Action en réduction du prix de vente en raison d’une superficie moindre (article 46 de la loi du 10 juillet 1965) : interruption du délai pour agir par l’assign

Le délai d'un an prévu par l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 pour engager l'action en diminution du prix de vente est interrompu par l'assignation en référé expertise (Cass. civ. 3, 12-11-2015, n° 14-18.390, FS-P+B).

 

En l’espèce, par acte authentique du 20 mars 2007, l’acte de vente de lots de copropriété mentionnait une superficie « loi Carrez » de 490,14 m2. Par acte du 28 juin 2007, l’acquéreur avait saisi le juge des référés d'une demande de désignation d'expert avec mission d'établir la surface de l'ensemble des lots vendus. Une ordonnance du 10 octobre 2007 avait accueilli la demande. Par acte du 17 septembre 2008, l’acheteur a assigné le vendeur en diminution du prix. L’action avait été déclarée irrecevable par les juges du fond au motif qu’elle avait été intentée plus d'un an après la date de l'acte authentique ayant constaté la réalisation de la vente et qu'elle était frappée de déchéance. L’acheteur a formé un pourvoi en cassation.

 

Aux termes de l’article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis :

  • Toute promesse unilatérale de vente ou d'achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d'un lot ou d'une fraction de lot mentionne la superficie de la partie privative de ce lot ou de cette fraction de lot ;
  • Si la superficie est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans l'acte, le vendeur, à la demande de l'acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure ;
  • L'action en diminution du prix doit être intentée par l'acquéreur dans un délai d'un an à compter de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente, à peine de déchéance.

L’article 46 de la loi du 10 juillet 1965 ne précise pas si le délai d’un an est un délai de prescription susceptible ou non d’interruption et/ou de suspension.

 

Il avait été jugé que les dispositions de l’article 2246 du Code civil, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits (« la citation en justice, donnée même devant un juge incompétent, interrompt la prescription ») étaient applicable à l’assignation en réduction proportionnelle du prix de vente délivrée devant un tribunal incompétent (Chbre mixte, 24-11-2006, n° 04-18.610, P+B+R+I). La Cour de cassation avait pris le soin de préciser que ces dispositions de l’article 2246 du Code civil étaient applicables « à tous les délais pour agir et à tous les cas d'incompétence » et il ne pouvait en être déduit que le délai d’un an vise à l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965 était un délai de prescription.

 

Dans l’arrêt rapporté, la question était posée de savoir si l’assignation en référé expertise avait interrompu ce délai.

 

En principe, l’assignation en référé expertise interrompt le délai de prescription et les délais pour agir aux termes de l’article 2244 du Code civil dans sa rédaction applicable à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt rapporté («  une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ». L’article 2241 du Code civil dispose désormais que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion »).

 

Dès lors que l’article 2244 du Code civil vise les délais pour agir, il pouvait être soutenu que le délai auquel est soumis l’action réduction proportionnelle du prix de vente avait été interrompu.

 

C’est en ce sens que se prononce la Cour de cassation au visa de l’ancien article 2244 en affirmant que « le délai d'un an prévu par l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 pour engager l'action en diminution du prix de vente avait été interrompu par l'assignation en référé expertise ».

 

La question se pose de savoir si une solution identique serait retenue en application des dispositions relatives à la prescription dans leur rédaction issues de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile et si notamment, le délai serait suspendu par une mesure d’expertise (C. civ., art. 2239) (voir sur ce dernier point Vente : action en réduction du prix pour une surface moindre, délai d’action et interruption de la forclusion).

 

Julien PRIGENT

Avocat - Paris