
La restitution du dépôt de garantie consécutive à la nullité d'un bail commercial ne constituant pas en soi un préjudice indemnisable, le notaire, garant subsidiaire de la restitution envers la seule partie qui en est créancière, en cas de défaillance avérée de celle qui en est débitrice, ne peut être condamné à en garantir le bailleur, celui-ci fût-il insolvable (Cass. civ. 1, 28-10-2015, n° 14-17.518, F-P+B).
En l’espèce, le cessionnaire du droit au bail portant sur un local à usage mixte, exerçant une activité de parfumeur, s'est vu consentir par le propriétaire un nouveau bail, exclusivement commercial, suivant acte authentique reçu le 4 mars 2008. Le 16 février 2011, le cessionnaire, soutenant que cet acte contrevenait aux prescriptions d'ordre public de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, dès lors que le changement d'affectation conventionnel des locaux d'habitation n'avait pas été précédé d'une autorisation administrative, a assigné en nullité le bailleur, qui a appelé le notaire en garantie.
Les juges du fond ont prononcé la nullité du bail notarié par application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.
Il doit être rappelé en effet que, aux termes de ce texte, dans certaines communes, "le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable" et que "sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article".
L'autorisation de changement d'usage, si elle est nécessaire, doit "être obtenue, par le propriétaire, préalablement à la signature du bail" (Cass. civ. 3, 10-06-2015, n° 14-15.961, FS-P+B).
Si le bailleur ne permet pas au preneur d'exercer son activité en raison de la violation de l'interdiction du changement d'usage, il engage sa responsabilité à l'égard du preneur qui peut obtenir sa condamnation à lui régler des dommages et intérêts en raison du préjudice subi (Cass. civ. 3, 19-01-2000, n° 98-13.194).
Le rédacteur d'un bail (agent immobilier, notaire, avocat, etc.) conclu au mépris de la règle de l'interdiction du changement d'usage engage également sa responsabilité à l'égard du bailleur et du preneur (Cass. civ. 1, 25-01-1989, n° 87-12.838).
Dans l'arrêt rapporté, la question posée était celle de l'étendue de la garantie du rédacteur de l'acte.
Le bailleur avait été condamné à restituer au locataire une certaine somme au titre du dépôt de garantie versé en exécution de ce bail. Le notaire, condamné à garantir le bailleur de l'ensemble des condamnations consécutives à cette annulation, s’est pourvu en cassation.
La Cour de cassation a censuré l’arrêt objet du pourvoi mais seulement en ce qu'il condamnait le notaire à garantir le bailleur de la condamnation au paiement du dépôt de garantie.
La Haute cour précise en effet que la restitution du dépôt de garantie consécutive à la nullité d'un bail commercial ne constituant pas en soi un préjudice indemnisable, le notaire, garant subsidiaire de la restitution envers la seule partie qui en est créancière, en cas de défaillance avérée de celle qui en est débitrice, ne peut être condamné à en garantir le bailleur, celui-ci fût-il insolvable.
Julien PRIGENT
Avocat - Paris