
La limitation de la variation du loyer par l’effet d’une clause d’indexation aux seules hypothèses où l'indice augmente, si elle peut ouvrir un débat sur le licéité de la clause, ne suffit pas à lui enlever sa nature de clause d'échelle mobile et ne peut faire obstacle à la révision du loyer afin qu'il soit fixé à la valeur locative (CA Paris, 5, 3, 28-05-2014, n° 12/13605).
La clause d'échelle mobile ou clause d’indexation consiste pour les parties à s'accorder sur la variation automatique du loyer à des échéances déterminées et en fonction de l’évolution d’un indice en relation directe avec l'objet du contrat ou l'activité de l'une des parties.
La validité de la clause d’échelle mobile dont les effets sont limités à la hausse se pose :
- au regard des dispositions du Code monétaire et financier qui réglementent les clauses d’indexation ;
- au regard des dispositions de l’article L. 145-39 du Code de commerce qui permettent la révision du loyer et sa fixation à la valeur locative lorsque « il se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire ».
S’agissant de la conformité d’une telle clause aux dispositions du Code monétaire et financier, il a été jugé que :
1) elle est contraire à ces dispositions car « elle viole l'ordre public de direction découlant de l'alinéa 2 de l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier en ce qu'impliquant la seule prise en compte d'une variation à la hausse, elle impose de recourir, en cas de baisse durant une année des indices de référence, à une période de variation supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision » (TGI Grasse, 1ère, 05-04-2011, n° 09/01658) ;
2) elle n’est pas contraire à ces dispositions :
- « l'indexation annuelle du loyer en référence à l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE, mais uniquement à la hausse, est licite et conforme à la liberté contractuelle » (CA Douai, 2e, 2, 21-01-2010, n° 08/08568) ;
- « aucune disposition légale ou contractuelle n'interdit la clause d'indexation ne jouant qu'à la hausse, une telle disposition […] n'exerçant en elle-même aucune incidence sur la période de variation de l'indice » (CA Aix-en-Provence, 15-03-2013, n° 11/06632) ;
- « aucune disposition légale ne prohibe en effet une restriction du mécanisme d'application de la clause d'échelle mobile par la convention des parties dès lors que l'indice choisi est lui-même licite » (CA Paris, 5, 3, 03-04-2013, n° 11/14299).
S’agissant de la validité de la clause limitant l’indexation à la hausse par rapport aux dispositions de l’article L. 145-39 du Code de commerce, trois types de solutions ont été retenus :
1) La nullité de la clause car « elle fait totalement échec à la mise en œuvre des dispositions d'ordre public édictées par l'article L. 145-39 du code de commerce » (TGI Grasse, 1ère, 05-04-2011, n° 09/01658) ;
2) Validité de la clause qui rend irrecevable une demande de révision sur le fondement de l’article L. 145-39 du Code de commerce car « elle ne revête pas l’exigence de variation positive ou négative posée par l'article L. 145-39 du Code de commerce pour entrer dans le champ d'application de la révision autorisée, à titre dérogatoire et donc d'interprétation stricte, par ce texte » (CA Douai, 2e, 2, 21-01-2010, n° 08/08568) ;
3) Validité de la clause qui ne peut faire obstacle à la révision sur le fondement de l’article L. 145-39 du Code de commerce :
- « une telle clause ne peut mettre obstacle à l'application des mécanismes légaux de révision du bail qui sont d'ordre public et s'imposent aux parties et à celle de l'article L. 145-39 du Code de commerce en particulier qui prévoit que, chaque fois que par le jeu de la clause d'échelle mobile, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus du quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire, le révision du loyer et sa fixation à la valeur locative peut être demandée, l'article L. 145-39 ne posant aucune autre exigence que la simple constatation de l'augmentation ou la diminution du loyer par le jeu de la clause d'échelle mobile » (CA Paris, 5, 3, 03-04-2013, n° 11/14299) ;
- « la limitation de la variation aux seules hypothèses où l'indice augmente, si elle peut ouvrir un débat sur le licéité de la clause, ne suffit pas à lui enlever sa nature de clause d'échelle mobile au sens de l'article L 145-39, que cette clause ne constitue pas contrairement aux clause recettes dont il est acquis qu'elles ne sont pas des clauses d'échelle mobile, une modalité de fixation du loyer et que la clause d'échelle mobile, quand bien même elle ne jouerait qu'à la hausse, ne saurait faire obstacle à la révision du loyer afin qu'il soit fixé à la valeur locative » (CA Paris, 5, 3, 28-05-2014, n° 12/13605).
L’arrêt du 28 mai 2014 est également intéressant en ce qu’il précise que l’accord des parties en cours du bail sur la limitation des effets de la clause d’indexation (accord des parties sur un montant de loyer inférieur à celui qui serait dû si la clause d’indexation avait reçu son plein effet) ne fait pas obstacle à la recevabilité de l’action en révision du loyer pour variation du plus du quart car « cette limitation ne constitue pas une modification contractuelle du montant du loyer mais seulement un aménagement des conséquences de la clause d'échelle mobile et qu'admettre le contraire aboutirait à une paralysie totale de l'article L 145-39 ».
Julien PRIGENT
Avocat - Paris