Bail commercial, clause d’indexation, période de variation de l’indice

Doit être réputée non écrite la clause d’indexation d’un bail qui prévoit la prise en compte d’une période de variation de l'indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision. Le juge ne peut substituer à cette clause irrégulière une autre clause dès lors qu’il ne lui appartient pas d’ajouter, à la charge de l’une ou l’autre des parties, une obligation qui n’a pas fait l’objet d’un accord entre elles (CA Rouen, 02-07-2015, n° 14/02193).

En l’espèce, par acte du 30 septembre 2012, le propriétaire d'un bien immobilier donné à bail commercial a assigné son locataire en demandant, au visa de la clause d'indexation figurant au contrat de bail en date du 24 mars 1999, le paiement de de sommes à titre de réévaluation du loyer pour les années 2007, 2008, et 2009. Le locataire a sollicité le rejet de cette demande au motif que la clause d’indexation serait contraire aux dispositions de l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier.

 

La clause d’indexation était rédigée comme suit :

 

« Indexation

Les parties conviennent à titre de condition essentielle et déterminante, d'indexer ce loyer sur l'indice national du coût de la construction publié par l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques, et de lui faire subir une fois tous les trois ans les mêmes variations d'augmentation ou de diminution.

 

A cet effet, le réajustement s'effectuera à l'expiration de chaque période triennale à la date anniversaire des présentes. Le nouveau montant applicable 'au terme' de l'année civile à courir sera calculé au moyen d'une règle proportionnelle ayant pour données :

 

1. le montant du loyer initial,

2. l'indice ayant servi à établir ce montant,

3. et l'indice du trimestre anniversaire précédant immédiatement la révision.

 

Il est ici précisé, à cet égard, que le montant initial du loyer ci-dessus fixé a été déterminé en prenant pour base l'indice du troisième trimestre 1998, qui s'est élevé à 1057. Ce montant restera en vigueur pendant toute l'année en cours ».

 

L’article L. 112-1 du Code monétaire et financier dispose que :

« Est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision ».

 

La cour a estimé que la clause d’indexation conduisait à prendre en compte une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision au motif suivant :

 

« de ces dispositions contractuelles, il ressort qu'alors que la période de variation de l'indice comprise entre l'année 1998, retenue comme point de départ du calcul de la révision (1er trimestre 1998) et l'année 2005, fin de la seconde période triennale du contrat de bail, est de 7 ans, la durée s'écoulant entre deux révisions, telle que prévue au contrat de bail, est de trois ans ».

 

Toutefois, la Cour de cassation a retenu la validité des indices de base ou de référence fixe (Cass. civ. 3, 03-12-2014, n° 13-25.034, FS-P+B+R). Or, dans cette hypothèse, la période de variation de l’indice sera a priori supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision dès la deuxième indexation. Cependant, dès lors que le loyer pris en compte pour appliquer la proportion de variation de l’indice est le loyer initial, la période de variation de l’indice pourra en réalité être identique à celle du loyer.

 

Ainsi, si lors de la deuxième indexation prévue pour s’appliquer tous les trois ans comme dans l’arrêt rapporté, la période de variation de l’indice sera de six ans, l’indexation sera valable si le loyer auquel est appliqué la variation de l’indice est le loyer initial puisque la modification interviendra donc, pour l’indexation considérée, sur une période de six ans. Ce qui créerait la distorsion prohibée, par exemple, ce serait d’appliquer la variation de l’indice sur six ans au loyer augmenté à l’issue de la précédente indexation.

 

Ce qui a pu conduire la cour à considérer que la clause d’indexation était irrégulière, c’est le fait que la période de variation de l’indice était selon elle de sept ans lors de la deuxième indexation, alors qu’elle aurait dû être de six ans.

 

L’arrêt rapporté précise également, le bailleur ayant sollicité à titre subsidiaire que le juge prévoit la révision à l’avenir du loyer, que le juge ne peut substituer à cette clause irrégulière une autre clause dès lors qu’il ne lui appartient pas d’ajouter, à la charge de l’une ou l’autre des parties, une obligation qui n’a pas fait l’objet d’un accord entre elles.

 

Julien PRIGENT

Avocat - Paris