
La juridiction administrative n'est pas compétente pour statuer sur la demande du locataire tendant à l'annulation du refus du maire de renouveler le bail résultant du titre d'occupation de locaux du café du théâtre situés dans le bâtiment abritant le théâtre municipal, dès lors que cette décision est relative à la gestion du domaine privé de la commune. Tel est l'enseignement d'un arrêt du Conseil d'Etat du 15 décembre 2010 (CE 8 SS, 15-12-2010, n° 290937, SARL BRASSERIE DU THEATRE).
En l'espèce, par convention du 17 mai 1991, une commune avait mis, pour neuf ans, à la disposition d'une société des locaux dépendant de l'immeuble abritant le théâtre municipal pour l'exploitation d'un commerce de café et restaurant. Au terme des neuf années, l'exploitant, soutenant être titulaire d'un bail commercial, a demandé à la commune le renouvellement de son titre pour neuf ans. Par lettre du 3 mai 2000, le maire a notifié à l'exploitant sa décision de ne pas lui reconnaître le bénéfice de la propriété commerciale, faisant valoir que les locaux relevaient du domaine public communal. La "locataire" a contesté cette décision devant la juridiction administrative.
Dans une première décision, le Conseil d'Etat a jugé tout d'abord que des locaux situés dans l'enceinte d'un théâtre municipal et mis à la disposition d'une personne privée par un contrat expressément qualifié par les parties de "convention d'occupation du domaine public" n'appartenaient pas nécessairement au domaine public. En l'espèce, et après avoir recherché si ces locaux, qui n'étaient pas directement affectés à l'usage du public, devaient être regardés comme étant eux-mêmes affectés au service public culturel de la commune et spécialement aménagés à cet effet, le Conseil d'Etat a conclu qu'ils ressortissaient du domaine privé de la commune (CE Contentieux, 28-12-2009, n° 290937, SOCIETE BRASSERIE DU THEATRE).
Dans cette décision du 28 décembre 2009, le Conseil d'Etat avait ensuite renvoyé l'affaire au Tribunal des conflits sur la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour connaître de l'annulation d'une décision relative à la gestion du domaine privé de la commune, qu'elle prenne la forme d'une délibération de l'organe délibérant de la commune ou d'un acte du maire.
Par décision du 22 novembre 2010, le Tribunal des conflits a ensuite précisé que la contestation par une personne privée de l'acte, délibération ou décision du maire, par lequel une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu'en soit la forme, dont l'objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n'affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé : elle relève donc, à ce titre, de la compétence du juge judiciaire. Il en va de même de la contestation concernant des actes s'inscrivant dans un rapport de voisinage (T. confl., 22-11-2010, SARL Brasserie du Théâtre c/ Commune de Reims, n° 3764). Le refus du maire de renouveler le titre d'occupation, consenti par une convention ne comportant aucune clause exorbitante, n'est donc pas détachable de la gestion du domaine privé et relève de la compétence du juge judiciaire.
Dans l'arrêt rapporté, le Conseil d'Etat tire les conséquences de cette solution en rejetant la compétence des juridictions de l'ordre administratif pour connaître de la contestation du refus de renouvellement.
Il ne faut pas toutefois en conclure que le juge judiciaire serait compétent pour l'ensemble des litiges relatifs à l'occupation du domaine privé, ne serait-ce qu'en raison du fait que cette dernière peut aussi résulter de contrats administratifs en raison de la présence de clauses exorbitantes.
Julien PRIGENT
Avocat - Paris