Bail commercial : clause d’indexation, augmentation du loyer et rejet de l’imprévision

 

Le locataire ne peut invoquer la théorie de l’imprévision pour faire judiciairement substituer à l’indice INSEE du coût de la construction choisi par les parties un autre indice, même en cas d’augmentation de l'indice INSEE du coût de la construction de manière imprévisible et démesurée entre la prise d'effet du bail et la date d'échéance de la première révision (CA Aix-en-Provence, 21-06-2016, n° 15/10056).

En l’espèce, l’action avait été introduite par une société locataire qui exploitait une résidence de tourisme. Elle avait demandé à la cour de considérer que l'augmentation de l'indice du coût de la construction de manière imprévisible et démesurée entre la prise d'effet du bail et la date d'échéance de la première révision triennale constituait un bouleversement de l'économie du contrat qui devait faire admettre pour juste l'application qu'elle a faite de la théorie de l'imprévision en substituant l'indice de référence des loyers à l'ICC.


La cour a rejeté l’argument, étant rappelé qu’en principe, la théorie de l’imprévision, selon laquelle un juge pourrait corriger un déséquilibre par la survenance de circonstances que les parties n’avaient pas prévu lors de la conclusion du contrat, n’est pas admise dans les rapports de droit privé en raison de la force obligatoire des contrats (C. civ., art. 1134) : « il n'appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse leur  paraître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants » (Civ. 6 mars 1876, D. 76.1.193, note Giboulot).


Il peut être noté que la réforme du droit des obligations (ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations) a introduit un mécanisme permettant de lutter contre l’imprévision.

 

Le nouvel article 1195 du Code civil dispose que :

 

« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.


En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe ».

 

Les dispositions issues de l’ordonnance d 10 février 2016 entrent en vigueur le 1er octobre 2016 et les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne (article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations). Il est prévu des exceptions (dispositions applicables dès l’entrée en vigueur de l’ordonnance) parmi lesquelles ne figurent pas le nouvel article 1195 du Code de civil.

Julien PRIGENT

Avocat-Paris