
Le locataire qui a effectué des travaux incombant en principe au bailleur peut en obtenir le remboursement auprès de ce dernier, même s’il n’a pas obtenu son autorisation ou une autorisation judiciaire, en cas d’urgence (CA Douai, 12-05-2016, n° 13/04856).
En l’espèce, le preneur de locaux à usage commercial avait obtenu un permis de construire. Avec l'autorisation du bailleur et une délibération positive de l'assemblée générale des copropriétaires, il avait fait procéder aux travaux.
Au cours de ces derniers, avait été constaté un état très dégradé de la structure de l’immeuble. Un expert judiciaire avait précisé que ces dommages étaient le résultat d'un défaut d'entretien aux origines lointaines, antérieur à l'arrivée du preneur au bail, et dont les travaux en résultant auraient dû être supportés par les propriétaires. Le coût des travaux avait été évalué par l’expert. Le locataire avait fait procéder à ces travaux puis avait assigné le bailleur et le syndicat de copropriétaires aux fins d'en obtenir le remboursement.
Le bailleur soutenait que le locataire ne pouvait obtenir le remboursement des travaux qu'il a exécutés dès lors qu'il n'avait obtenu à ce titre aucune autorisation de sa part, ni une autorisation judiciaire.
Il se fondait sur les dispositions de l’article 1144 du Code civil aux termes desquelles « le créancier peut aussi, en cas d'inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l'obligation aux dépens du débiteur. Celui-ci peut être condamné à faire l'avance des sommes nécessaires à cette exécution ».
Sur le fondement de ce texte, la Cour de cassation a en effet précisé que « sauf urgence, le bailleur ne doit rembourser au preneur les travaux dont il est tenu que s'il a été préalablement mis en demeure de les réaliser et, qu'à défaut d'accord, le preneur a obtenu une autorisation judiciaire de se substituer à lui » (Cass. civ. 3, 23-05-2013, n° 11-29.011, FS-P+B).
La cour a estimé qu’en l’espèce, l’urgence, exonérant le locataire d’obtenir une autorisation du bailleur ou judiciaire, était caractérisée en soulignant que :
- Le bailleur était présent aux opérations d’expertise et qu’il a pu débattre de manière contradictoire de l’étendue et du coût des travaux nécessaires ;
- Le bailleur ne s’est pas opposé aux travaux ;
- Selon l’expert judiciaire, bien que l’immeuble ne menaçait pas ruine, les travaux étaient urgents ;
- Le recours à la procédure d'autorisation judiciaire prévue par l'article 1144 du Code civil était de nature à retarder de façon excessive la poursuite des travaux d'aménagement des locaux ;
- Au regard de l'ampleur de ces travaux et de leur coût important, l'engagement d'une procédure destinée à obtenir cette autorisation était de nature, compte tenu des dissensions propres à la gestion de la copropriété, à retarder de façon excessive l'exécution des travaux d'aménagement et à générer un préjudice économique dont le locataire n'aurait pas manqué de demander la réparation auprès du bailleurs.
Julien PRIGENT
Avocat-Paris