La clause d'indexation peut être, en partie seulement, réputée non écrite

Seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée étant réputée non écrite, ne peut être réputée non écrite en son entier, la clause qui prévoit un premier ajustement, illicite mais ponctuel, tenant à la prise d’effet du bail en cours d’année civile, tandis que les périodes de référence suivantes ont la même durée. Tel est l’enseignement d’un arrêt de la Cour de cassation du 29 novembre 2018 (RG n° 17-23.058).

 


  • FAITS

 

En l’espèce, le 30 novembre 2012, le locataire d’un local avait sollicité le renouvellement du bail commercial à compter du 1er janvier 2013.

 

Le principe du renouvellement acquis, les parties s’étaient opposées sur le montant du loyer du bail renouvelé.

 

Après avoir mis en demeure le bailleur, le locataire a saisi le tribunal d’une demande en restitution de l’indu fondée sur la violation, par la clause d’indexation, des dispositions de l’article L. 112-1, alinéa 2, du Code monétaire et financier

  • DÉCISION DES JUGES DU FOND

Les juges du fond ont accueilli sa demande.

 

Ils avaient dit non écrite, en son entier, la clause d’indexation du loyer en raison du fait qu’elle prévoyait une période de variation annuelle de l’indice de juillet 1999 à juillet 2000, supérieure à la durée de sept mois s’étant écoulée entre la prise d’effet du bail au 1er juin 2000 et la première révision du loyer au 1er janvier 2001.

 

Leur décision est censurée par la Cour de cassation.

  • SOLUTION POSÉE PAR LA COUR DE CASSATION

La Cour de cassation précise que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée étant réputée non écrite, ne peut être réputée non écrite en son entier, la clause qui prévoit un premier ajustement, illicite mais ponctuel, tenant à la prise d’effet du bail en cours d’année civile, tandis que les périodes de référence suivantes ont la même durée.

  • ANALYSE

L'article L. 112-1 du Code monétaire et financier dispose que "est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision".

 

Dans l'arrêt rapporté, le bail prenait effet à une date différente (1er juin) de la date prévue pour l'indexation (1er janvier).

 

En l'absence de précaution rédactionnelle, l'indexation au 1er janvier suivant la date d'effet devait s'effectuer sur une période de variation de l'indice de un an, durée supérieure à la durée écoulée entre la date d'effet du bail et la date d'indexation (sept mois).

 

Il peut toutefois être relevé que l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier vise la durée s'écoulant entre chaque révision. Il pourrait être soutenu que la première révision pourrait prévoir une période de variation de l'indice supérieure à la durée qui s'écoulée entre la date d'effet du bail et celle de la première indexation.

 

Il ressort toutefois de la décision rapportée (voir également Cass. civ. 3, 09-02-2017, n° 15-28.691, FS-P+B, estimant que la clause en entier devait être réputée non écrite) qu'il y aurait bien dans cette hypothèse une violation des dispositions de l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier.

 

L'apport essentiel de cette décision du 29 novembre 2018 concerne la portée de la sanction : ce n'est pas l'ensemble de la clause qui doit être reputée non écrite (voir, contra, Cass. civ. 3, 14 janvier 2016, n° 14-24.681, FS-P+B et Cass. civ. 3, 09-02-2017, n° 15-28.691, FS-P+B), ce qui conduirait à paralyser toute possibilité d'indexation, mais seulement la stipulation qui crée la distorsion prohibée (voir également, à propos de la clause d'indexation limitée à la hausse mais jugeant une telle clause irrégulière en son entier en considération de la volonté des parties : Cass. civ. 3, 14 janvier 2016, n° 14-24.681, FS-P+B).

 

La Cour de cassation prend soin de relever que pour les indexations suivantes, la période de variation de l'indice par rapport à celle de la révision est conforme aux prescriptions du Code monétaire et financier.

 

Julien PRIGENT

MUTELET-PRIGENT & ASSOCIES

 

Avocats à la cour d’appel de Paris

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