
La loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, publiée au Journal officiel du 1er août 2014, instaure un délai permettant aux salariés de présenter, dans certains cas, une offre en cas de cession d'un fonds de commerce.
L’article 19 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire a inséré dans le chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de commerce (relatif à la vente du fonds de commerce) deux nouvelles sections 3 et 4. La section 3 porte sur « l'instauration d'un délai permettant aux salariés de présenter une offre en cas de cession d'un fonds de commerce dans les entreprises de moins de cinquante salariés ». La section 4 porte sur « l'information anticipée des salariés leur permettant de présenter une offre en cas de cession d'un fonds de commerce dans les entreprises employant de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés ».
Ces nouvelles dispositions seront applicables aux cessions conclues trois mois au moins après la date de publication de la loi du 31 juillet 2014 (article 98 de la loi du 31 juille 2014).
Il doit être également noté que l’article 20 de cette loi créé un mécanisme similaire au profit des salariés en cas de cession des droits sociaux.
I. Champ d’application
1) Principe
- entreprises qui n'ont pas l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise en application de l'article L. 2322-1 du Code du travail (C. com., nouv. art. L. 141-23) ;
- entreprises soumises à l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise en application de l'article L. 2322-1 du code du travail et se trouvant, à la clôture du dernier exercice, dans la catégorie des petites et moyennes entreprises au sens de l'article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (C. com., art. L. 141-28).
2) Exceptions (C. com., nouv. art. L. 141-27 et L. 141-32)
- En cas de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession du fonds à un conjoint, à un ascendant ou à un descendant ;
- Entreprises faisant l'objet d'une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires régie par le livre VI du Code de commerce.
II. Modalités et délais d’information des salariés de la volonté du propriétaire du fonds de le céder
1) Entreprises de moins de cinquante salariés
- Fonds exploité par son propriétaire : au plus tard deux mois avant la cession, le propriétaire notifie sa volonté de céder directement aux salariés en les informant qu'ils peuvent lui présenter une offre de rachat (le délai court à compter de la date de cette notification) (C. com., nouv. art. L. 141-23) ;
- Fonds non exploité par son propriétaire : information notifiée à l'exploitant du fonds (le délai de deux mois court à compter de la date de cette notification). L'exploitant du fonds porte sans délai à la connaissance des salariés cette notification, en les informant qu'ils peuvent présenter au cédant une offre de rachat (C. com., nouv. art. L. 141-23).
2) Entreprises employant de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés (C. com., art. L. 141-28)
- Fonds exploité par son propriétaire : le propriétaire notifie directement aux salariés sa volonté de céder, en les informant qu'ils peuvent lui présenter une offre de rachat ;
- Fond non exploité par son propriétaire : le propriétaire notifie sa volonté de céder à l'exploitant du fonds. Au plus tard en même temps qu'il procède, en application de l'article L. 2323-19 du code du travail, à l'information et à la consultation du comité d'entreprise, l'exploitant du fonds porte à la connaissance des salariés cette notification et leur indique qu'ils peuvent présenter au cédant une offre de rachat ;
- En cas d'absences concomitantes du comité d'entreprise et de délégué du personnel, constatées conformément aux articles L. 2324-8 et L. 2314-5 du code du travail, la cession est soumise au délai deux mois prévu pour les entreprises de moins de cinquante salariés.
3) Dispositions communes
Forme de la notification : l'information des salariés peut être effectuée par tout moyen, précisé par voie réglementaire, de nature à rendre certaine la date de sa réception par ces derniers (C. com., art. L. 141-25 et L. 141-30)
III. Droits et obligations des salariés
Les salariés sont tenus à une obligation de discrétion s'agissant des informations reçues en application de la présente section, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les membres des comités d'entreprise à l'article L. 2325-5 du code du travail, sauf à l'égard des personnes dont le concours est nécessaire pour leur permettre de présenter au cédant une offre de rachat (C. com., art. L. 141-25 et L. 141-30).
A leur demande, les salariés peuvent se faire assister par un représentant de la chambre de commerce et de l'industrie régionale, de la chambre régionale d'agriculture, de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat territorialement compétentes en lien avec les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire et par toute personne désignée par les salariés, dans des conditions définies par décret (C. com., art. L. 141-24 et L. 141-29).
IV. Effets de la notification par le propriétaire du fonds de sa volonté de le céder
1) Entreprises de moins de cinquante salariés
- la cession à un tiers ne peut intervenir avant l'expiration du délai de deux mois sauf si chaque salarié a fait connaître au cédant sa décision de ne pas présenter d'offre (C. com., nouv. art. L. 141-23) ;
- la cession doit intervenir dans un délai maximal de deux ans après l'expiration du délai de deux mois. Au-delà de ce délai, toute cession est de nouveau soumise aux articles L. 141-23 à L. 141-25 (C. com., art. L. 141-26).
2) Entreprises employant de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés
- En cas d'absences concomitantes du comité d'entreprise et de délégué du personnel, constatées conformément aux articles L. 2324-8 et L. 2314-5 du code du travail, la cession est soumise au délai deux mois prévu pour les entreprises de moins de cinquante salariés (C. com., art. L. 141-28) ;
- La cession est de nouveau soumise aux articles L. 141-28 à L. 141-30 lorsqu'elle intervient plus de deux ans après l'expiration du délai prévu à l'article L. 141-28. Si pendant cette période de deux ans le comité d'entreprise est consulté, en application de l'article L. 2323-19 du code du travail, sur un projet de cession du fonds de commerce, le cours de ce délai de deux ans est suspendu entre la date de saisine du comité et la date où il rend son avis et, à défaut, jusqu'à la date où expire le délai imparti pour rendre cet avis (C. com., art. L. 141-31).
V. Sanction de la violation des règles permettant aux salariés de présenter une offre en cas de cession d’un fonds de commerce (C. com., nouv. art. L. 141-23)
1) Entreprises de moins de cinquante salariés
La cession intervenue en méconnaissance des quatre premiers alinéas de l’article L. 141-23 du Code de commerce (absence de notification, irrégularité de la notification, absence de respect des délais) peut être annulée à la demande de tout salarié (C. com., art. L. 145-23).
Compte-tenu de l’emploi du verbe « pouvoir », cette annulation ne serait pas de droit.
2) Entreprises employant de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés
La cession intervenue en méconnaissance des trois premiers alinéas (absence de notification ou irrégularité de cette dernière) peut être annulée à la demande de tout salarié (C. com., art. L. 141-28).
Compte-tenu de l’emploi du verbe « pouvoir », cette annulation ne serait pas de droit.
3) Dispositions communes
A peine de prescription, l'action en nullité doit être exercée dans les deux mois courant à compter de la date de publication de l'avis de cession du fonds (C. com., art. L. 141-23 et L. 141-28).t.com
Julien PRIGENT
Avocat - Paris