitation de ses pouvoirs, ne peut en tout état de cause condamner le locataire à régler une indemnité d'occupation, mais seulement à une provision sur cette indemnité (Cass. 3e civ., 6 juill. 2017, no 16-19.564, Loyers et copr. 2017, comm. no 208, note Brault Ph.-H.).
Le juge du fond peut modifier le montant de l'indemnité d'occupation fixée en application d'une telle clause présentant le caractère d'une clause pénale (Cass. 3e civ., 8 avr. 2010, no 08-20.525, Bull. civ. III, no 75, Rev. loyers 2010/908, no 1173, note Rémy J. ; CA Paris, pôle 5, ch. 3, 20 févr. 2013, no 11/01073, Loyers et copr. 2013, comm. no 213, note Brault Ph.-H.). A ainsi été jugée manifestement excessive la clause qui prévoit que l'indemnité d'occupation doit être fixée au double du loyer alors que ce montant est « sans rapport avec le préjudice invoqué par le bailleur, qui ne justifiait pas qu'il aurait pu relouer les locaux à tel montant » (Cass. 3e civ., 14 avr. 2016, no 14-28.310, AJDI 2016, p. 424).
Le bailleur qui procède à l'expulsion du locataire en vertu d'une ordonnance de référé pourra engager sa responsabilité en cas de remise en cause du constat de l'acquisition de la clause résolutoire par le juge du fond (Cass. 3e civ., 12 mai 2016, no 15-14.117, Loyers et copr. 2016, comm. no 175, note Brault Ph.-H.), ce qui est possible à certaines conditions (voir no 480-34), le locataire pouvant encore solliciter la suspension des effets de la clause résolutoire même s'il a été expulsé (Cass. 3e civ., 27 avr. 2017, no 16-12.179, AJDI 2017, p. 591).
Par ailleurs, le bailleur qui poursuit l'expulsion sans attendre la décision du juge de l'exécution saisi par le preneur pour solliciter des délais pour quitter les lieux, qui lui auront été accordés, ne pourra pas réclamer à ce dernier, mis dans l'impossibilité de remettre les lieux en l'état, une indemnité au titre des réparations locatives (Cass. 3e civ., 14 juin 2018, no 17-11.775, AJDI 2018, p. 594).
Si le juge de l'exécution a annulé une mesure d'expulsion, il ne peut rejeter la demande de réintégration pour un motif tiré de l'absence de droit d'occupation de la personne expulsée (Cass. 2e civ., 16 mai 2019, no 18-16.934, Loyers et copr. 2019, comm. no 112, note Vial-Pédroletti B).
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VIII. Exemples d'acquisition ou de non-acquisition de la clause résolutoire
a) Violation de la destination contractuelle
— En présence de locaux à usage de « centre sportif de squash et autres disciplines similaires, vente d'équipement et fournitures de sport utiles aux sports pratiqués, formation des adhérents, organisation de tournois et, accessoirement, l'exploitation d'un club house avec restauration rapide, snack, salon de thé », et à la suite d'un commandement délivré au preneur, visant la clause résolutoire, de mettre un terme à des activités de restauration et d'organisation de soirées pour lesquelles aucune autorisation n'avait été sollicitée, le juge doit constater la résiliation du bail, l'infraction ayant persisté au-delà du délai de un mois. Les activités de restauration et d'organisation de soirées musicales n'étaient, en effet, pas réservées aux seuls membres du centre sportif ou à leurs proches mais à un public de consommateurs n'ayant aucun lien avec eux. Les stipulations contractuelles faisant expressément de l'exploitation du « club house » une activité accessoire de celle du centre sportif avaient donc été violées (Cass. 3e civ., 25 janv. 2006, no 04-20.173, Rev. loyers 2006/866, no 335) ;
— les locaux étant à destination d'hôtel-restaurant, le preneur commet une infraction en les exploitant sous forme de location de chambres meublées et à défaut de régularisation dans le mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à respecter la destination du bail, la résiliation de ce dernier doit être constatée (Cass. 3e civ., 30 mai 2007, no 06-12.853) ;
— le bailleur ne peut être débouté de sa demande de constat d'acquisition de la clause résolutoire en raison de l'exercice d'une activité de stockage de gravats et de déchets de chantier en violation de la clause de destination alors que cette dernière stipule que « le preneur utilisera les lieux loués pour y exercer les activités suivantes : entreposage de matériel de démolition, de terrassement, location de matériel TP, location de bennes, le tout en respectant les normes antipollution en vigueur », sans aucune référence à des matériaux de démolition (Cass. 3e civ., 14 oct. 2014, no 13-20.573, AJDI 2015, p. 43) ;
— « considérant que l'acte de cession du fonds de commerce avec cession de bail énonce comme un des éléments vendus le droit à l'exploitation d'une licence de débit de boissons de IVe catégorie, dite grande licence ou licence de plein exercice attachée au fonds de commerce ; que de cette observation, il faut déduire que la destination des lieux visée sous les mentions "Vins, liqueurs" autorisait la vente de boissons consommables sur place ;
Qu'en revanche, cette mention replacée dans son contexte exclut totalement une activité de bar de nuit ; que le bailleur, auquel l'acte de cession a été notifié, ne pouvait supposer un instant que le fonds cédé qui, outre l'activité de bar, comportait la vente des produits à emporter (sandwichs, crudités, plats à réchauffer), conformément à la clause de destination du bail, et, qui avait cédé son enseigne « La Rouergue » allait être un bar de nuit n'ouvrant d'après les constats d'huissier de justice que vers une heure du matin ; que la société AGM a significativement non seulement changé d'enseigne devenant « Le Cocktail », mais surtout, a substitué à l'activité contractuellement autorisée celle de « club » (…) ; son activité consiste à accueillir des « hôtesses » qui consomment avec une clientèle recherchant leur compagnie ; que l'attraction commerciale des lieux, ouverts uniquement tard dans la nuit, est en effet due exclusivement à un mode d'exploitation atypique de ceux-ci car reposant sur le libertinage (« présence de plusieurs jeunes, femmes en vêtements moulants et courts se trouvant dans la salle ou accoudées au comptoir » ; « une autre jeune femme se tient au seuil de l'établissement portant également des vêtements courts et près du corps » (voir procès-verbal de constat précité) ; Que le fait d'avoir des autorisations préfectorales d'ouverture la nuit ne saurait faire obstacle à la mise en œuvre de la clause résolutoire visant le non-respect de la clause de destination par détournement de sa finalité » (CA Paris, ch. 16, sect. A, 5 oct. 2005, no 04/06033, AGM Le Cocktail c/ Borry et autres, AJDI 2006, p. 281).
L'obligation d'exploiter étant une condition d'application du statut des baux commerciaux dont l'inexécution ne peut entraîner la résiliation du bail en l'absence d'une clause imposant l'exploitation effective et continue du fonds dans les lieux loués, la résiliation ne peut être constatée sur le fondement de la clause résolutoire en raison de l'absence d'exploitation, à défaut d'une telle clause (Cass. 3e civ., 13 janv. 2015, no 13-25.197, Loyers et copr. 2015, comm. no 99, note Brault Ph.-H.).
c) Cession irrégulière du bail
Le juge est tenu de constater la résiliation du bail en application de la clause résolutoire, le preneur ayant apporté son droit au bail à une société sans autorisation préalable du bailleur, le bail imposant une telle autorisation, sans pouvoir apprécier la gravité du manquement constaté et même si le preneur n'est pas personnellement responsable, un avocat ayant rédigé l'acte d'apport (CA Paris, ch. 14, sect. A, 4 oct. 2006, no 06/01923, Baleynaud c/ OPHLM 93, AJDI 2006, p. 906).
1. mise en location-gérance non autorisée
« Sur le commandement du 22 avril 2002 d'avoir à faire cesser toute location-gérance : Considérant que par cet acte extrajudiciaire, le bailleur demandait à Monsieur Taghbalout d'avoir à mettre fin au contrat de location-gérance qu'il avait consenti à un Monsieur Benbellil, le 1er août 2001, ce commandement visant la clause résolutoire ;
Considérant qu'en effet, il est constant qu'une clause du bail fait interdiction au preneur de se substituer à quelque titre que ce soit une tierce personne dans la jouissance des lieux loués "que le preneur devra occuper personnellement" ;
Considérant que la location-gérance dénoncée par la bailleresse était constante ; que Monsieur Taghbalout n'a repris la gestion directe de son fonds que le 3 septembre 2002, soit plus d'un mois après le commandement de faire cesser l'infraction au bail ;
Que la cour accordera à Monsieur Taghbalout un délai pour obtempérer à l'injonction de faire cesser la location-gérance, laquelle aurait dû intervenir au plus tard dans le mois du commandement, soit avant le 22 mai 2002 ; que ce délai de suspension de la clause résolutoire sera de quatre mois ;
Que la cour constate que Monsieur Taghbalout s'est conformé au commandement dont il s'agit dans ce délai, de sorte que l'acquisition de la clause résolutoire ne sera pas constatée » (CA Paris, ch. 16, sect. A, 23 nov. 2005, no 04/05332, Taghbalout c/ Faucon, AJDI 2006, p. 281).
2. Mise en location-gérance et cessation d'activité
La mise en location-gérance du fonds de commerce ne caractérisant pas une cessation d'activité, cessation d'activité qui rendait exigible le pas-de-porte aux termes du bail, la clause résolutoire pour non-paiement de ce pas-de-porte ne peut être constatée (Cass. 3e civ., 1er juin 2011, no 10-14.338, AJDI 2011, p. 624).
e) Travaux irréguliers du preneur
Même si le locataire a exécuté des travaux de redistribution des locaux sans autorisation du bailleur, il ne peut lui être fait sommation de remettre les lieux dans un état différent de celui mentionné au bail et le non-respect de la sommation en ce sens ne peut avoir pour effet d'entraîner l'acquisition de la clause résolutoire (Cass. 3e civ., 9 avr. 2013, no 12-17.123, AJDI 2013, p. 757).
L'acquisition de la clause résolutoire peut être constatée si le preneur, soumis à l'obligation d'être assuré contre les risques énoncés pendant toute la durée du bail, ne justifie d'aucune assurance pour une période de quelques mois (Cass. 3e civ., 14 avr. 2016, no 15-12.025).
IX. Acquiescement du preneur à l'acquisition de la clause résolutoire
Si, le plus souvent, c'est le bailleur qui invoque la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire, il se peut qu'il n'y ait pas intérêt, contrairement au locataire qui, en fonction des circonstances, peut souhaiter invoquer cette résiliation pour mettre un terme anticipé au bail.
La question s'est donc posée de savoir si le preneur pouvait invoquer à l'encontre d'un bailleur l'acquisition de la clause résolutoire à la suite de la délivrance d'un commandement visant cette clause et de la persistance de l'infraction dans le délai prévu.
Il avait été jugé, aux termes d'un arrêt inédit, que la résiliation du bail était acquise si le bailleur avait notifié son intention de voir la résiliation prendre inéluctablement effet à l'expiration du délai de un mois, sans se réserver la possibilité, « s'il lui semblait bon », de faire constater la résiliation (Cass. 3e civ., 16 juill. 1997, no 95-20.983, Administrer 1997, no 293, p. 43).
Postérieurement, la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 24 mars 1999, no 96-20.590, Bull. civ. III, no 76, Rev. Lamy dr. aff. 1999, no 17, no 1069, Gaz. Pal. 1999, 2, som., p. 385, note Barbier J.-D., Defrénois 1999, art. 37062, AJDI 1999, p. 909) avait approuvé les juges du fond d'avoir refusé au preneur la possibilité d'invoquer l'acquisition de la clause résolutoire, reproduite au commandement, qui était assortie de la mention « si bon lui semble ». Cette clause a été en effet considérée comme n'ayant été « stipulée que dans l'intérêt du bailleur qui se réservait en cas de non-paiement une alternative, soit de se prévaloir de cette clause, soit de maintenir le bail en poursuivant l'exécution forcée du contrat ». En présence d'une telle alternative, en conséquence, « aucune offre ferme de résiliation anticipée à la date du commandement n'était donc possible ».
Au regard de ces décisions, il aurait pu être soutenu que le bailleur pouvait s'opposer à l'acquisition de la clause résolutoire invoquée par le locataire à la suite de la délivrance d'un commandement la visant à une double condition : la stipulation d'une clause résolutoire permettant au bailleur d'opter ou non pour la résiliation après délivrance d'un commandement et l'absence d'expression au commandement de la volonté du bailleur de voir la résiliation inéluctablement acquise en cas de persistance de l'infraction.
Dans une espèce où un locataire opposait au bailleur l'acquisition de la clause résolutoire, la Cour de cassation a ainsi reproché aux juges du fond d'avoir fait droit à cette demande « sans rechercher si la clause résolutoire était stipulée exclusivement en faveur du bailleur et si celui-ci n'avait pas, dans le commandement […] seulement mis le preneur en demeure de régulariser sans lui notifier expressément que la résiliation prendrait effet inéluctablement dès l'expiration du délai d'un mois » (Cass. 3e civ., 21 janv. 2014, no 12-26.211, Rev. loyers 2014/945, no 1775).
Cette solution a été remise en cause par une décision du 27 avril 2017 dans laquelle la Cour de cassation a précisé, de manière générale et dans une espèce dans laquelle, d'une part, la clause résolutoire stipulée au bail ne semblait pas comporter de stipulations expresses qui auraient offert au bailleur l'option de se prévaloir ou non de la résiliation et, d'autre part, le bailleur n'avait pas formé de réserves dans le commandement visant la clause résolutoire, que dès lors que la clause résolutoire a été stipulée au seul profit du bailleur et que celui-ci demande la poursuite du bail, le locataire ne peut se prévaloir de l'acquisition de la clause (Cass. 3e civ., 27 avr. 2017, no 16-13.625, à paraître au Bulletin, Rev. loyers 2017/978, no 2626, note Prigent J., Loyers et copr. 2017, comm. no 139, note Chavance E. ; en ce sens également, Cass. 3e civ., 6 sept. 2018, no 17-22.767, Loyers et copr. 2018, comm. no 254, note Brault Ph.-H.). Il semblerait, aux termes de cette décision, que la clause résolutoire sanctionnant un manquement du preneur à ses obligations soit toujours stipulée dans l'intérêt du bailleur.
Dans une espèce où la clause résolutoire prévoyait que « le bail sera résilié de plein droit à défaut de paiement à échéance d'un seul terme ou fraction de terme de loyer ou accessoires, ou en cas d'inexécution des clauses et conditions du bail un mois après un simple commandement de payer ou sommation sans effet pendant ce délai et contenant la déclaration par le bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause », il a été jugé qu'elle était stipulée dans l'intérêt du bailleur (CA Paris, pôle 5, ch. 3, 4 juin 2014, no 12/15036, AJDI 2014, p. 701, note Maillet-Contoz F.).
Le bailleur doit cependant user de son droit de ne pas se prévaloir de la clause résolutoire de bonne foi (voir, reprochant au juge du fond de n'avoir pas recherché, alors qu'ils y étaient invités, si le bailleur avait usé de ce droit de bonne foi en exigeant le paiement de loyers postérieurs à la résiliation, alors qu'il avait accepté la restitution des clés des locaux, Cass. 3e civ., 7 juill. 2016, no 14-22.188, AJDI 2016, p. 764, Loyers et copr. 2016, comm. no 214, note Brault Ph.-H.).
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X. Renonciation du bailleur à l'acquisition de la clause résolutoire
Le bailleur qui a fait délivrer un commandement visant la clause résolutoire n'est pas lié par les effets d'un tel acte dès lors que la clause résolutoire a été stipulée à son seul profit (Cass. 3e civ., 27 avr. 2017, no 16-13.625, à paraître au Bulletin, Rev. loyers 2017/978, no 2626, note Prigent J., Loyers et copr. 2017, comm. no 139, note Chavance E.) (voir no 480-24). Même s'il a entendu dans un premier temps s'en prévaloir, il pourrait ensuite y renoncer et le preneur pourrait se prévaloir de cette renonciation.
Le preneur peut en effet opposer au bailleur la renonciation de celui-ci à solliciter l'acquisition de la clause résolutoire, même implicitement, pour autant que cette renonciation soit dépourvue d'équivoque (Cass. 3e civ., 30 mai 2007, no 06-12.853).
Ainsi, vaut renonciation du bailleur :
— L'offre de renouvellement et la délivrance d'un second commandement fondé sur un nouveau grief (Cass. 3e civ., 28 juin 2018, no 17-15.247, Loyers et copr. 2018, comm. no 213, note Chavance E.) ;
— l'exercice sans réserve par le bailleur du droit de repentir qui implique l'acceptation irrévocable du renouvellement du bail (Cass. 3e civ., 24 janv. 2019, no 17-11.010, Rev. loyers 2019/995, no 3090, note Lebel Ch., Loyers et copr. 2019, comm. no 55, note Brault Ph.-H.) ;
— La conclusion d'un avenant de révision des loyers postérieurement à la notification d'un commandement visant la clause résolutoire (Cass. 3e civ., 21 nov. 1995, no 93-21.665, Loyers et copr. 1996, comm. no 264) ;
— La notification postérieure d'un congé avec offre de renouvellement (CA Douai, 5 juin 1975, Verdonck c/ Drabent, Rev. loyers 1976, p. 19).
En revanche :
— le fait d'offrir le renouvellement du bail, tout en poursuivant la procédure aux fins de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire (un pourvoi en cassation étant en cause) ne saurait s'analyser en une renonciation tacite au bénéfice de ladite clause (Cass. 3e civ., 5 juin 2002, no 00-21.577, Bull. civ. III, no 127, Cah. D. aff. 2002, jur., p. 2534, obs. Rouquet Y.) ;
— le bailleur qui a tardé à faire exécuter la mesure d'expulsion et qui a laissé en place le locataire pendant cinq ans n'a pas renoncé à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, le seul écoulement du temps ne pouvant caractériser un acte manifestant sans équivoque une telle renonciation (Cass. 3e civ., 19 mars 2008, no 07-11.194, Bull. civ. III, no 53, Loyers et copr. 2008, comm. no 108, note Brault Ph.-H., RLDA 2008/27, no 1617, AJDI 2008, p. 760, note Denizot C., Dr. et procéd. 2008, p. 267, note Putman E.) ;
— le bailleur qui n'a effectué aucune diligence postérieurement à l'ordonnance constatant la résiliation du bail pour obtenir la libération des lieux, a continué à encaisser et à réclamer le paiement des loyers et a fait délivrer un commandement fondé sur ce bail, n'a pas renoncé à la résiliation du bail (Cass. 3e civ., 13 sept. 2018, no 17-24.142, Loyers et copr. 2018, comm. no 228, note Chavance E., AJDI 2018, p. 783).
Il a été jugé, par ailleurs, que l'assignation en référé en constat de l'acquisition de la clause résolutoire ne valait pas renonciation du bailleur au congé avec offre d'indemnité d'éviction notifié préalablement à cette action (CA Riom, 9 sept. 2015, no 14/00830, AJDI 2016, p. 202).
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XI. La force majeure, obstacle à la mise en œuvre de la clause résolutoire
L'application de la clause résolutoire sera exclue en présence d'un cas de force majeure (Cass. 3e civ., 24 juin 1971, no 70-12.017, Bull. civ. III, no 404).
Ont été analysés comme un cas de force majeure :
— l'impossibilité matérielle dans laquelle s'est trouvée le preneur d'effectuer les travaux visés au commandement délivré en période de congé constituait un cas de force majeure (Cass. 3e civ., 24 juin 1971, no 70-12.017, précité) ;
— le problème informatique auquel s'est trouvée confrontée la banque, seule cause du non-respect du règlement de la dernière mensualité d'un échéancier judiciaire accordé dans le cadre de la suspension des effets de la clause résolutoire (Cass. 3e civ., 17 févr. 2010, no 08-20.943, Bull. civ. III, no 47, Rev. loyers 2010/906, no 1164, note Quément C., AJDI 2010, p. 546, note Rouquet Y.).
La force majeure n'est toutefois que rarement retenue. N'ont pas été jugés constitutifs de cas de force majeure :
— l'incarcération du preneur (Cass. 3e civ., 14 mai 1969, no 68-11.766, Rev. loyers 1969, p. 409) ;
— la maladie de l'un des locataires qui ont cessé d'exploiter leur activité, dès lors que le caractère irrésistible n'existe pas (Cass. 3e civ., 18 oct. 2005, no 04-17.882, Rev. loyers 2006/863, no 273, AJDI 2006, p. 121, note Denizot C.) ;
— la prescription de l'Administration d'effectuer certains travaux dès lors que ces travaux n'ont été rendus nécessaires qu'en raison de l'adjonction par le locataire d'activités complémentaires à celles contractuellement prévues. Le bailleur peut se prévaloir, dans ce cas, de la clause résolutoire du bail sanctionnant l'interdiction faite au preneur de percer les murs ou de modifier la distribution des locaux (Cass. 3e civ., 13 juin 2007, no 06-13.661, Bull. civ. III, no 106, Rev. loyers 2007/880, no 592, note Quément C., Loyers et copr. 2007, comm. no 174, note Brault Ph.-H., RJDA 2007, no 934, AJDI 2008, p. 169, note Laporte-Leconte S., et p. 198).
La force majeure n'exonère en outre le débiteur de ses obligations que pendant le temps où elle l'empêche de donner ou de faire ce à quoi il s'est obligé (Cass. 3e civ., 13 juin 2007, no 06-12.283, RJDA 2007, no 937, AJDI 2008, p. 197, note Kessler G.).
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XII. Prescription et clause résolutoire
a) Prescription de l’action en constat de l’acquisition de la clause résolutoire
L'action en constatation d'acquisition de la clause résolutoire étant exercée en vertu des stipulations contractuelles et non des dispositions des articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce, elle n'est pas soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 dudit code (CA Paris, ch. 16, sect. B., 11 juin 1999, SARL JPLL Productions c/ SA RIVP, Administrer 1999, no 317, p. 40 ; Cass. 3e civ., 29 sept. 2009, no 08-14.609, Bull. civ. III, no 215, Rev. loyers 2009/902, no 1089, AJDI 2010, p. 305 ; CA Rennes, 4 janv. 2017, no 14/07309, AJDI 2017, p. 354 : sur la violation de la clause de destination) mais à la prescription quinquennale de droit de commun de l'article 2224 du Code civil (CA Paris, pôle 5, ch. 3, 14 mars 2018, no 16/12509, Rev. loyers 2018/986, no 2838).
Voir également, Cass. 3e civ., 3 juill. 1985, no 84-11.807, Bull. civ. III, no 107.
Le délai de prescription de l'action en constatation de la résiliation du bail du fait de l'acquisition de la clause résolutoire pour inobservation des conditions du bail court, en application de l'article 2224 du Code civil, à compter du jour où le bailleur a connu ou aurait dû connaître l'infraction qu'il souhaite faire sanctionner par l'application de la clause résolutoire (CA Poitiers, 19 déc. 2017, no 16/04430, AJDI 2018, p. 196).
b) Prescription de l'action en contestation du commandement visant la clause résolutoire
Il a été jugé que la contestation de la validité d'un commandement visant la clause résolutoire d'un bail commercial était soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du Code de commerce (Cass. 3e civ., 28 oct. 2008, no 07-19.010 ; voir no 550).
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XIII. La suspension des effets de la clause résolutoire
1) Les conditions de suspension des effets de la clause résolutoir
L'article L. 145-41, alinéa 2, du Code de commerce permet au juge de suspendre les effets de la clause résolutoire en accordant des délais au locataire dans les termes de l'article 1343-5 du Code civil (C. civ., art. 1244-1 à 1244-3, anciens). Les dispositions de l'article L. 145-41 du Code de commerce, autorisant le preneur, en obtenant des délais de grâce, à faire suspendre les effets de la clause résolutoire, répondant à un motif d'intérêt général et leur mise en œuvre étant entourée de garanties procédurales et de fond suffisantes, elles ne sont pas contraires à la Constitution (Cass. ass. plén. QPC, 18 juin 2010, no 09-71.209, Bull. civ. ass. plén., no 3, AJDI 2011, p. 45). En cas de suspension des effets de la clause résolutoire, le juge constate que cette dernière est acquise en suspendant ses effets pendant le délai accordé pour mettre fin à l'infraction et en indiquant que la clause sera réputée ne pas avoir joué en cas de paiement dans le délai (Cass. 3e civ., 4 mars 2009, no 08-14.557, Bull. civ. III, no 53, Rev. loyers 2009/897, no 975, note Vaissié M.-O.).
Le juge ne peut constater l'acquisition de la clause résolutoire au motif qu'il n'a pas été remédié à l'infraction dans le délai de un mois courant à compter de la date du commandement sans statuer sur la demande du preneur de suspension des effets de la clause résolutoire (Cass. 3e civ., 6 juill. 2017, no 16-12.998, AJDI 2017, p. 840).
a) L'obligation de subordonner la suspension des effets de la clause résolutoire au respect des délais accordés
Le juge devra subordonner la suppression des effets de la clause résolutoire à l'exécution par le locataire de ses obligations. Ainsi, la demande de constat d'acquisition de la clause résolutoire ne peut être rejetée au motif que le preneur a formé opposition au commandement et réglé ses causes, si des délais ne lui ont pas été octroyés ou s'il n'est pas constaté qu'il en avait été accordé (Cass. 3e civ., 8 avr. 2010, no 09-11.292, Bull. civ. III, no 78, Rev. loyers 2010/908, no 1163, note Gallet Ch.-H., Loyers et copr. 2010, comm. no 166, note Chavance E., Gaz. Pal. 14 au 17 juill. 2010, p. 40, note Brault Ch.-E.).
La Cour de cassation a également censuré un arrêt qui avait suspendu les effets de la clause résolutoire pour non-paiement des loyers, au motif que seule une absence de résiliation du bail autorisait la vente du fonds et le désintéressement subséquent des créanciers du locataire en liquidation judiciaire « sans subordonner les délais accordés et la suppression des effets de la clause résolutoire au règlement des causes du commandement » (Cass. 3e civ., 9 mars 2005, no 02-13.390, Bull. civ. III, no 60, Rev. loyers 2005/857, no 124, obs. Prigent J., Loyers et copr. 2005, comm. no 115, obs. Brault Ph.-H.).
Si, au jour où le juge statue, le locataire a remédié à l'infraction qui lui était reprochée, mais postérieurement au délai d'un mois à compter du commandement, la demande du bailleur tendant au constat de l'acquisition de la clause résolutoire ne pourra être rejetée qu'à la condition que le juge octroie rétroactivement au preneur des délais qu'il jugera concomitamment respectés (Cass. 3e civ., 7 déc. 2004, no 03-18.144, Bull. civ. III, no 224, Rev. loyers 2005/857, no 124, obs. Prigent J. ; Cass. 3e civ., 8 avr. 2010, no 09-11.292, précité ; Cass. 3e civ., 18 mai 2010, no 09-13.785, RJDA 2010, no 830 ; Cass. 3e civ., 7 avr. 2010, no 09-65.811, AJDI 2010, p. 464 ; CA Paris, ch. 16, sect. A, 16 nov. 2005, no 06/14385, Scheffler c/ Société Les Deux Savoies, AJDI 2006, p. 199 ; Cass. 3e civ., 4 mai 2011, no 10-16.939, Loyers et copr. 2011, comm. no 219, note Chavance E. ;Cass. 3e civ., 31 mars 2016, no 14-28.093, AJDI 2016, p. 428 ; Cass. 3e civ., 12 mai 2016, no 15-14.117, Loyers et copr. 2016, comm. no 175, note Brault Ph.-H. ; CA Lyon, 3 juill. 2018, no 17/08676, Loyers et copr. 2018, comm. no 202, note Chavance E.).
b) L'absence de décision de justice ayant acquis force de chose jugée
Aux termes de l'article L. 145-41 du Code de commerce, « les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du Code civil (anc.art. 1244-1 à 1244-3 du Code civil) peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée ».
En dépit de la référence, dans l'article L. 145-41 du Code de commerce, à la notion de décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée, la Cour de cassation précise que le preneur peut demander des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire tant que la résiliation du bail n'est pas constatée par une décision « passée enforce de chose jugée » (Cass. 3e civ., 13 mai 1986, no 83-14.991, Bull. civ. III, no 69, Rev. loyers 1987, p. 161 ; Cass. 3e civ., 26 juin 1991, no 90-11.948, Bull. civ. III, no 193 ; Cass. 3e civ., 3 mars 1993, no 91-10.803, Bull. civ. III, no 26, AJPI 1994, p. 207 ; Cass. 3e civ., 5 oct. 1994, no 92-15.714, Bull. civ. III, no 161, Gaz. Pal. 1995, pan., p. 51, Loyers et copr. 1995, comm. no 22 ; Cass. 3e civ., 11 juin 1997, no 94-21.056, Bull. civ. III, no 135, Gaz. Pal. 1998, 1, pan., p. 50 ; Cass. 3e civ., 18 mai 2010, no 09-13.785, RJDA 2010, no 830).
Sur le fondement de cette solution, il a été précisé :
— que le preneur n'était pas tenu de former sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire dans le délai visé au commandement (Cass. 3e civ., 13 mai 1986, no 83-14.991, Bull. civ. III, no 69, Rev. loyers 1987, p. 161 ; Cass. 3e civ., 5 oct. 1994, no 92-15.714, Bull. civ. III, no 161, Gaz. Pal. 1995, pan., p. 51, Loyers et copr. 1995, comm. no 22) ;
— que le preneur peut solliciter la suspension des effets de la clause résolutoire pour la première fois en cause d'appel (CA Lyon, 3 juill. 2018, no 17/08676, Loyers et copr. 2018, comm. no 202, note Chavance E. ; voir également, jugeant qu'il ne s'agit pas d'une prétention nouvelle au sens de l'article 564 du Code de procédure civile, CA Versailles, 14e ch., 14 févr. 2019, no 18/06857, Rev. loyers 2019/995, no 3093) ;
— que le preneur peut solliciter la suspension des effets de la clause résolutoire même s'il a été expulsé (Cass. 3e civ., 27 avr. 2017, no 16-12.179, AJDI 2017, p. 591) ;
— que lorsque la résiliation n'a pas encore été constatée par une décision passée en force de chose jugée lors de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du preneur, le bailleur ne peut plus poursuivre l'action antérieurement engagée (sur ce point, voir no 480-48).
L'autorité de chose jugée est pourtant une notion distincte de celle de force de chose jugée.
Un jugement (sur le fond) a « autorité de la chose jugée » relativement à la contestation tranchée dès son prononcé (CPC, art. 480), tandis qu'il acquiert « force de chose jugée » s'il n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution ou, s'il est susceptible d'un tel recours, à l'expiration du délai de recours si ce dernier n'a pas été exercé dans les délais (CPC, art. 500). L'article 500 du Code de procédure civile est applicable également aux ordonnances de référé (Cass. com., 24 oct. 1995, no 93-17.051, Bull. civ. IV, no 254). Le fait que l'ordonnance de référé soit exécutoire à titre provisoire ne permet pas de lui conférer, à lui seul et en tant que tel, la qualité de décision ayant force de chose jugée (Cass. com., 28 oct. 2008, no 07-17.662, Bull. civ. IV, no 184, Lexbase hebdo no 328 –Éd. privée générale, note Prigent J., Rev. loyers 2009/893, no 888, note Gallet C.-H., Gaz. Pal. 6 et 7 févr. 2009, p. 32, note Brault Ch.-E., Loyers et copr. 2008, comm. no 280, note Brault Ph.-H., RJDA 2009, no 707).
L'ordonnance de référé n'a pas, au principal, autorité de chose jugée (CPC, art. 488). La question s'est donc posée de la possibilité pour un juge du fond de remettre en cause une décision du juge des référés constatant l'acquisition d'une clause résolutoire ou suspendant ses effets en accordant des délais. Il a été jugé que la demande du preneur tendant à voir, à titre principal, constater la nullité d'un commandement et, à titre subsidiaire, suspendre les effets de la clause résolutoire ne pouvait être déclarée irrecevable en raison de l'existence d'une ordonnance de référé ayant constaté la résiliation alors que cette ordonnance n'a pas au principal autorité de la chose jugée :
— certes l'ordonnance de référé constatant l'acquisition d'une clause résolutoire n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée et ne s'impose pas au juge du fond saisi aux mêmes fins ; cependant, la saisine, par le débiteur, du juge du fond ne peut conduire celui-ci à apprécier la régularité de la décision du juge des référés, spécialement la régularité de sa saisine comme il est demandé, examen qui est du seul ressort de la juridiction d'appel statuant en état de référé ; la cour ne saurait, ainsi, se prononcer sur la demande tendant à "déclarer nulles et de nuls effets, l'assignation en référé des 24 et 27 mars 2006, l'ordonnance de référé du 17 mai 2006 et la signification de l'ordonnance de référé en date des 26 et 30 mai 2006," cette dernière demande n'étant, par ailleurs, fondée que sur l'allégation précédente de nullités. L'expulsion ayant été réalisée en vertu de cette ordonnance, devenue définitive, la demande tendant à la "nullité de la procédure d'expulsion" s'appuyant exclusivement sur la contestation de la validité de cette ordonnance ne saurait être suivie d'effet.
En revanche, le juge du fond est apte à procéder au contrôle de l'existence des conditions du jeu de la clause :
1. existence de la clause,
2. régularité et validité de la délivrance du commandement,
3. existence de l'infraction et sa persistance au-delà du délai d'un mois » (CA Paris, ch. 16, sect. A, 16 janv. 2008, no 06/19749, S.A.R.L. Tigrini c/ M. Fournichot, AJDI 2008, p. 757) ;
— si le preneur n'a pas sollicité de délais dans le cadre de l'instance en référé, l'absence d'autorité de chose jugée au principal de l'ordonnance de référé constatant l'acquisition de la clause résolutoire permet au juge du fond de suspendre les effets de la clause résolutoire en accordant des délais (Cass. 3e civ., 12 mai 2016, no 15-14.117, Loyers et copr. 2016, comm. no 175, note Brault Ph.-H. ; CA Paris, ch. 16, sect. A, 4 mars 2009, no 08/05527, S.A.S Eppler immobilière c/ S.A.R.L. Le Megève, AJDI 2009, p. 791).
En revanche, même si l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, autorité de la chose jugée, le juge du fond ne peut pas, une fois que l'ordonnance de référé a acquis force de chose jugée, accorder de nouveaux délais :
— « Mais attendu qu'abstraction faite d'un motif surabondant relatif à l'autorité de la chose jugée et après avoir relevé que l'ordonnance de référé n'avait pas été frappée d'appel, la cour d'appel, qui, statuant au fond, a retenu que, les échéances, fixées par le juge des référés, n'ayant pas été respectées, la clause résolutoire était définitivement acquise lorsque le tribunal d'instance avait été saisi, sans que son effet puisse être suspendu par l'octroi de nouveaux délais, a légalement justifié sa décision » (Cass. 3e civ., 14 oct. 1992, no 90-21.657, Bull. civ. III, no 271) ;
— « viole l'article L. 145-41 du Code de commerce, une cour d'appel qui, pour accorder rétroactivement au preneur un nouveau délai pour régler l'arriéré de loyers et le loyer courant et débouter en conséquence la société bailleresse de sa demande tendant à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, retient qu'en application de l'article 488 du nouveau Code de procédure civile l'ordonnance de référé ayant accordé des délais de paiement au débiteur et suspendu les effets de la clause, bien que passée en force de chose jugée, n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée et ne fait donc pas obstacle à ce qu'il soit statué sur l'acquisition de la clause résolutoire par la juridiction saisie au fond du même litige, alors que, constatant que les délais octroyés par l'ordonnance de référé ayant suspendu la réalisation de la clause résolutoire n'avaient pas été respectés, cette cour, saisie au fond, ne pouvait accorder de nouveaux délais » (Cass. 3e civ., 2 avr. 2003, no 01-16.834, Bull. civ. III, no 77, Rev. loyers 2003, p. 356, note Quément C., Cah. D. aff. 2003, no 20, p. 1366, obs. Rouquet Y., JCP G 2003, p. 1214) ;
— « si l'ordonnance de référé constatant que les conditions d'application de la clause résolutoire sont réunies et octroyant au preneur un délai pour se libérer de sa dette, dès lors qu'elle est définitive et passée en force de chose jugée, ne peut être remise en cause par le juge du fond par l'octroi de nouveaux délais aux débiteurs, elle n'en reste pas moins dépourvue de l'autorité de chose jugée au principal. Dès lors, le preneur demeure recevable à saisir le juge du fond d'une instance remettant en cause la validité du commandement et les conditions de fond d'acquisition de la clause résolutoire, quand bien même les délais prescrits par l'ordonnance de référé n'auraient pas été respectés » (CA Paris, ch. 16, sect. A, 18 oct. 2006, no 05/10214, Foncière Rivoli c/ Benjamin, AJDI 2007, p. 196) ;
— « les délais accordés par l'ordonnance de référé ayant suspendu la réalisation de la clause résolutoire n'ayant pas été respectés, le juge saisi au fond ne peut accorder de nouveaux délais » (Cass. 3e civ., 15 oct. 2008, no 07-16.725, Bull. civ. III, no 152, Rev. loyers 2008/892, no 868, note Gallet C.-H., Gaz. Pal. 6 et 7 févr. 2009, p. 6, note Brault C.-E., Loyers et copr. 2008, comm. no 279, note Chavance E., RJDA 2008, no 1227, AJDI 2009, p. 194) ;
— « attendu qu'il est justifié que, par arrêt irrévocable du 8 avril 2011, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance de référé prononcée le 1er septembre 2010 par le président du tribunal de grande instance de Paris constatant l'acquisition définitive de la clause résolutoire ; qu'il en résulte que la société MHS ne peut plus demander à un juge saisi au fond, tel le juge-commissaire, de lui accorder rétroactivement de nouveaux délais de paiement pour éviter la résiliation du bail » (Cass. com., 21 févr. 2012, no 11-10.901, RJDA 2012, no 475).
En outre, si l'ordonnance de référé constatant l'acquisition de la clause résolutoire n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée et ne s'impose donc pas, en principe et sous réserve de ce qui vient d'être exposé, au juge saisi au fond aux mêmes fins, elle s'impose, en revanche, lorsqu'elle est définitive, au juge du fond statuant dans une instance ayant un objet distinct :
— « si l'ordonnance de référé constatant l'acquisition d'une clause résolutoire n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée et ne s'impose pas au juge saisi au fond aux mêmes fins, la cour d'appel, statuant dans une instance ayant un objet distinct, à savoir l'opposabilité au bailleur de la cession du fonds intervenue postérieurement à l'ordonnance du 29 avril 1985 ayant constaté l'acquisition de la clause résolutoire, a exactement décidé que cette ordonnance étant devenue définitive, la société preneuse était sans droit au bail » (Cass. 3e civ., 9 janv. 1991, no 89-13.790, Bull. civ. III, no 15, Rev. loyers 1991, p. 248, note Vaissette) ;
— « mais attendu que si l'ordonnance de référé constatant l'acquisition d'une clause résolutoire n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée et ne s'impose pas au juge saisi au fond aux mêmes fins, la cour d'appel, statuant dans une instance ayant un objet distinct, à savoir la validité de la demande de renouvellement du bail formé le 7 janvier 1999 par les preneurs postérieurement à l'ordonnance du 29 juillet 1997 ayant suspendu les effets de la clause résolutoire et qui a relevé que l'échéance du 15 septembre 1997 fixée par cette ordonnance n'avait pas été honorée par les preneurs, de sorte que la clause résolutoire était réputée acquise à cette date, en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendait inopérante, que l'ordonnance de référé, signifiée le 29 juillet 1997, étant devenue irrévocable, les preneurs ne pouvaient valablement solliciter le renouvellement du bail ». (Cass. 3e civ., 25 févr. 2004, no 02-12.021, Bull. civ. III, no 39).
c) L'impossibilité pour le juge de suspendre d'office les effets de la clause résolutoire
Le juge ne peut faire application d'office des dispositions de l'article L. 145-41 du Code de commerce, le locataire devant impérativement solliciter des délais et la suspension des effets de la clause résolutoire :
— « La locataire n'ayant pas, dans le mois du commandement visant la clause résolutoire, réglé les loyers dont elle était débitrice et aucun délai de paiement n'ayant été sollicité, c'est à bon droit que les juges du fond déclarent le bail résilié, bien que la locataire se soit acquittée des loyers arriérés, les dispositions de l'article 25, alinéa 2 du décret du 30 septembre 1953 supposant une demande de délai présentée dans les formes prévues à l'article 1244 du Code civil » (Cass. 3e civ., 16 juill. 1975, no 74-13.221, Bull. civ. III, no 253, Rev. loyers 1975, p. 439) ;
— « il appartenait aux preneurs, s'ils désiraient obtenir le bénéfice des dispositions de l'article 25 du décret du 30 septembre 1953 et de l'article 1244 du Code civil (C. civ., art. 1342-4, nouv.), d'en faire la demande.
En présence des écritures des preneurs se bornant à affirmer "qu'il n'y a pas de motifs suffisants pour prononcer une sanction aussi grave (que le jeu de la clause résolutoire)", c'est par une interprétation nécessaire des termes ambigus des conclusions que les juges du fond ont estimé que les preneurs n'avaient pas présenté de demande de suspension de la clause résolutoire » (Cass. 3e civ., 1er oct. 1975, no 74-12.594, Rev. loyers 1976, p. 35) ;
— « a violé l'article 25, alinéa 2 du décret du 30 septembre 1953, selon lequel les juges peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation pour défaut de paiement du loyer au terme convenu, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision passée en force de chose jugée, l'arrêt qui, pour décider que la clause de résiliation n'était pas acquise, a énoncé que le locataire avait suspendu l'effet de cette clause en formant opposition au commandement et en faisant assigner le bailleur avant l'expiration du délai d'un mois, alors qu'il résulte de sa décision que le preneur n'avait pas formé de demande de délai » (Cass. 3e civ., 19 févr. 1986, no 84-16.154, Gaz. Pal. 1986, 2, pan., p. 132) ;
— « le preneur n'ayant pas présenté, en application de l'article L. 145-41 du Code de commerce, une demande aux fins que lui soient accordés des délais et que la réalisation et les effets de la clause résolutoire soient suspendus, la cour d'appel ne pouvait ordonner d'office une telle mesure » (Cass. 3e civ., 18 mai 2010, no 09-66.848, Gaz. Pal, 14 au 17 juill. 2010, p. 40, note Brault C.-E., AJDI 2010, p. 553, RJDA 2010, no 829) ;Voir également, Cass. com., 17 juill. 1967, no 66-11.509, Rev. loyers 1967, p. 402 et Cass. 3e civ., 17 mars 2016, no 12-13.901, Administrer avr. 2016, p. 31, note Lipman-W Boccara D.).
Il a été cependant jugé que la demande de suspension des effets de la clause résolutoire du preneur impliquait nécessairement une demande de délais de paiements :
— « Considérant que, même si elle n'a pas été expressément formulée par l'appelant, sa demande tendant à la suspension des effets de la clause résolutoire insérée dans les baux, dès lors qu'elle est fondée sur les articles L. 145-41 alinéa 2 du Code de commerce, 1244-1 alinéa 1er (C. civ., art. 1343-5, nouv.) et 1244-2 du Code civil (C. civ., art. 1343-5, nouv.), induit nécessairement une demande de délais de paiement jusqu'au jour du règlement des causes des commandements de payer » (CA Paris, ch. 14, sect. B, 12 sept. 2008, no 08/04173, M. Matras c/ société civile de construction Villa Durmar, RJDA 2009, no 9) ;
— la demande en suspension des effets de la clause résolutoire, dans la mesure où elle tend à faire écarter la demande du bailleur en constatation de la résiliation du bail, peut être formée pour la première fois en cause d'appel (Cass. 3e civ., 14 juin 2006, no 05-12.042, Administrer 2006, no 36, p. 33, obs. Lipman-Boccara D.).
Julien PRIGENT
MUTELET-PRIGENT & ASSOCIES
Avocats à la cour d’appel de Paris
(1) Etude publiée dans l'ouvrage Baux commerciaux publié aux éditions Lamy