
Le délai auquel est soumis l’action en diminution du prix de vente d’un lot de copropriété pour une surface moindre est un délai de forclusion : s’il est interrompu par une demande d’expertise judiciaire, en revanche, il n’est pas suspendu le temps de l’expertise (CA Paris, 4, 1, 21-05-2015, n° 11/01982).
En l’espèce, un acte authentique de vente portant sur un lot de copropriété avait été conclu le 17 avril 2008. Le 8 décembre 2008, soutenant que le lot vendu n'avait pas la superficie de 260,90 mètre carrés comme mentionné dans l'acte de vente suivant le certificat de mesurage du 24 septembre 2007, mais que sa surface était inférieure de plus de 5% pour inclure celle de la cave de 31,30 mètres carrés, l’acquéreur a assigné le vendeur et le mesureur, sur le fondement de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965, devant le juge des référés en désignation d'un constatant, aux fins de décrire la cave, et d'un géomètre-expert, aux fins de mesurer le bien vendu. Par ordonnance du 9 janvier 2009, un expert judiciaire a été désigné. Ce dernier a déposé son rapport le 25 octobre 2010. Par acte du 1er février 2011, l’acquéreur a assigné son vendeur devant le tribunal de grande instance en diminution du prix.
Le tribunal de grande instance a jugé la demande irrecevable. Le jugement a été confirmé par la cour d’appel.
Aux termes de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965, dernier alinéa, « l'action en diminution du prix doit être intentée par l'acquéreur dans un délai d'un an à compter de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente, à peine de déchéance ».
La cour d’appel en conclut que cette sanction (la déchéance), expressément prévue par le législateur, lui confère la nature d'une forclusion, l'article 46 précité n'étant qu'un cas spécial d'application légal au lot de copropriété de l'action en diminution de prix prévue par l'article 1622 du Code Civil enfermée dans le même délai lequel est un délai préfix.
Ce délai de forclusion d'un an courant à compter de l'acte authentique du 17 avril 2008 a bien été interrompu par la demande en diminution du prix introduite devant le juge des référés le 8 décembre 2008. L’article 2241 du Code civil dispose en effet que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ».
L’interruption dure le temps de l’instance (C. civ. art. 2242) qui s'est achevée par l'ordonnance du 9 janvier 2009 selon une solution jurisprudentielle classique.
A compter de cette dernière date, le délai d'un an, non susceptible de suspension, a couru, de sorte que l'assignation au fond du 1er février 2011 était tardive et que l'action de l’acheteur en diminution de prix, atteinte par la forclusion, est irrecevable.
Malgré la procédure d’expertise judiciaire qui a été ordonnée, il n’a pas pu être en effet fait application de l’article 2239 du Code civil qui dispose que « la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès ».
L’article 2220 du Code civil dispose en effet que « les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par le présent titre ». Or, aucune disposition ne prévoit l’application de l’article 2239 du Code civil au délai de forclusion.
Julien PRIGENT
Avocat - Paris