
La clause qui se réfère au texte réglementaire, au principe et aux modalités d'application de la révision triennale et de variation indiciaire, sans indication d'une prise d'effet automatique ou de plein droit n’est pas une clause d'échelle mobile ni d'indexation distincte de la révision triennale légale (Cass. civ. 3, 09-06-2015, n°14-13.555, F-D).
Faits : En l’espèce, des locaux, à usage commercial avaient été donnés à bail à compter du 1er janvier 2003. Le 23 avril 2010, la SCI Mer sol a délivré au preneur un commandement de payer, visant la clause résolutoire. Le locataire a contesté le montant des loyers appelés au commandement, estimant que ces derniers avaient été indexés tort.
Observations : Il est fréquent que les baux contiennent des clauses dites de révision qui se contentent de renvoyer aux règles légales de la révision. Ces clauses doivent être distinguées des clauses d’indexation. La révision légale est régie par les dispositions des articles L. 145-37, L. 145-38 et L. 145-39 du Code de commerce.
Le premier de ces textes prévoit que les loyers des baux soumis au statut des baux commerciaux « peuvent être révisés à la demande de l'une ou de l'autre des parties sous les réserves prévues aux articles L. 145-38 et L. 145-39 et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ».
L’article L. 145-38 du Code de commerce accorde aux parties la possibilité de solliciter la révision du loyer tous les trois ans, tandis que l’article L. 145-39 du Code de commerce permet la révision du loyer lorsque ce dernier a varié de plus de 25 % par l’effet d’une clause d’indexation. Dans l’un et l’autre cas, la partie qui sollicite la révision doit en faire la demande par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire, le nouveau loyer ne prenant effet qu’à compter de cette demande (C. com., art. R. 145-20 [LXB=L0050HZU]).
A défaut d’accord des parties sur le montant du loyer révisé, ce dernier pourra être judiciairement fixé (C. com., art. R. 145-20).
La révision des loyers telle qu’elle est prévue par le statut des baux commerciaux n’a donc rien d’automatique. Elle suppose tout d’abord que l’une des parties ait notifié une demande de révision. Ensuite, à défaut d’accord des parties sur le montant du loyer révisé, ce dernier ne sera fixé que si le juge est saisi à cette fin.
La clause d’indexation correspond à un mécanisme totalement différence. Il s’agit de la clause par laquelle les parties prévoient que le montant du loyer évoluera à proportion de l’évolution d’un indice choisi sur une période déterminée. La clause d’indexation est strictement réglementée (C. mon. fin., art. L. 112-1 et C. mon. fin., art. L. 112-2).
La clause d’indexation se différencie de la révision légale en ce que, d’une part, la première entraîne une variation automatique du loyer, sans avoir à respecter un formalisme particulier (sauf celui que les parties auraient pu prévoir). L’automaticité (Cass. civ. 3, 20-07-1994, n° 92-19.218, Société électronique ménager ameublement (SABEMA) c/ société Castorama) de la variation du loyer, qui s’applique sans avoir à être demandée (Cass. civ. 3, 05-02-1992, n° 89-20.378, société d''exploitation hôtelière ''Hôtel de France'', société anonyme c/ société à responsabilité limitée Sofidal, société foncière) caractérise clause d’indexation.
D’autre part, le montant du loyer résultant de l’indexation est mathématiquement déterminable puisqu’il correspond à l’application au loyer en cours du coefficient de variation de l’indice choisi sur une période déterminée. Le loyer issu de la révision légale doit en revanche être fixé en principe au montant de la valeur locative en fonction des critères légaux (C. com., art. L. 145-33), même si le loyer révisé peut être plafonné à la hausse ou à la baisse (C. com., art. L. 145-38). La confusion a pu naître parfois du fait que le loyer révisé est plafonné en fonction de l’évolution d’indices (C. com., art. L. 145-38) servant également à calculer le loyer plafond.
Dans l’arrêt rapporté, le litige portait sur la question de savoir si la clause de révision du bail était ou non une clause d’indexation, permettant au bailleur d’appeler des loyers augmentés, ou bien si cette clause ne faisait que renvoyer aux règles de la révision légale, auquel le loyer ne pourrait avoir augmenté qu’à la condition qu’une demande préalable ait été formée et que le loyer révisé ait été fixé, amiablement ou judiciairement.
La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir décidé que la clause litigieuse n’était pas une clause d’indexation en raison du fait qu’elle ne comportait pas d’indication sur une prise d'effet automatique ou de plein droit de la modification du loyer.
La clause n’est pas reproduite dans l’arrêt rapporté.
Il convient, afin de lever toute ambiguïté, de prévoir expressément dans la clause d’indexation que la modification du loyer sera automatique. Il a été en effet par exemple jugé, bien que la décision puisse être critiquable, encore qu’elle pouvait s’expliquer au regard des faits de l’espèce, que la clause qui stipule que « le loyer sera révisé de plein droit tous les trois ans, proportionnellement à la variation de l'indice du coût de la construction (base 100 en 1953) publié par L'INSEE » n’était pas une clause d’indexation au motif que « il n'est pas expressément fait référence au caractère automatique de la révision du loyer, l'utilisation du futur pour la rédaction de la clause et de l'expression « de plein droit » ne permettant pas d'en lever le caractère ambigu en ce que sa rédaction rappelle celle de l'article L.145-38, notamment par l'utilisation du terme « révision» et non de celui d'indexation » (CA Aix-en-Provence, 08-04-2014, n° 12/04125).
Julien PRIGENT
Avocat - Paris