Bail commercial, subrogation du bailleur et droits du locataire (créances de travaux)

Le locataire peut toujours agir à l’encontre du propriétaire même si ce dernier s’est subrogé un tiers dans ses droits (CA Paris, 5, 3, 01-07-2015, n° 13/14008)

 

En l’espèce, suivant acte sous seing privé du 6 juin 1974, des locaux avaient été donnés à bail. Le 17 octobre 2007, la préfecture de police avait émis un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation commerciale et prescrit diverses mesures de sécurité.

La commune du lieu de situation du bien, exerçant son droit de préemption, avait fait l'acquisition de l'immeuble, en novembre 2007. Désireuse de faire réaliser un programme de construction de logements sociaux nécessitant la démolition préalable de l'immeuble existant et l'éviction du locataire, elle avait consenti à une société immobilière d'économie mixte un bail emphytéotique par lequel cette dernière se trouve subrogée dans ses droits de bailleresse.

Le preneur a ensuite assigné le propriétaire et le preneur du bail emphytéotique en remboursement de travaux touchant les dispositions constructives de l'immeuble.

 

La question se posait de savoir si le locataire pouvait agir à l’encontre du propriétaire de l’immeuble (la commune) alors que ce dernier avait subrogé le preneur du bail emphytéotique (la société d’économie mixte) dans ses droits.

 

La cour d’appel a refusé de mettre hors de cause le propriétaire au motif que « la délégation imparfaite contractée entre la commune et la société d’économie mixte ne produit d'effet qu'entre les parties au contrat et ne peut, en la cause, être opposée au créancier », soit le locataire du bail commercial.

 

L'article 1275 du Code civil dispose en effet que la délégation par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s'oblige envers le créancier, n'opère point de novation, si le créancier n'a expressément déclaré qu'il entendait décharger son débiteur qui a fait la délégation.

 

La demande de mise hors de cause de la commune a donc été jugée mal fondée et elle a été condamnée, aux côtés du preneur du bail emphytéotique, à rembourser le locataire des travaux qu’il avait fait effectuer alors qu’ils incombaient au bailleur (travaux de mise aux normes à défaut de clause transférant la charge de ces travaux au preneur).

 

Julien PRIGENT

Avocat - Paris