Julien PRIGENT, avocat associé du cabinet SIMON ASSOCIES, intervient à titre principal en droit immobilier, tant en matière de conseil (consultation, rédaction d'actes, etc.) que de contentieux.
Il est co-fondateur et président de LABOCOM, think tank dédié aux baux commerciaux.
Il copréside également la commission Droit immobilier de l'ACE.
Directeur scientifique des encyclopédies en ligne « Baux commerciaux» et « Copropriété » aux éditions Lexbase, il écrit régulièrement des articles dans la revue Lexbase Hebdo – édition Affaires.
Il est également un auteur régulier de la Revue des loyers, revue de référence en matière de droit des baux et de la copropriété, et membre du conseil scientifique de cette revue.
Il est est co-auteur de l’ouvrage « Les baux commerciaux » des éditions Lamy dont il est chargé de la mise à jour et il a publié aux éditions Lamy, dans la collection « Axe droit », un ouvrage intitulé « Baux commerciaux, Jurisprudence 2009-2010 ».
Julien PRIGENT publie aussi des articles dans le domaine du droit immobilier pour la Gazette du Palais.
Il a enseigné par ailleurs le droit des baux commerciaux à l’École Nationale Supérieure du Management Immobilier (ENSMI) et intervient à de nombreux colloques.
L’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, d’application immédiate, y compris aux procédures en cours, paralyse l’action en constatation d’acquisition d’une clause résolutoire pour non-paiement des loyers pendant la période au cours de laquelle l'activité du locataire est affectée par une mesure de police (TJ Paris, ord. référé, 21 janvier 2021, RG n° 20/55750).
FAITS ET PROCEDURE
Le locataire d'un restaurant ouvert, mais dont l'activité a été affectée par des mesures de police administrative (décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 : distance entre les tables, l’interdiction d’asseoir des convives de groupes distincts à la même table) n'a pas réglé l'intégralité des loyers du 3e trimestre 2020.
Le bailleur a fait délivrer un commandement de payer le solde du loyer du 3e trimestre 2020 au visa de la clause résolutoire.
Il a assigné ensuite le locataire en constat de l’acquisition de la clause résolutoire.
SOLUTION
L'exception d’inexécution soulevée par le locataire doit être étudiée à la lumière de l’obligation de négocier de bonne foi et non à celle du respect du bailleur de son obligation de délivrance car le local était ouvert au public.
Le locataire a réglé une partie des loyers, il n’a pas cessé de solliciter une adaptation du montant des loyers et il a sollicité une mesure de conciliation devant le tribunal de commerce (bonne foi).
Le locataire peut se prévaloir sans contestation sérieuse de la survenance de circonstances imprévisibles au sens de l’article 1195 du Code civil (mesures de polices empêchant de démarrer l’exploitation conformément aux prévisions et d’amortir le coût de lourds travaux engagés en 2020).
⏭️ L'exigibilité de l’intégralité des loyers du 3e trimestre ne peut être jugée en référé en raison des circonstances imprévisibles et de l'existence de négociations.
⏭️ En tout état de cause, il existe une contestation sérieuse, l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, d’application immédiate, y compris aux procédures en cours, paralyse l’action en constatation d’acquisition d’une clause résolutoire pour non-paiement des loyers pendant la période au cours de laquelle l'activité du locataire est affectée par une mesure de police.
Julien PRIGENT
MUTELET-PRIGENT ET ASSOCIES
Avocats à Paris
FORMATION DU BAIL COMMERCIAL ET PRESCRIPTION
La nullité d’un bail commercial (pour erreur sur la qualité substantielle du bien loué, le bailleur ayant largement sous-évalué le montant des charges) peut être soulevée par voie d’exception pendant le délai de prescription quinquennale nonobstant l'exécution partielle du contrat (Cass. civ. 3, 03-12-2020, n° 19-23.397, F-D) (voir Cass. civ. 1, 04-05-2012, n° 10-25.558, F-P+B+I : « la règle selon laquelle l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui n'a pas encore été exécuté ne s'applique qu'à compter de l'expiration du délai de prescription de l'action »).
OBLIGATION DES PARTIES : EXPLOITATION ET DELIVRANCE
La résiliation judiciaire d'un bail commercial pour défaut d'exploitation des locaux ne peut être prononcée si aucune stipulation expresse du bail ne fait obligation au preneur d'exploiter son fonds de commerce dans les lieux loués (Cass. civ. 3, 03-12-2020, n° 19-20.613, F-D) (voir, précédemment en ce sens Cass. civ. 3, 10-06-2009, n° 07-18.618, publié ; Cass. civ. 3, 10-06-2009, n° 08-14.422, publié).
En présence de désordres structurels sur le plancher partie commune, le syndicat des copropriétaires, sur le fondement de l’article 14 de loi du 10 juillet 1965, mais également le bailleur, sur le fondement de son obligation de délivrance (même si les désordres ne lui sont pas directement imputables), doivent réparer les préjudices subis par le locataire placé dans l’impossibilité de poursuivre l'exploitation du fonds de commerce (Cass. civ. 3, 03-12-2020, n° 19-12.871, F-D).
INDEMNITE D’EVICTION
En retenant que l'indemnité d’éviction doit notamment comprendre la valeur vénale du fonds de commerce défini selon les usages de la profession sans prévoir de plafond, de sorte que le montant de l'indemnité d’éviction pourrait dépasser la valeur vénale de l'immeuble, l’article L. 145-14 du Code de commerce est susceptible de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur (renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel) (Cass. QPC, 10 décembre 2020, n° 20-40.059, FS-P+I)
REMISE DES CLES A L’ENTREE ET A LA SORTIE
La demande du bailleur en paiement d’une indemnité pour l’occupation des locaux postérieurement au congé du preneur ne peut être rejetée au motif que le bailleur n’a pas réclamé les clés (Cass. civ. 3, 03-12-2020, n° 19-22.443, F-D).
Il incombe au bailleur de prouver qu’il a remis au locataire la clé de la nouvelle serrure permettant à d'accéder aux lieux loués, même si le locataire n’a pas mis en demeure le bailleur de remplir son obligation de mise à disposition du local (Cass. civ. 3, 03-12-2020, n° 19-18.816, F-D).
Julien PRIGENT
MUTELET-PRIGENT ET ASSOCIES
Avocats à Paris
L’évènement épidémique n’est pas un cas de force majeure et il n’exonère pas en tout état de cause un débiteur de son obligation au paiement d’une somme d’argent. La fermeture des commerces ne peut être assimilée à une destruction de la chose louée (C. civ. art. 1722) et elle ne rend pas l’exécution excessivement onéreuse (C. civ., art. 1195) pour le locataire. Seul doit donc être examiné le principe de bonne foi. Le locataire échouant à apporter la preuve de sa bonne doit être condamné au paiement. Tels sont les enseignements d’une ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris (T. com. Paris, 11-12-2020, aff. n° 2020035120).
FAITS :
DEMANDE DU BAILLEUR ET ARGUMENTS DU LOCATAIRE
Le bailleur assigne en référé le locataire en paiement devant le tribunal de commerce
Le locataire a invoqué pour s’opposer à cette demande :
RÉPONSE DU PRÉSIDENT TRIBUNAL DE COMMERCE
Le tribunal de commerce relève que :
Seul doit être examiné le principe de bonne foi :
Le locataire échoue à démontrer sa bonne foi et un trouble manifestement illicite est constaté qu’il convient de faire cesser.
Le locataire est condamné à régler l’arriéré, outre 10 % au titre de la clause pénale.
Julien PRIGENT
MUTELET-PRIGENT ET ASSOCIES
Avocats à Paris
La fermeture totale d’un commerce dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire et du confinement est susceptible de revêtir le caractère de la force majeure, si bien qu'il existe une contestation sérieuse quant à l'exigibilité des loyers (CA Paris, 1, 3, 09-12-2020, n° 20/05041).
Dans le cadre d’un appel d’une ordonnance de référé qui avait suspendu les effets de la clause résolutoire pour non-règlement des loyers sous réserve du respect d’un échéancier, le locataire invoquait la force majeure pour solliciter la suspension de l'exigibilité des loyers pour la période du 17 mars 2020 au 11 mai 2020 en raison de la période de confinement, ainsi que la réduction à 30 % de l'exigibilité du loyer depuis la crise des gilets jaunes et les grèves des transports, soit depuis le mois d'octobre 2018 jusqu'au mois de février 2020 et du mois de mai 2020 jusqu'à la fin de la pandémie.
La cour d’appel a retenu que :
Julien PRIGENT
MUTELET-PRIGENT ET ASSOCIES
Avocats à Paris
Les dispositions à l’article L. 290-1 du Code de la construction et de l'habitation, selon lesquelles une promesse de vente d’un immeuble d’une durée supérieure à dix-huit mois doit être constatée par un acte authentique lorsqu'elle est consentie par une personne physique, ont pour objet la seule protection du promettant qui immobilise son bien pendant une longue durée. La nullité encourue en raison de leur non-respect est donc relative et seul le promettant peut l’invoquer (Cass. civ. 3, 26-11-2020, n° 19-14.601, FS-P+B+I).
FAITS
En l’espèce, par acte sous seing privé du 10 mai 2013, un propriétaire avait donné à bail à un appartement pour une durée de trois ans.
Par un protocole devant être annexé au bail, les parties étaient convenues de la vente de l'appartement, selon certaines modalités et conditions, dans un délai maximum de vingt-quatre mois.
Par acte du 23 mai 2015, elles avaient prorogé les effets du protocole jusqu'au 15 mai 2016.
Par acte du 3 novembre 2016, le propriétaire, après commandement de payer les loyers, a assigné le locataire en résiliation du bail, expulsion et paiement de diverses sommes.
Le locataire a sollicité reconventionnellement la nullité du protocole.
Les juges du fond ont rejeté la demande en annulation du protocole, constaté la résiliation du bail, prononcé la condamnation du locataire à payer diverses sommes au titre des arriérés de loyers et des indemnités d’occupation et ordonné son expulsion.
Le locataire s’est pourvu en cassation.
SOLUTION
Aux termes de l’article 290-1 du Code de la construction et de l’habitation « toute promesse de vente ayant pour objet la cession d'un immeuble ou d'un droit réel immobilier, dont la validité est supérieure à dix-huit mois, ou toute prorogation d'une telle promesse portant sa durée totale à plus de dix-huit mois est nulle et de nul effet si elle n'est pas constatée par un acte authentique, lorsqu'elle est consentie par une personne physique ».
Le locataire, bénéficiaire de la promesse de vente, soutenait que cette nullité était absolue et qu’elle pouvait en conséquence être invoquée par toute personne intéressée, donc par le bénéficiaire d’une promesse soumise à ces dispositions.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi.
Elle approuve la cour d’appel d’avoir énoncé que dès lors que les dispositions de l’article L. 290-1 du Code de la construction et de l’habitation ont pour objet la seule protection du promettant qui immobilise son bien pendant une longue durée, la nullité encourue en raison de leur non-respect est relative.
Seul le propriétaire promettant peut donc invoquer la nullité d’une telle promesse.
OBSERVATIONS
Les dispositions de l’article 290-1 du Code de la construction et de l’habitation ne précisent pas si la nullité, encourue en l’absence de respect du formalisme qu’elles édictent, est absolue ou relative.
L’arrêt commenté répond à cette question en consacrant le caractère relatif de cette nullité.
L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a introduit une définition et déterminé le régime des nullités absolues et relatives.
La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général (article 1179 du Code civil). Elle peut être demandée par toute personne justifiant d'un intérêt, ainsi que par le ministère public, sans pouvoir être couverte par la confirmation du contrat (article 1180 du Code civil).
La nullité est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d'un intérêt privé (article 1179 du Code civil). Elle ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger et peut être couverte par la confirmation (article 1181 du Code civil).
La nullité pour défaut de respect du formalisme prévu par l’article L. 290-1 du Code civil devrait donc pouvoir être susceptible d’être couverte par la confirmation du promettant, même tacite (CA Nîmes, 22-10-2020, n° 18/03080).
Julien PRIGENT
MUTELET-PRIGENT & ASSOCIES
Avocats à la cour d’appel de Paris