Création d'un bail commercial à l'issue d'un bail de courte durée : l'immatriculation du locataire n'est pas exigée

L'inscription au registre du commerce et des sociétés du locataire n'est pas nécessaire pour que s'opère à l’issue d’un bail dérogatoire, lorsque le preneur a été laissé en possession des lieux, un nouveau bail régi par le statut des baux commerciaux (Cass. civ. 3, 25-10-2018, n° 17-26.126, F-P+B+I).


FAITS

 

  • 15 février 2004 : conclusion d'un bail dérogatoire portant sur un local commercial pour une durée de vingt-trois mois à compter du 15 février 2004

    Le locataire s'était engagé, à peine de caducité du contrat, à fournir une attestation de son inscription au registre du commerce et des sociétés dans un délai de deux mois suivant la prise d'effet du bail.
  • 1er février 2006, 1er février 2008 et 1er  février 2010 : conclusion d'autres baux dérogatoires de même durée.
  • Le 6 août 2013, le locataire, laissé en possession des lieux loués, a assigné le bailleur aux fins de voir constater qu'il était titulaire d'un bail commercial d'une durée de neuf années ayant commencé le 1er février 2006.

 

Le bailleur s'est opposé à cette demande au motif que le locataire non immatriculé au registre du commerce et des sociétés ne pouvait invoquer la création d'un bail commercial à l'issue d'un bail dérogatoire.

 

OBSERVATIONS

 

Aux termes de l'article L. 145-5 du Code de commerce, "les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux. Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail [...]" soumis au statut des baux commerciaux.

 

Dans l'arrêt rapporté, le locataire était resté et avait été laissé en possession des lieux à l'issue du premier bail dérogatoire et de nouveaux baux dérogatoires avaient été conclus.

 

Il s'était en conséquence opéré, en principe, un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux.

 

Si l'article L. 145-1 du Code de commerce dispose que le statut des baux commerciaux s'appliquent "aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés", la Cour de cassation avait déjà précisé que la demande du preneur qui invoque la création d'un bail commercial à l'issue d'un bail dérogatoire ne pouvait être rejetée au motif qu'il ne serait pas immatriculé car ce serait "ajouter à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas" (Cass. civ. 3, 30-04-1997, n° 94-16.158).

 

Elle confirme cette solution dans l'arrêt rapporté.

 

Julien PRIGENT

Avocat - Paris

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