Réforme des baux commerciaux (loi Pinel)

Le locataire qui revendique l’application du statut des baux commerciaux doit être régulièrement immatriculé au registre du commerce et des sociétés pour les locaux concernés à la date de sa demande en justice (Cass. civ. 3, 09-06-2016, n° 15-15.416, F-D).

I. Baux dérogatoires

 

1) Allongement de la durée du ou des baux dérogatoires

 

Le nouveau texte allonge le délai du ou des baux dérogatoires successifs. Initialement fixé à deux ans, ce délai est désormais de trois ans (C. com., art. L. 145-5).

L'allongement de cette durée a été justifiée par le fait que la durée initiale de deux années n'était "pas nécessairement suffisante pour tester la rentabilité d'une activité commerciale ou artisanale, tout particulièrement dans cette période d'incertitude pour le commerce" (projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, étude d'impact, 20 août 2013).

 

2) Allongement du délai pendant lequel le maintien dans les lieux du preneur peut entraîner la création d'un bail dérogatoire

 

Dans son ancienne rédaction, l'article L. 145-5 du Code de commerce prévoyait que si à l'expiration de la durée pendant laquelle un ou des baux dérogatoires peuvent être conclus, "le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre".

A défaut de sommation notifiée au preneur avant le terme du bail dérogatoire, il s'opérait immédiatement un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux (en ce sens, Cass. civ. 3, 2 juin 2004, n° 03-13.377, F-D).

Le nouvel article L. 145-5 du Code de commerce dispose que "si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre".

 

En conséquence, et désormais, un bail soumis au statut ne devrait s'opérer que si :

  • le preneur reste en possession des lieux pendant au moins un mois après la date d'échéance du bail dérogatoire ;
  • le bailleur n'a pas notifié au preneur sa volonté de ne pas le laisser dans les lieux avant l'expiration du délai de un mois courant à compter de l'échéance du bail dérogatoire.

La date d'effet du nouveau bail semble devoir rester le jour qui suit celui de l'échéance du bail dérogatoire et non le jour suivant l'expiration du délai de un mois.

 

3) Impossibilité pour les parties de conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux

 

Le premier alinéa de l'article L. 145-5 du Code de commerce modifié comporte une nouvelle disposition selon laquelle "à l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux".

Cette précision permettrait de "clarifier utilement le fait qu'on ne peut pas conclure un nouveau bail dérogatoire lorsqu'on a épuisé la durée légalement prévue pour un bail dérogatoire ou plusieurs baux dérogatoires successifs" (Sénat, avis présenté au nom de la commission des lois sur le projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, par Mme Nicole Bonnefoy, 9 avril 2014, page 16).

La question se pose de savoir si cette précision ne condamne pas la possibilité de conclure un nouveau bail dérogatoire à l'expiration du délai prévu par l'article L. 145-5 du Code de commerce, une fois que le droit des parties de se prévaloir d'un bail commercial est né, la jurisprudence ayant reconnu la dans ce cas possibilité de renoncer à ce droit (voir, par exemple, Cass. civ. 3, 5 avril 2011, n° 10-16.456, F-D).

Par ailleurs, et puisque le nouveau texte vise expressément "le même fonds", il serait possible de conclure un nouveau bail dérogatoire entre les mêmes parties et sur le même local dès lors que l'activité serait différente. Cette interprétation est confortée par les travaux préparatoires : "on peut effectivement concevoir un bail dérogatoire conclu entre les mêmes parties après cette durée maximale en vue d’exploiter le même fonds dans un autre local appartenant au même bailleur ou en vue d’exploiter un autre fonds, la première affaire n’ayant pas prospéré, dans le même local que le premier fonds" (Sénat, avis présenté au nom de la commission des lois sur le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, Mme Nicole BONNEFOY, 9 avril 2014, page 16).

Cette nouvelle précision remet en cause la solution jurisprudentielle selon laquelle le statut des baux commerciaux s'appliquait au nouveau bail conclu entre les mêmes parties et pour les mêmes locaux, même si l'activité était différente (Cass. civ. 3, 31 mai 2012, n° 11-15.580, FS-P+B ).

Le texte prévoyait et prévoit toujours cependant que : "il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre [...] à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local".

Il existe donc une contradiction puisque ces dernières dispositions n'excluent les baux conclus entre les mêmes parties sur les mêmes locaux pour une activité différente.

 

4) Etat des lieux

 

La loi du 18 juin 2014 introduit deux nouveaux alinéas à l'article L. 145-5 du Code de commerce qui prévoient qu'en cas de conclusion d'un bail dérogatoire :

"Un état des lieux est établi lors de la prise de possession des locaux par un locataire et lors de leur restitution, contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles, et joint au contrat de location.

Si l'état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa, il est établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire".

Il n'est prévu aucune conséquence à l'absence d'état des lieux, contrairement à ce qui est prévu pour les baux soumis au statut des baux commerciaux par le nouvel article L. 145-40-1 du Code de commerce. Ce dernier comporte en effet des dispositions identiques pour ces baux, tout en précisant que "le bailleur qui n'a pas fait toutes diligences pour la réalisation de l'état des lieux ne peut invoquer la présomption de l'article 1731 du Code civil". L'article 1731 du Code civil institue une présomption, plutôt favorable au bailleur, en l'absence d'état des lieux, le preneur étant présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives et doit les rendre tels, sauf preuve contraire.

 

L'article 3, II, de la loi du 18 juin 2014 comporte des dispositions transitoires relatives à l'établissement des lieux : pour les baux conclus avant l'entrée en vigueur de cette loi, ces nouvelles dispositions s'appliquent en ce qui concerne la restitution des locaux dès lors qu'un état des lieux a été établi lors de la prise de possession.

 

5) Application dans le temps des dispositions relatives aux baux dérogatoires

 

Les nouvelles règles relatives au bail dérogatoire sont applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la loi (soit a priori à compter du 1er septembre 2014) (article 21 de la loi du 18 juin 2014), sauf les dispositions relatives à l'état des lieux (voir supra).

 

II. Les conventions d'occupation précaire

 

Un nouvel article L. 145-5-1 du Code de commerce a été créé : "n'est pas soumise au présent chapitre la convention d'occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties".

La convention d'occupation précaire doit être distinguée du bail dérogatoire, bien qu'en pratique, il n'est pas rare que ces deux types de conventions, pourtant différentes, soient confondus.

Le bail dérogatoire est un bail qui n'est pas soumis au statut des baux commerciaux car une disposition de ce dernier (C. com., art. L. 145-5) offre cette possibilité, à certaines conditions, notamment de durée.

La convention d'occupation précaire est une création prétorienne qui permet la conclusion de baux non soumis au statut des baux commerciaux parce que le bailleur n'est pas en mesure, en raison de circonstances extérieures à sa volonté, de garantir une jouissance pérenne à son locataire (voir, par exemple, Cass. civ. 3, 24 septembre 2002, n° 01-11.060 : précarité liée aux projets d'aménagement du quartier dans lequel se situaient les locaux objet de la convention comportant la démolition des bâtiments existant).

Le nouvel article L. 145-5-1 du Code de commerce "codifie la notion jurisprudentielle admise de longue date par la Cour de cassation de convention d'occupation précaire. Une telle convention vise par exemple le cas d'un local loué dans l'attente de sa démolition" (Sénat, avis présenté au nom de la commission des lois sur le projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, par Mme Nicole Boennefoy, 9 avril 2014, page 17).

Se trouve ainsi entérinée, au mot près, la solution, adoptée par la Cour de cassation en matière de convention précaire qui ne permet d'échapper à l'application du statut des baux commerciaux qu'en présence "de circonstances particulières, indépendantes de la seule volonté des parties" (Cass. civ. 3, 29 avril 2009, n° 08-13.308, FS-P+B).

 

III. Application du statut des baux commerciaux pendant la période prévue pour rétrocéder le fonds ou le bail préempté

 

L'ancien article L. 145-2, II, du Code de commerce excluait l'application du statut des baux commerciaux pendant la période impartie à la commune pour rétrocéder le bail ou le fond préempté.

L'article L. 214-1 du Code de l'urbanisme prévoit en effet la possibilité pour un conseil municipal de délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, à l'intérieur duquel sont soumises au droit de préemption les aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux, ainsi que les aliénations à titre onéreux de terrains portant ou destinés à porter des commerces d'une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés.

L'article L. 214-2 du Code de l'urbanisme prévoit que le titulaire du droit de préemption doit, dans un certain délai courant à compter de la prise d'effet de l'aliénation à titre onéreux, rétrocéder le fonds artisanal, le fonds de commerce, le bail commercial ou le terrain à une entreprise immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, en vue d'une exploitation destinée à préserver la diversité et à promouvoir le développement de l'activité commerciale et artisanale dans le périmètre concerné.

Le nouvel article L. 145-2 du Code de commerce dispose désormais que :

"En cas d'exercice du droit de préemption sur un bail commercial, un fonds artisanal ou un fonds de commerce en application du premier alinéa de l'article L. 214-2 du Code de l'urbanisme, le bail du local ou de l'immeuble demeure soumis au présent chapitre.

Le défaut d'exploitation ne peut être invoqué par le bailleur pour mettre fin au bail commercial dans le délai prévu au même article L. 214-2 pour sa rétrocession à un nouvel exploitant".

Le bail reste donc désormais soumis au statut des baux commerciaux pendant le délai prévu pour la rétrocession. Le nouveau texte précise également que le défaut d'exploitation ne peut être invoqué par le bailleur pour mettre fin au bail. Il doit être rappelé à cet égard, en l'état actuel de la jurisprudence, que le défaut d'exploitation ne peut pas entraîner la résiliation du bail en l'absence d'une clause imposant l'exploitation effective et continue du fonds dans les lieux loués (Cass. civ. 3, 10 juin 2009, deux arrêts, n° 07-18.618, FS-P+B). Le défaut d'exploitation peut, en revanche, justifier une dénégation du droit au renouvellement, le fonds devant "avoir fait l'objet d'une l'exploitation effective au cours des trois années qui ont précédé la date d'expiration du bail ou de sa prolongation" (C. com., art. L. 145-8).

Aucune disposition expresse de la loi ne prévoit les modalités d'application dans le temps de ces nouvelles dispositions.

 

IV. Limitation de la possibilité de conclure des baux à durée ferme

 

Dans sa rédaction initiale, les deux premiers alinéas de l'article L. 145-4 du Code de commerce  disposaient que :

"La durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans.

Toutefois, à défaut de convention contraire, le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, dans les formes et délai de l'article L. 145-9".

Tout en imposant une durée minimale de neuf ans au bail soumis au statut des baux commerciaux, ce texte accorde au preneur la possibilité d'y mettre fin avant le terme contractuel, à l'expiration de chaque période triennale.

Dans son ancienne rédaction, l'article L. 145-4 du Code de commerce prévoyait qu'il était possible pour le preneur de renoncer dès la conclusion du bail à sa faculté de résiliation triennale puisque cette dernière lui était reconnue "à défaut de convention contraire".

Le nouvel article L. 145-4 du Code de commerce dispose désormais que :

"La durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans.

Toutefois, le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, dans les formes et délai de l'article L. 145-9. Les baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans, les baux des locaux construits en vue d'une seule utilisation, les baux des locaux à usage exclusif de bureaux et ceux des locaux de stockage mentionnés au 3° du III de l'article 231 ter du Code général des impôts peuvent comporter des stipulations contraires".

Les termes "à défaut de convention contraire" ont été supprimés.

Dans la mesure où les dispositions de l'article L. 145-4 sont impératives (C. com., art. L. 145-15), les parties ne pourront plus, en principe, faire renoncer le preneur à sa faculté de résiliation triennale.

Toutefois, le nouveau texte prévoit la possibilité de déroger ("des stipulations contraires") à la faculté pour le preneur de résilier le bail à l'expiration d'une période triennale lorsque le bail :

  • a une durée contractuelle initiale supérieure à neuf ans ;
  • porte sur des locaux construits en vue d'une seule utilisation (locaux monovalents) ;
  • porte sur des locaux à usage exclusif de bureaux ;
  • porte sur des locaux de stockage mentionnés au 3°du III de l'article 231 ter du Code général des impôts ("locaux ou aires couvertes destinés à l'entreposage de produits, de marchandises ou de biens et qui ne sont pas intégrés topographiquement à un établissement de production").

La loi du 18 juin 2014 ne prévoit pas l'application dans le temps de ces nouvelles dispositions.

 

V. Possibilité pour les ayants-droit du preneur décéder de résilier le bail de manière anticipée

 

L'article L. 145-4 du Code de commerce a été modifié afin de permettre aux ayants-droit du preneur décédé de mettre fin au bail de manière anticipée.

Cette faculté peut être exercée pour les baux en cours dès lors que la succession aura été ouverte postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014 (article 21 de la loi).

 

VI. Forme du congé

 

L'ancien article L. 145-9 du Code de commerce imposait que le congé soit délivré par acte extrajudiciaire. A défaut, et en principe, il ne produisait aucun effet. Désormais, le congé peut être délivré par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (C. com. nouvel art. L. 145-9).

Cette modification répondrait à un souci de simplification. Elle risque au contraire de susciter des difficultés et il reste préconisé, compte-tenu des enjeux, de recourir à l'acte d'huissier de justice.

Par ailleurs, la demande de renouvellement du preneur ou la réponse du bailleur à cette demande doit toujours être notifiée par acte extrajudiciaire (C. com., art. L. 145-10 et L. 145-11).

 

VII. Condition du droit au renouvellement

 

La loi du 18 juin 2014 a abrogé l'article L. 145-13 du Code de commerce.

Ce texte subordonnait la possibilité d'invoquer le bénéfice du statut des baux commerciaux à la nationalité française du preneur. Il prévoyait cependant de nombreuses exceptions.

Il avait été jugé que cet article "en ce qu'il subordonne, sans justification d'un motif d'intérêt général, le droit au renouvellement du bail commercial, protégé par l'article 1er du 1er protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, à une condition de nationalité, constitue une discrimination prohibée par l'article 14 de cette même Convention" (Cass. civ. 3, 9 novembre 2011, n° 10-30.291, FS-P+B+R+I, nos obs. La condition du droit au renouvellement liée à la nationalité du preneur est contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, Lexbase Hebdo n° 275 du 1er décembre 2011 - édition affaires).

La loi du 18 juin 2014 tire les conséquences de cette contrariété de ces dispositions à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

 

VIII. Fixation du loyer plafond révisé ou renouvelé : suppression de la référence à l'indice INSEE du coût de la construction et de l'habitation

 

La modification du loyer en renouvellement (C. com., anc. art. L. 145-34) ou dans le cadre d'une révision triennale (C. com., art. L. 145-38) était en principe plafonnée en fonction de l'évolution "de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s'ils sont applicables, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires".

Le principe du plafonnement a été maintenu mais la loi du 18 juin 2014 a supprimé la référence à l'indice INSEE du coût de la construction. Le loyer sera donc en principe plafonné, en renouvellement (C. com., art. L. 145-34) et dans le cadre d'une révision triennale (C. com., art. L. 145-38), en fonction, soit de l'indice trimestriel des loyers commerciaux, soit de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires.

Le texte ne précise pas lequel de ces deux indices doit s'appliquer. Selon toute vraisemblance, ce sera l'indice dont le champ d'application quant à sa validité dans le cadre d'une clause d'indexation (C. mon et financier, art. L. 112-1 et L. 112-2) correspond à l'activité autorisée par le bail. Ce qui ne sera pas sans poser de difficulté lorsque le champ d'application de ces indices en suscite.

Les dispositions de l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier n'ont pas été modifiées. Ce texte répute en relation directe avec l'objet d'une convention relative à un immeuble bâti toute clause prévoyant une indexation sur la variation de l'indice national du coût de la construction, étant rappelé que cette relation directe entre l'indice et la convention est une condition de validité de la clause d'indexation. Les clauses d'indexation du loyer en fonction de l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction et de l'habitation devraient en conséquence pouvoir être toujours valablement stipulées.

 

IX. Augmentation par paliers du loyer révisé ou renouvelé

 

En l'absence de plafonnement du loyer en renouvellement ou en cas de déplafonnement du loyer en renouvellement ou révisé à la suite d'une révision triennale (C. com., art. L. 145-38), le loyer était fixé à la valeur locative et, si cette dernière était supérieure au loyer modifié, l'augmentation s'appliquait en totalité dès la date d'effet du nouveau loyer.

En cas de modification du loyer à la suite d'une révision fondée sur l'article L. 145-39 du Code de commerce - augmentation du loyer de plus de 25 % par le jeu d'une clause d'indexation - le loyer, qui n'est pas plafonné dans ce cas, était fixé à la valeur locative et si cette dernière était supérieure au précédent loyer, l'augmentation s'appliquait en totalité.

La loi du 18 juin 2014 remet en cause cette règle puisqu'elle prévoit, dans certains cas, une augmentation par paliers du loyer en renouvellement ou révisé. Il doit être noté qu'en revanche seule l'augmentation du loyer est lissée et non sa diminution.

L'augmentation par paliers suscitera, par ailleurs, des difficultés quant à l'application et aux effets des révisions triennales, à l'application des clauses d'indexation et à la détermination du loyer de base à retenir pour le calcul du loyer plafond (J.-P. Blatter, Le bail commercial dans le projet de loi relatif à l'artisanat, au commercer et aux TPE, AJDI, 2014, p. 118)

 

1) Loyer en renouvellement

 

L'article L. 145-34 du Code de commerce comporte un nouvel alinéa qui dispose que : "en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente".

L'étalement de la hausse du loyer est donc prévu dans deux hypothèses :

  • lorsque le déplafonnement est lié à une modification notable des éléments de la valeur locative ;
  • lorsque le loyer en renouvellement échappe au plafonnement en raison de la stipulation d'une clause qui prévoirait une durée du bail supérieure à neuf années. Ce dernier cas ne semble pas pouvoir concerner l'absence de plafonnement du loyer en renouvellement du bail d'une durée contractuelle de neuf années mais dont la durée effective est supérieure à douze ans par l'effet de la tacite prolongation (C. com., art. L. 145-34, al. 3).

Dans les autres cas, l'augmentation s'appliquera dans sa totalité à compter de la date d'effet du nouveau loyer.

 

2) Loyer fixé dans le cadre d'une révision triennale

 

L'article L. 145-38 du Code de commerce comporte de nouvelles dispositions selon lesquelles "la variation de loyer qui découle [d'un déplafonnement] ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente".

 

3) Loyer fixé dans le cadre d'une révision fondée sur l'article L. 145-39 du Code de commerce

 

Le nouvel article L. 145-39 du Code de commerce précise désormais que "la variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente".

 

4) Modalités de l'augmentation par paliers

 

Dans chacune de ces trois hypothèses, l'augmentation ne pourra être supérieure, pour une année, à 10 % du loyer "acquitté" au cours de l'année précédente. La référence au loyer acquitté interroge, dès lors qu'il ne saurait être retenu, pour calculer le montant de l'augmentation, le montant du loyer effectivement réglé par le preneur et non celui qui était dû.

 

5) Possibilité de prévoir des conventions contraires en matière de loyer en renouvellement

 

Il doit être rappelé que les règles de fixation du loyer en renouvellement ne sont pas d'ordre public et que les parties peuvent y déroger. Les parties à un bail devraient pouvoir en conséquence mettre conventionnellement à l'écart l'augmentation du loyer par paliers, ce qui ne pourra être le cas pour les baux déjà conclus.

En revanche, pour le lissage de l'augmentation du loyer révisé, les parties ne pourront convenir d'un accord contraire dès lors que les articles L. 145-38 et L. 145-39 du Code de commerce sont d'ordre public aux termes de l'article L. 145-15 du Code de commerce.

 

 6) Application des règles du lissage de l'augmentation dans le temps

 

L'article 21 de la loi du 18 juin 2014 prévoit que ces nouvelles dispositions s'appliqueront aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier jour du troisième mois suivant la promulgation de ladite loi.

X. Extension de la compétence de la commission départementale de conciliation

L'article L. 145-35 du Code de commerce a été modifié. Alors qu'il réservait initialement la compétence de cette commission à l'application de l'article L. 145-34 du Code de commerce (loyer en renouvellement), il prévoit désormais sa compétence (expressément facultative) en matière de révision triennale (C. com. art. L. 145-38), mais pas pour la révision fondée sur l'article L. 145-39 du Code de commerce.

 

XI. Date d'effet du loyer révisé

 

Il est ajouté une phrase à l'article L. 145-38 du Code de commerce qui précise que "la révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision".

Il doit être rappelé que l'article R. 145-20 du Code de commerce, relatif à la révision du loyer, dispose que "le nouveau prix est dû à dater du jour de la demande à moins que les parties ne se soient mises d'accord avant ou pendant l'instance sur une date plus ancienne ou plus récente".

L'objectif de la modification sur ce point de l'article L. 145-38, d'ordre public, semble être de faire obstacle aux clauses du bail qui prévoiraient une date d'effet antérieure à la demande (rapport fait au nom de la commission des affaires économiques, F. Verdier, 29 janvier 2014, page 60).

 

XII. Reprise pour habiter

 

La loi du 18 juin 2014 a abrogé l'article L. 145-23 du Code de commerce.

Ce texte subordonnait à la nationalité française du bailleur sa faculté d'exercer le droit de reprise des locaux d'habitation accessoires des locaux commerciaux prévu à l'article L. 145-22 du Code de commerce.

Ces dispositions étaient probablement contraires à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, à l'instar de ce qui avait été jugé à propos de l'article L. 145-13 du Code de commerce (cf. Cass. civ. 3, 9 novembre 2011, n° 10-30.291, FS-P+B+R+I, préc.), également abrogé, compte tenu de leur caractère discriminatoire.

 

XIII. Charges, impôts et travaux

 

1) Compétence de la commission de conciliation pour les litiges relatifs aux charges et travaux

 

L'ancien article L. 145-35 du Code de commerce prévoyait que les litiges nés de l'application de l'article L. 145-34 du Code de commerce étaient soumis à une commission départementale de conciliation composée de bailleurs et de locataires en nombre égal et de personnes qualifiées.

La loi du 18 juin 2014 a modifié ce texte pour étendre la compétence de la commission, notamment, "aux litiges relatifs aux charges et aux travaux".

Il est expressément prévu que la saisine de la commission est facultative.

Il n'est prévu aucune disposition spécifique pour l'entrée en vigueur de ces dispositions.

 

2) Etat des lieux

 

La loi du 18 juin 2014 crée une section 6 bis qui comporte un nouvel article L. 145-40-1.

Ce nouveau texte, qui est d'ordre public (C. com. art. L. 145-15), impose dans certains cas l'établissement d'un état des lieux selon certaines modalités.

Cas dans lesquels un état des lieux doit être établi :

  • conclusion d'un bail ;
  • cession du droit au bail ;
  • cession ou de mutation à titre gratuit du fonds ;
  • restitution des locaux.

Moment de l'établissement de l'état des lieux :

  • lors de la prise de possession des locaux par le locataire en cas de conclusion d'un bail ;
  • lors de la restitution des locaux.

Modalités d'établissement de l'état des lieux :

  • contradictoirement et amiablement par le bailleur et le locataire ou par un tiers mandaté par eux ;
  • et si l'état des lieux ne peut être établi dans ces conditions, par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire.

Il est également prévu que l'état des lieux soit joint au contrat de location ou, à défaut, conservé par chacune des parties.

Le bailleur qui n'a pas fait toutes diligences pour la réalisation de l'état des lieux ne peut invoquer la présomption de l'article 1731 du Code civil. Aux termes de ce texte, le preneur est présumé avoir reçus les locaux loués en bon état de réparations locatives et doit les rendre tels, sauf preuve contraire.

L'article 13, II, de la loi du 18 juin 2013 prévoit que l'article L. 145-40-1 du Code de commerce s'applique aux baux conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi pour la restitution d'un local dès lors qu'un état des lieux a été établi lors de la prise de possession.

 

3) Répartition des charges, impôts et travaux

 

La répartition entre le bailleur et le preneur du coût des charges courantes, des impôts et des travaux relevait pour l'essentiel de la liberté contractuelle, même si elle rencontrait certaines limites liées, d'une part, à une interprétation restrictive des clauses transférant au preneur la charge de dépenses incombant en principe au bailleur et, d'autre part, à l'impossibilité pour le bailleur de s'exonérer de l'obligation de procéder aux travaux rendus nécessaires au bon état de la structure de l'immeuble (Cass. civ. 3, 9 juillet 2008, n° 07-14.631, FS-P+B+R+I).

Désormais, la répartition de ces dépenses fait l'objet d'un nouvel article L. 145-40-2 du Code de commerce, texte d'ordre public, auquel il ne pourra être dérogé lors de la conclusion du bail, puisqu'il fait partie des dispositions visées par l'article L. 145-15 du Code de commerce. Ce texte nécessitera d'être complété par un décret.

Il vise pour l'essentiel à rendre plus transparente la répartition des charges entre le bailleur et le preneur dès la conclusion du bail et en cours de bail. Il limite également la possibilité de transférer au preneur des charges qui incombent normalement au bailleur.

Ces nouvelles dispositions sont applicables, aux termes de l'article 21 de la loi du 18 juin 2014, aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier jour du troisième mois suivant la promulgation de ladite loi.

 

a) Informations et répartition des charges lors de la conclusion du bail

 

  • Tout contrat de location devra comporter un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire.
  • Lors de la conclusion du contrat de location, le bailleur devra communiquer à chaque locataire un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel.
  • Dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location devra préciser la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble. Bien que le nouveau impose une répartition en fonction de la surface "exploitée", il semble que cette répartition doive s'effectuer en fonction de la surface louée. La question se pose de savoir si la répartition en fonction des tantièmes de charges de copropriété sera conforme à cette exigence, dès lors que la surface d'un lot n'est pas le seul critère de détermination des quotes-parts de charges de copropriété.
  • Le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire devra correspondre strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l'exploitation de la chose louée.

b) Informations du preneur par le bailleur en cours de bail

 

L'inventaire prévu au bail initial doit donner lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire

Le bailleur devra informer le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux.

En cours de bail, le bailleur est tenu d'informer les locataires de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre locataires

Tous les trois ans, le bailleur devra communiquer à chaque locataire :

  • un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel ;
  • et un état récapitulatif des travaux qu'il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût.

 

c) Exclusion de la possibilité de transférer certaines charges

 

L'article L. 145-40-2 du Code de commerce dispose, en son dernier alinéa, qu'un décret en Conseil d'Etat précisera les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne pourront être imputés au locataire.

Certaines charges, impôts et taxes ne pourront donc plus être transférés au preneur.

Il faut attendre la parution pour les connaître.

 

XIV. Cession du bail commercial

 

1) Droit de préemption en cas d'aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux

 

L'article L. 214-1 du Code de l'urbanisme prévoit la possibilité pour un conseil municipal de délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, à l'intérieur duquel sont soumises au droit de préemption les aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux, ainsi que les aliénations à titre onéreux de terrains portant ou destinés à porter des commerces d'une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés.

Informations portées dans la déclaration préalable

L'article L. 214-1 du Code de commerce a été modifié afin de compléter l'information portée par le cédant au titulaire du droit de préemption en cas de projet de cession. Dans sa version antérieur à sa modification par la loi du 18 juin 2014, le texte prévoyait que le cédant devait effectuer une déclaration préalable à la commune précisant le prix et les conditions de la cession. Désormais, cette déclaration préalable doit préciser et comporter :

  • le prix ;
  • l'activité de l'acquéreur pressenti ;
  • le nombre de salariés du cédant ;
  • la nature de leur contrat de travail et les conditions de la cession ;
  • le bail commercial, le cas échéant ;
  • le chiffre d'affaires lorsque la cession porte sur un bail commercial ou un fonds artisanal ou commercial.

Les textes du Code de l'urbanisme relatifs à ce droit de préemption sont également modifiés pour prendre en compte le fait que la commune n'est désormais plus la seule à pouvoir l'exercer.

 

Nouveaux titulaires du droit de préemption

 

Le nouvel article L. 241-1-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L4975I3N) prévoit en effet que, lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre. La commune ou cet établissement public peut déléguer ce droit de préemption à un établissement public y ayant vocation, à une société d'économie mixte, au concessionnaire d'une opération d'aménagement ou au titulaire d'un contrat de revitalisation artisanale et commerciale prévu par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.

 

Allongement de la durée impartie pour la rétrocession

 

L'article L. 242-2 du Code de l'urbanisme disposait que la commune devait, dans le délai de deux ans à compter de la prise d'effet de l'aliénation à titre onéreux, rétrocéder le fonds artisanal, le fonds de commerce, le bail commercial ou le terrain à une entreprise immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, en vue d'une exploitation destinée à préserver la diversité et à promouvoir le développement de l'activité commerciale et artisanale dans le périmètre concerné.

Le nouvel article L. 242-2 prévoit que ce délai de deux ans "peut être porté à trois ans en cas de mise en location-gérance du fonds de commerce ou du fonds artisanal".

Régime applicable au bail pendant le délai imparti pour la rétrocession

(voir supra, III)

 

2) Limitation de la durée de la garantie du solidaire du cédant

 

Les parties à un bail commercial peuvent prévoir qu'en cas de cession de ce dernier, le preneur-cédant garantira le bailleur du paiement des loyers et accessoire dus par le cessionnaire.

La loi du 18 juin 2014 créée deux articles, L. 145-16-1 et L. 145-16-2 qui limitent l'étendue de cette garantie.

Le nouvel article L. 145-16-1 du Code de commerce dispose que : "si la cession du bail commercial est accompagnée d'une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, ce dernier informe le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par celui-ci".

Le bailleur est donc tenu d'informer le cédant des défauts du paiement du cessionnaire, dans un délai d'un mois courant à compter de la date à laquelle la somme "aurait dû être acquittée".

Ce texte ne prévoit pas de sanction. La question se pose en conséquence de savoir si le bailleur pourrait néanmoins agir contre le cédant en paiement des sommes dues s'il n'a pas respecté son obligation de l'informer. Si le manquement à cette obligation était sanctionné, il ne s'agirait probablement pas d'une déchéance de son droit d'agir. Il pourrait être soutenu en revanche qu'il a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Le préjudice ne pourrait cependant pas a priori être équivalent au montant des sommes dues dès lors que l'information du cédant ne permettra pas nécessairement de mettre un terme au défaut de paiement.

En outre, ces dispositions ne sont pas non plus expressément impératives.

Le nouvel article L. 145-16-2 du Code de commerce dispose que "si la cession du bail commercial s'accompagne d'une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, celui-ci ne peut l'invoquer que durant trois ans à compter de la cession dudit bail".

Cette disposition limite à trois années courant à compter de la cession la possibilité pour le bailleur d'invoquer la clause de garantie solidaire.

Cette disposition n'a pas non plus été érigée en disposition impérative et la question se pose de savoir s'il pourra y être dérogé.

Aucune disposition transitoire pour l'application de ces nouvelles dispositions dans le temps

 

3) Cession avec déspécialisation dans le cadre d'une liquidation judiciaire

 

La loi du 18 juin 2014 a ajouté un alinéa à l'article L. 642-7 du Code de commerce qui dispose que : "le tribunal peut, si un contrat de bail soumis au chapitre V du titre IV du livre Ier portant sur un ou plusieurs immeubles ou locaux utilisés pour l'activité de l'entreprise figure dans le plan de cession, autoriser dans le jugement arrêtant le plan le repreneur à adjoindre à l'activité prévue au contrat des activités connexes ou complémentaires. Le tribunal statue après avoir entendu ou dûment appelé le bailleur".

L'article 15 de la loi du 18 juin 2014 exclut expressément l'application de ces dispositions aux liquidations judiciaires ouvertes en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014. Elles devraient s'appliquer aux liquidations judiciaires ouvertes postérieurement.

 

4) Précisions sur le sort du bail en cas transmission universelle de patrimoine et de scission

 

L'ancien article L. 145-16 du Code de commerce prévoyait qu'en cas de fusion de sociétés ou d'apport d'une partie de l'actif d'une société réalisé dans les conditions prévues aux articles L. 236-6-1, L. 236-22 et L. 236-24), la société issue de la fusion ou la société bénéficiaire de l'apport était, nonobstant toute stipulation contraire, substituée à celle au profit de laquelle le bail était consenti dans tous les droits et obligations découlant de ce bail.

Le nouvel article L. 145-16 étend expressément cette règle à la scission et à la transmission universelle de patrimoine de patrimoine d'une société réalisées dans les conditions prévues à l'article 1844-5 du Code civil (transmission universelle du patrimoine à l'associé unique). La Cour de cassation avait précisé que la transmission universelle du patrimoine d'une société dissoute, incluant le droit au bail dont elle était titulaire, à l'associé unique n'est pas une cession de bail nécessitant l'accord du bailleur (Cass. civ. 3, 9 avril 2014, n° 13-11.640, FS-P+B).

S'agissant de la scission, le nouveau texte précise également que le bénéficiaire de la transmission du bail est la société désignée par le contrat de scission ou à défaut, les sociétés issues de la scission.

 

XV. Droit de préférence du preneur en cas de vente d'un local commercial

 

La loi du 18 juin 2014 a créé un nouvel article L. 145-46-1 du Code de commerce qui institue au profit du preneur un droit de préférence en cas de vente d'un local commercial. Le droit de préférence du preneur n'existait auparavant que si les parties avaient conclu un accord en ce sens.

 

1) Champ d'application

 

Le droit de préférence s'applique "lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci". Bien que ce ne soit pas précisé, et dès lors que c'est le locataire qui est ensuite visé dans le texte, le projet de vente doit porter sur le bien loué.

Seuls sont visés les locaux "à usage commercial ou artisanal" ce qui semble exclure les locaux à usage industriels. La question reste posée de savoir si les locaux logistiques ou à usage de bureaux sont concernés ou non.

Il est expressément prévu que le droit de préférence ne s'applique pas en cas :

  • de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial ;
  • de cession unique de locaux commerciaux distincts ;
  • de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial ;
  • de cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux ;
  • de cession d'un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint.

En présence d'une clause "dite de droit de préemption suivant laquelle le bailleur accorderait un tel droit au profit du preneur en cas de vente des locaux faisant l'objet du bail", il a été jugé que le locataire ne bénéficiait pas d'un droit de préemption lorsque le bailleur vend l'immeuble en entier et qu'il ne voulait acquérir que les lieux loués (Cass. civ. 3, 9 avril 2014, n° 13-13.949, FS-P+B).

 

2) Bénéficiaire

 

Seul le locataire est titulaire d'un droit de préférence puisque c'est à lui que doit être notifié le projet de vente qui vaut à son égard offre de vente.

 

3) Information du locataire du projet de vente

 

Le propriétaire doit informer le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement.

Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée.

Les dispositions des quatre premiers alinéas de l'article L. 145-46-1 du Code de commerce doivent également être reproduites, à peine de nullité, dans chaque notification.

 

4) Exercice du droit de préférence

 

La notification du projet de vente vaut offre de vente au profit du locataire.

Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. Les effets de l'absence de réponse dans ce délai ne sont pas expressément envisagés.

En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Les effets de l'absence de réalisation de la vente dans ce délai ne sont pas non plus expressément envisagés.

Ce délai de deux mois peut apparaître court, ce d'autant que la personne publique titulaire d'un droit de préemption urbain pourra également avoir vocation à exercer ce droit et qu'elle bénéficie à cette fin d'un délai de deux mois pour se prononcer.

Si, dans sa réponse, le preneur notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.

Le texte précise que "si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet". Cette phrase vient après celle qui vise le délai de quatre mois. N'est donc pas expressément et clairement envisagée les effets de l'absence de réalisation de la vente à l'expiration du délai de deux mois qui s'applique lorsque le preneur ne recourt pas à un prêt.

 

5) Vente à des conditions ou à un prix plus avantageux

 

Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, cette fois, c'est le notaire qui doit notifier au locataire dans les formes prévues au premier alinéa, ces conditions et ce prix, à moins que le bailleur n'y ait procédé (selon des modalités pour ce dernier qui ne sont pas expressément envisagées).

Cette obligation est édictée à peine de nullité de la vente.

Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre de vente est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception. L'offre qui n'a pas été acceptée dans ce délai est caduque.

Le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente.

Toutefois, si le locataire notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.

Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.

 

6) Sanctions

 

Le texte n'envisage pas expressément la sanction applicable en cas de vente des locaux loués en violation du droit de préférence du preneur, sauf en cas de vente à des conditions ou un prix plus avantageux et lorsque que, dans cette hypothèse, une notification régulière n'a pas eu lieu. Dans ce cas, la vente au tiers est frappée de nullité. Il n'est pas précisé que le preneur pourrait se voir dans ce cas substituer au tiers.

En revanche, si la notification initiale n'a pas eu lieu ou si les notifications postérieures ont été effectuées, le nouveau texte ne prévoit pas expressément la nullité de la vente conclue en violation du droit de préférence.

La question se pose de savoir si, dans ces hypothèses, les solutions dégagées en matière de droit de préférence conventionnel auraient vocation à s'appliquer. Il sera rappelé que le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir (Chbre mixte, 26 mai 2006, n° 03-19.376, P+B+R+I).

Il serait cependant curieux de prévoir des sanctions différentes selon les hypothèses.

 

7) Aménagements conventionnels

 

L'article L. 145-46-1 du Code de commerce n'est pas visé au titre des dispositions d'ordre public par les articles L. 145-15 du Code de commerce.

Les parties pourront donc a priori prévoir que le preneur ne bénéficiera pas d'un droit de préférence ou aménager ce dernier selon des modalités différentes de celles prévues par la loi.

Toutefois, et s'agissant à tout le moins d'un accord sur l'absence de droit de préférence, il n'a pu être envisagé pour les baux en cours alors que les nouvelles dispositions leur seront applicables.

 

8) Dispositions transitoires

 

L'article 21 de la loi du 18 juin 2014 prévoit que les nouvelles dispositions de l'article 145-46-1 du Code de commerce sont applicables à toute cession d'un local intervenant à compter du sixième mois qui suit la promulgation de la loi.

 

XVI. Modification de la sanction applicable en présence de clauses contraires aux dispositions impératives du statut des baux commerciaux

 

La loi du 18 juin 2014 a modifié l'article L. 145-15 du Code de commerce. Ce texte disposait que "sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145-4, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa de l'article L. 145-42 et des articles L. 145-47 à L. 145-54". Désormais, les clauses contraires à ces dispositions seront réputées non écrites (C. com., nouv. art. L. 145-15)

L'article L. 145-16 du Code de commerce, qui frappait de nullité les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail ou les droits qu'il tient du statut des baux commerciaux à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise, a également été modifié. Désormais, ces conventions seront aussi réputées non écrites.

L'objectif de cette modification est de faire échapper à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du Code de commerce les actions tendant à voir sanctionner les clauses contraires aux dispositions d'ordre public du statut des baux commerciaux. L'action tendant à voir réputer une clause non écrite peut en effet être exercée, a priori, à tout moment (voir, par exemple, Cass. civ. 3, 9 mars 1988, n° 86-17.869). Il a été affirmé au cours des travaux parlementaires que qu'aucune prescription ne courrait à l'égard d'une clause réputée non écrite (rapport fait au nom de la commission des affaires économiques, F. Verdier, 29 janvier 2014, page 53).

Il doit être noté que la nullité continuera de sanctionner la méconnaissance de certaines dispositions du statut (C. com., art. L. 145-9 et L. 145-10).

Aucune disposition n'a été expressément prévue concernant l'application de ces nouvelles dispositions dans le temps.

 

XVII. Application dans le temps des dispositions nouvelles

 

La loi du 18 juin 2014 comporte des dispositions transitoires.

Aux termes de l'article 21 de cette loi :

Sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la loi (soit a priori le 1er septembre 2014), les dispositions nouvelles relatives :

  • aux baux dérogatoires (article 3 de la loi du 18 juin 2014 modifiant l'article L. 145-5 du Code de commerce), à la suppression de l'indice INSEE du coût de la construction pour le calcul du loyer plafond du loyer en renouvellement ou révisé (article 9 de la loi du 18 juin 2014 modifiant les articles L. 145-34 et L. 145-38 du Code de commerce) ;
  • à l'augmentation par paliers de 10 % du loyer en renouvellement ou révisé (article 11 de la loi du 18 juin 2014 modifiant les articles L. 145-34, L. 145-38 et L. 145-39 du Code de commerce) ;
  • à la répartition des charges, travaux et taxes (article 13 de la loi du 18 juin 2014 créant l'article L. 145-40-2 du Code de commerce)

Sont applicables aux cessions intervenant à compter du sixième mois qui suit la promulgation de la loi les dispositions relatives au droit de préférence du locataire en cas de vente du local (article 14 de la loi du 18 juin 2014 créant l'article L. 145-46-1 du Code de commerce) ;

Sont applicables à toute succession ouverte à compter de l'entrée en vigueur de la loi les dispositions qui permettent aux ayants droit du preneur décédé de demander la résiliation anticipée du bail (article 2 modifiant l'article L. 145-4 du Code de commerce).

L'établissement d'un état des lieux lors de la restitution des locaux a fait l'objet de mesures transitoires spécifiques (article 3 de la loi modifiant l'article L. 145-5 du Code de commerce et article 13 créant l'article L. 145-40-2 du Code de commerce).

Les nouvelles dispositions de l'article L. 642-7 du Code de commerce, ouvrant la possibilité au tribunal d'autoriser le repreneur à adjoindre des activités connexes ou complémentaires, ne sont pas applicables aux liquidations judiciaires en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi (article 15, II, de la loi).

Pour les autres nouvelles règles qui n'ont pas fait l'objet de dispositions transitoires, les règles de droit commun régissant les conflits de loi dans le temps auront vocation à s'appliquer.

Si le principe de la survie de la loi ancienne en matière contractuelle devrait conduire à conclure que les baux en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi (20 juin 2014) sont soumis aux anciennes dispositions, ce principe doit également laisser la place à la règle selon laquelle les effets légaux d'un contrat sont régis par la loi en vigueur à la date où ils se produisent (Cass. civ. 3, 3 juillet 2013, n° 12-21.541, FS-P+B : décision rendue à propos de l'application de nouvelles dispositions relatives à la date d'effet d'un congé contenues à l'article L. 145-9 du Code de commerce), la difficulté pouvant être de déterminer ce qu'il convient de qualifier d'effet légal de la loi. 

 

Julien PRIGENT

Avocat - Paris

 

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(1) Modification du statut des baux commerciaux par la loi du 18 juin 2014, relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, J. Prigent, Lexbase Hebdo édition affaires n° 387 du 26 juin 2014