La perte de l’affectio societatis n’est pas une cause de dissolution d’une SCI

La mésentente existant entre les associés, et par suite la disparition de l'affectio societatis, ne peuvent constituer un juste motif de dissolution d’une société civile immobilière qu'à la condition de se traduire par une paralysie du fonctionnement de la société (Cass. civ. 3, 16-03-2011, n° 10-15.459, M. Jacky Lefebvre, FS-P+B).

 

En l’espèce, deux concubins avaient constitué une société civile immobilière. L’un des concubins a assigné par la suite son associée et la société en dissolution anticipée et en désignation d'un liquidateur.

 

Tant les premiers juges que la Cour de cassation ont rejeté sa demande.

Aux termes de l’article 1844-7, 5°, du Code civil, « la société prend fin, notamment, par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ».

 

La question posée dans l’arrêt rapporté était celle de savoir si la disparition de l’affectio societatis, c’est-à-dire la volonté commune de s’associer (C. civ., art 1832), pouvait à elle seule justifier la dissolution, sans qu’il soit nécessaire qu’il en résulte une paralysie de fonctionnement. Cette question prend un relief particulier dans le cadre d’une société de personne compte tenu des liens qui unissent ou unissaient les associés.

 

La Cour de cassation répond par la négative : la perte de l'affectio societatis peut constituer un juste motif de dissolution qu'à la condition d’être corrélée par une mésentente entraînant une paralysie du fonctionnement de la société.

 

En l’espèce, les difficultés rencontrées n'étaient pas suffisamment graves pour paralyser le fonctionnement social et la demande de dissolution ne pouvait pas en conséquence prospérer.

 

Si la Cour de cassation avait déjà rappelé que la mésentente entre associés, même grave, ne pouvait justifier la dissolution qu’à la condition que le fonctionnement de la société soit paralysé (Cass. com., 31-01-1989, n° 87-16.124, Consorts Seneclauze c/ consorts Mazel et autres ; Chbre mixte, 16-12-2005, n° 04-10.986, Mme Sylvie L. c/ société civile agricole immobilière C., FS-P), elle ne s’était jamais directement prononcée, à notre connaissance, sur la perte de l’affectio societatis comme motif exclusif d’une demande de dissolution.

 

La solution retenue peut se justifier par la notion d’affectio societatis, qui se rapporte à la formation de la société, donc au moment de sa création, et par une approche littérale de l’article 1844-7, 5°, du Code civil qui envisage comme cause de dissolution la mésentente conduisant à une paralysie de fonctionnement. La perte de l‘affectio societatis et la mésentente peuvent être étroitement liées, la Cour de cassation laissant d'ailleurs entendre que la première est une suite de cette dernière.

 

Julien PRIGENT

Avocat - Paris