
L'action pour trouble anormal de voisinage constitue non une action immobilière réelle, mais une action en responsabilité civile extracontractuelle soumise à la prescription de cinq ans prévue à l'article 2224 du Code civil, même si elle est fondée non sur un comportement imputable au voisin, mais principalement sur la consistance de son fonds (Cass. civ. 2, 07-03-2019, n° 18-10.074).
FAITS ET PROCÉDURE
En l’espèce, en juillet 2002, avait été acquis un terrain sur lequel était édifiée une remise.
Ayant constaté une fissure importante sur le mur de celle-ci adossé au garage implanté sur le terrain voisin, et en imputant la cause au mauvais état de ce garage, l’acquéreur, après une expertise ordonnée en référé, avait assigné le propriétaire de ce garage devant un tribunal afin d'obtenir, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, sa condamnation à l’indemniser de ses préjudices et à réaliser des travaux de confortement du garage.
Par jugement du 21 juillet 2009, le juge de première instance a condamné le propriétaire du garage à verser à l’acquéreur certaines sommes à titre d'indemnités.
Ayant omis de statuer sur sa demande de réalisation de travaux, le demandeur avait saisi le tribunal le 26 janvier 2012 d'une requête en omission de statuer.
Cette requête ayant été déclarée irrecevable par un arrêt du 29 octobre 2014, l’acquéreur a, sur le même fondement, assigné à nouveau le 25 février 2015 le propriétaire du garage afin de le faire condamner, sous astreinte, à réaliser les travaux.
Les juges du fond ont déclaré irrecevable sa demande en raison d’une prescription.
ACTION POUR TROUBLE ANORMAL DU VOISINAGE : ACTION RÉELLE OU PERSONNELLE ?
Les juges du fond avaient retenu que l'action pour trouble anormal de voisinage constitue non une action immobilière réelle mais une action en responsabilité civile extra-contractuelle soumise à la prescription de cinq ans prévue à l'article 2224 du Code civil issu de la loi n 2008-561 du 17 juin 2008.
Or, toujours selon les juges du fond, dans la mesure où l’acquéreur avait eu connaissance des faits lui permettant d'exercer à nouveau son action fondée sur un tel trouble à la date du jugement du 21 juillet 2009 qui avait omis de statuer sur la demande de travaux qu'il avait formée, le délai de prescription de cinq ans avait commencé à courir à compter de cette date. L'action introduite le 25 février 2015 était donc prescrite.
L’acquéreur qui avait formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision soutenait que l’action pour troubles anormaux de voisinage fondée non sur un comportement imputable au voisin, mais principalement sur la consistance de son fonds qui portait structurellement atteinte au bâtiment du demandeur, et tendant à faire cesser les dommages pour le fonds et les constructions du demandeur liés à un vice structurel du fonds voisin, est une action réelle immobilière qui se prescrit par trente ans.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi et approuvé la décision des juges du fond.
Cette solution n’est pas nouvelle. La Cour de cassation avait déjà jugé, à propos de la question de la prescription de l’action en indemnisation d’un préjudice résultant de troubles anormaux du voisinage, que cette action constitue une action en responsabilité extracontractuelle et non une action immobilière réelle (Cass. civ. 2, 13-09-2018, n° 17-22.474, F-P+B).
Dans l’arrêt rapporté, la demande jugée prescrite n’était pas, stricto sensu, une action en réparation d’un préjudice, mais une action tendant à voir le propriétaire voisin condamné à faire exécuter les travaux nécessaires pour faire cesser le trouble.
Le fait que le désordre ne soit pas imputable à un comportement du voisin, mais à la structure et à la consistance même de ce fonds, n’a pas été considéré comme permettant de retenir une solution différente.
Il est intéressant également de noter, dans cette espèce particulière compte-tenu de l’existence d’une omission de statuer, que le point de départ de l’action a été fixé à la date du jugement contenant cette omission.
Julien PRIGENT
MUTELET-PRIGENT & ASSOCIES
Avocats à la cour d’appel de Paris