
L'action en fixation du loyer en renouvellement du locataire est prescrite dès lors, qu'à la suite d'une demande de renouvellement, il a notifié son mémoire en demande plus de deux ans
après la date d'effet du bail renouvelé (Cass.
civ. 3, 20 octobre 2016, n° 15-19.940, FS-P+B) (1).
I. Les faits et la procédure
En l’espèce, dans le cadre d’un bail à usage commercial qui expirait le 1er avril 2006, le locataire avait adressé le 2 octobre 2009 au bailleur une demande de renouvellement moyennant un certain
loyer.
Par acte d’huissier de justice du 2 novembre 2009, le bailleur lui avait reproché diverses infractions. Il l’avait également mis en demeure de mettre fin à ces infractions dans le délai d’un mois et l’avait informé qu’à défaut, il s’en prévaudrait comme motif grave et légitime de refus de renouvellement du bail.
Le 21 février 2012, le preneur avait saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du prix du bail renouvelé.
Les juges du fond ayant déclaré l’action prescrite, le locataire s’est pourvu en cassation.
II. La demande de renouvellement du bail commercial et le loyer en renouvellement
Le locataire qui souhaite obtenir le renouvellement de son bail commercial peut adresser au bailleur une demande de renouvellement (C. com., art. L. 145-10, al. 1).
Le bailleur qui entend refuser le renouvellement doit exprimer ce refus dans les trois mois. A défaut, il est réputé avoir accepté le principe du renouvellement (C. com., art. L. 145-10, al. 4),
renouvellement qu’il peut également accepter de manière expresse dans ce délai.
L’acceptation par le bailleur du principe du renouvellement ne fait pas obstacle à ce que le bailleur demande la fixation judiciaire d’un nouveau loyer (Cass. civ. 3, 04-05-2011, n° 10-15.473, FS-P+B, Bull. civ. III, n° 65, Loyers et copr. 2011, comm. n° 218) ou exerce ultérieurement son droit d’option (Cass. civ. 3, 16 septembre 2015, n° 14-20.461, FS-P+B, Hebdo édition affaires n°438 du 1 octobre 2015). En l’absence d’accord sur le montant du loyer en renouvellement, il appartiendra à la partie qui y a intérêt de faire judiciairement fixer le loyer.
A défaut de fixation judiciaire du loyer en renouvellement, le bail se renouvellera au prix du bail qui a pris fin (Cass. civ. 3, 08-07-1980, n° 79-11.079, Rev. loyers 1980, p. 451), notamment en
cas de prescription de l’action en fixation du loyer (Cass. civ. 3, 08-03-2011, n° 10-12.048, F-D, AJDI 2011, p. 525, note J.-P. Blatter), ce que confirme indirectement l’arrêt rapporté.
III. La prescription de l’action en fixation du loyer en renouvellement
L’action en fixation du loyer en renouvellement est soumise au délai de prescription de deux années de l’article L. 145-60 du Code de commerce.
1) Le point de départ du délai de prescription
En l’état actuel de la jurisprudence, en cas de congé avec offre de renouvellement, le délai court à compter de la date de prise d’effet du nouveau bail (voir par exemple, Cass. civ. 3,
08-01-1997, n° 95-12.060, Bull. civ. III, n° 7, AJPI 1997, p. 560, note J.-P. Blatter).
Lorsque le renouvellement procède d’une demande de renouvellement, le délai de prescription court à compter, soit de la date de prise d’effet du nouveau bail si l’acceptation du principe du
renouvellement par le bailleur est intervenue avant (Cass. civ. 3, 30-06-2004, n° 03-10.661, Bull. civ. III, n° 136, Rev. loyers 2004, p. 575, note J. Prigent, AJDI 2005, p. 129, obs. J.-P.
Blatter), soit à compter de la date de cette acceptation si elle est postérieure (Cass. civ. 3, 29-11-2006, n° 05-19.736, Bull. civ. III, n° 238, Rev. loyers 2007/874, n° 478, note J. Prigent,
Loyers et copr. 2007, comm. n° 80 et étude n° 5, Ph.-H. Brault, AJDI 2007, p. 385, note J.-P. Blatter).
Dans l’arrêt rapporté, la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir jugé l’action en renouvellement prescrite au motif que le mémoire en fixation du loyer, interruptif de prescription
(décret n° 53-960, du 30-09-1953, art. 33), avait été notifié plus de deux ans après la date du renouvellement, sans distinction.
En l’espèce, la demande de renouvellement avait été notifiée, en cours de tacite prolongation, le 2 octobre 2009 et le bail renouvelé devait en conséquence prendre effet le 1er jour du trimestre
civil qui suivait cette date (C. com., art. L. 145-10), soit le 1er janvier 2010.
En réaction à la demande de renouvellement, et selon le moyen annexé au pourvoi, le bailleur avait signifié au locataire, le 2 novembre 2009, un acte dans lequel il lui reprochait diverses
infractions et le mettait en demeure d’y remédier à peine de s’en prévaloir comme motif grave et légitime de refus de renouvellement (C. com., art. L. 145-17).
La cour d’appel avait estimé que le bailleur n’avait pas fait connaître ses intentions dans le délai de trois mois et qu’en conséquence, il devait être réputé avoir accepté le principe du renouvellement en application des dispositions de l’article L. 145-10 du Code de commerce. Une acceptation tacite était donc intervenue, selon la cour d’appel, le 2 janvier 2010.
Le délai de prescription, selon la jurisprudence actuelle, aurait dû courir à compter du 2 janvier 2010 et non à compter de la date de prise d’effet du nouveau bail, soit le 1er janvier 2016. En tout état de cause, la prescription était acquise car le mémoire interruptif de prescription avait été notifié le 21 février 2012.
Il est difficile toutefois d’affirmer que cette décision constituerait une modification de la jurisprudence antérieure sur le point de départ du délai de prescription de l’action en fixation du
loyer en renouvellement car le pourvoi ne portait pas directement sur cette question.
2) La suspension du délai de prescription en cas de contestation du droit au renouvellement ?
Ce qui, au regard de la prescription, aurait peut-être pu soulever une difficulté c’est le fait que le bailleur avait initialement contesté le droit au renouvellement du preneur puisqu’il l’avait mis en demeure de remédier à des infractions à peine de refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes.
Or, la suspension du délai de prescription peut être admise lorsqu’un droit est subordonné à la solution d’une action en cours dès lors qu’est caractérisée une impossibilité d’agir.
Ainsi, il a été jugé qu’en présence d’une action en validation de congé sans offre de renouvellement, déclaré nul à l'issue de cette procédure, le délai de prescription de l'action en fixation du
loyer a été suspendu puisque le bailleur était dépourvu d'intérêt à l'introduire, l'action en validité du congé sans offre de renouvellement retardant celle en fixation de loyer (CA Paris, 5, 3,
11-01-2012, n° 09/17668). Ne caractérise toutefois pas pour le locataire une impossibilité d’agir en fixation du loyer en renouvellement, la dénégation du droit au renouvellement lorsque le
bailleur offre subsidiairement ce dernier (Cass. civ. 3, 04-07-2012, n° 11-13.868, FS-P+B). Dans l’arrêt rapporté, il aurait été difficile de soutenir que le locataire était dans l’impossibilité
d’agir.
IV. Les conséquences de la prescription de l’action en fixation du loyer en renouvellement
Le pourvoi ne portait pas sur l’existence même d’une prescription, mais sur ses conséquences.
Le preneur soutenait en effet qu’elle ne pouvait lui être opposée car il aurait appartenu au bailleur, en désaccord sur le prix qu’il proposait, de saisir le juge des loyers.
Un tel argument ne pouvait pas prospérer et il est d’ailleurs difficile d’en trouver le fondement.
Le locataire visait les dispositions de l’article L. 145-10 du Code de commerce, qui instituent le mécanisme de la demande de renouvellement et l’acceptation tacite de ce dernier, en son principe seulement, à défaut de réponse du bailleur dans le délai de trois mois.
Il visait également l’article L. 145-11 du Code de commerce qui dispose que « le bailleur qui, sans être opposé au principe du renouvellement, désire obtenir une modification du prix du bail doit, dans le congé prévu à l'article L. 145-9 ou dans la réponse à la demande de renouvellement prévue à l'article L. 145-10, faire connaître le loyer qu'il propose, faute de quoi le nouveau prix n'est dû qu'à compter de la demande qui en est faite ultérieurement suivant des modalités définies par décret en Conseil d'Etat ».
Ce texte porte sur la date d’effet du prix du bail renouvelé lorsque le bailleur souhaite sa modification. A contrario, il signifie que le bailleur peut ne pas souhaiter la modification du prix. Ce texte ne permet pas de soutenir qu’en présence d’une demande de renouvellement avec offre d’un nouveau prix, seul le locataire serait fondé à soulever la prescription de l’action en fixation du loyer en renouvellement.
La thèse du locataire ne pouvait qu’être rejetée par la Cour de cassation, rien ne permettant de soutenir que lorsque le preneur propose un nouveau loyer, il appartiendrait au bailleur de saisir
le juge des loyers alors qu’à défaut d’accord sur le montant des loyers, le bail se renouvelle au prix du précédent bail et que le bailleur peut souhaiter ne pas voir modifier le prix du loyer.
Consacrer la thèse du locataire pourrait conduire en outre à exclure toute prescription de l’action en fixation du loyer en renouvellement, ce qui n’est pas admissible.
Julien PRIGENT
Avocat - Paris
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(1) Commentaire publié in Lexbase Hebdo édition affaires n°485 du 27 octobre 2016